Page images
PDF
EPUB

MPRIMERIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT

Ruc J.-J.-Rousseau, 41 (hôtel des Fermes)

PARLEMENTAIRES

DE 1787 A 1860

RECUEIL COMPLET

DES

DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES

IMPRIMÉ PAR ORDRE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

SOUS LA DIRECTION DE

M. J. MAVIDAL

CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE l'expédition des lois, des pÉTITIONS, DES IMPRESSIONS
ET DISTRIBUTIONS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

ET DE

M. E. LAURENT

SOUS-BIBLIOTHÉCAIRE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

DEUXIÈME SÉRIE (1800 à 1860)

TOME XXXI

DU 14 AVRIL 1821 AU 4 JUIN 1821.

D

PARIS

LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT
41, RUE J.-J.-ROUSSEAU (HOTEL DES FERMES).

1876

[blocks in formation]

ARCHIVES PARLEMENTAIRES

SECONDE

RESTAURATION.

REGNE DE LOUIS XVIII.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. RAVEZ.

Séance du samedi 14 avril 1821.

A une heure et demie, M. le président, depuis longtemps au fauteuil, ouvre la séance.

Le procès-verbal est lu par M. Mousnier-Buisson et sa rédaction approuvée.

M. Ruinart de Brimont, député du Maine, demande, par une lettre adressée à M. le président, un congé que la santé très-inquiétante de son fils rend pour lui nécessaire. Ce congé est accordé.

M. Fournas. M. le président, je demande la parole. J'ai l'honneur de faire observer que tous les jours nous sommes convoqués pour être en séance à midi ou du moins à une heure; il est eu ce moment deux heures, et les députés présents sont en très-petit nombre...

M. le Président. Cette observation viendra naturellement lorsqu'il s'agira de statuer sur l'ordre du jour de la prochaine séance.

La discussion se rétablit sur l'article 2 de la proposition de M. Sirieys de Mayrinhac relativè au règlement.

M. Cornet-d'Incourt. Messieurs, si tous les orateurs dans cette Chambre ressemblaient à celui dont le discours a terminé la séance d'hier; si, comme lui, ils ne cherchaient qu'à persuader ou à convaincre, et à faire prévaloir ici leur opinion, les discussions ne seraient jamais sans utilité et sans intérêt. Si même avec un moindre talentils daignaient, bien ou mal, parler pour ceux qui les écoutent, du moins elles seraient toujours sans scandale et sans danger; et si elles n'étaient pas sans ennui, on pourrait aisément s'y sous

T. XXXI.

traire, comme il vous l'a conseillé, soit en conversant avec ses voisins, soit en allant à la salle des conférences relire le discours de la veille pour échapper à celui du jour. Malheureusement il n'en est pas ainsi. Quelques orateurs, et grâce à Dieu, ils sont en petit nombre; mais enfin, Messieurs, quelques orateurs, si l'on peut leur donner ce nom, ne parlent pas ici pour ceux qui les écoutent, et ne songent guère à nous persuader et à nous convaincre. Je suis loin d'accuser leurs intentions, et je m'empresse d'affirmer que je les tiens pour très-pures et très-innocentes; si je ne les croyais pas telles, je saurais recourir au besoin à ces petits mensonges officieux qui ne trompent personne, et qu'on appelle, je crois, des précautions oratoires. Mais quelles que soient leurs intentions, ce n'est pas sans doute à la Chambre que s'adressent ces orateurs, qui, bravant à la fois le mécontentement de leurs amis et les murmures de ceux qu'ils croient leurs ennemis, s'obstinent avec une constance opiniâtre à parler sans fin comme sans mesure, devant des banquettes tumultueuses ou désertes. Et toutefois ces discours, dont personne n'a pu entendre une parole, se trouvent recueillis en entier par des sténographes dont l'oreille attentive n'en perd jamais une syllabe. Rien n'y manque, pas même, aux endroits convenables, la vive sensation, l'impression profonde et les bravos, arrivant à point nommé, tels qu'ils avaient été prévus au manuscrit. Certes, Messieurs, ce n'est pas la faute de ces orateurs, si leurs discours, partant d'en haut, comme on l'a dit, n'ont produit leur effet que sur quelques centaines d'étudiants, et si les soldats français, résistant à toutes les provocations, et trouvant la cocarde blanche assez glorieuse, ont enlevé de dessus ces jeunes têtes avec la pointe de leur sabre, les chapeaux parés d'une autre cocarde. Sans doute nous ne devons pas nous exagérer le péril, et il faut convenir que de pareils discours sont désormais plus ridicules que dangereux. Néanmoins, Messieurs, qui pourrait soutenir que la Chambre n'ait pas le droit d'imposer silence à ceux qui ne parfent pas pour elle? Et si elle a toujours le droit,

[ocr errors]

quand elle se trouve assez éclairée, de condamner à la fois tous les orateurs au silence, comment n'aurait-elle pas celui de faire taire un moment l'orateur imprudent ou mal avisé, qui, loin d'apporter dans la discussion des lumières nouvelles, vient l'entraver par de vaines ou séditieuses déclamations, et au lieu de travailler à vous convaincre, ne cherche qu'à égarer et à soulever la multitude?

Mais la Chambre avait-elle besoin pour user de Ice droit de changer son règlement? Non, sans doute; on pouvait épargner quinze jours de discussion, et cinq minutes auraient suffi pour établir à la fois et appliquer le principe en fondant à cet égard, comme on dit ailleurs, un bon précédent. Quoi qu'il en soit, puisque nous ne pouvons pas nous guérir de la manie règlementaire; puisque la matière a été mise en délibération, et que le principe est contesté, il faut bien enfin nous résoudre à l'établir par une disposition formelle.

Puissions-nous n'avoir jamais à en faire l'application! De fatales divisions entre les uns ont fait naître entre les autres des espérances, et ont donné lieu à des tentatives que je ne veux pas qualifier. Que la majorité de cette Chambre soit toujours unie, que le ministère marche franchement à sa tête! Que dans tous les actes du gouvernement, les précédents futurs corrigent les torts des précédents passés, et les mécontents renonceront bientôt à de chimériques espérances; ils ne chercheront plus à troubler le bonheur commun. Ils se résigneront à en jouir et à y concourir euxmêmes. Les discussions deviendront ici ce qu'elles doivent être on parlera pour éclaircir, pour éclairer, pour persuader, pour convaincre; on se combattra sans cesser de s'estimer, et personne ne sera mis, malgré lui, au régime du silence.

Tels sont les vœux que je forme; telles sont aussi les espérances que j'ose concevoir, et qu'il tient à vous, Messieurs, qu'il tient surtout aux ministres du Roi de réaliser.

M. de Castelbajac. Messieurs, au point où la discussion en est venue, je n'abuserai point des moments que la Chambre veut bien m'accorder. Je la prie de permettre seulement que je lui soumette quelques observations qui peuvent peutêtre jeter un nouveau jour sur la délibération.

Nul de nous n'a pu avoir la pensée d'entraver la liberté du député à la tribune ; je ne le pense pas du moins; mais, animés par le désir d'éviter des discussions pénibles, et au dehors des sujets de scandale, les défenseurs du projet sont forts de leurs intentions; et je conçois qu'après tel ou tel discours, on se sente plus ou moins enclin à adopter le projet de la commission, en croyant qu'il remplit un but que cependant il n'atieint

pas.

Mais je demande à ceux qui siégent dans cette enceinte de s'élever au-dessus de ces considérations du moment, comme leur devoir le leur impose, et de songer, non à ce qui irrite, mais à ce qui doit être fait pour le bien, avec ce calme qui seul peut le produire. Pensons à l'avenir, Messieurs; on a fait en France assez de lois de circonstances, n'en faisons pas de même pour nos règlements.

Vous avez adopté hier l'article 1er, et je ne me permettrai par conséquent aucune discussion. Cependant j'aurai l'honneur de faire une observation qui prouvera combien souvent on peut se laisser entraîner à faire une chose tout à fait contre son propre intérêt, alors même qu'on croit mieux le servir.

Par l'adoption de cet article, vous avez renoncé au droit de paraître à la tribune pour motiver le rappel l'ordre, de prendre part à la discussion à laquelle un rappel à l'ordre donne lieu; en un mot vous avez abdiqué le droit que vous aviez eu jusqu'à ce jour, droit consacré par l'usage et non contesté par le règlement. Vous avez étouffé toute discussion, ou du moins vous l'avez cru; oui, Messieurs, vous l'avez étouffée, mais c'est contre l'intérêt de la Chambre, contre sa dignité, car comme vous ne pouvez pas rapporter l'article 54 de la Charte qui dit que les ministres doivent être entendus quand ils le demandent, il s'ensuit qu'aujourd'hui tout ministre pourra établir une discussion alors que le président prononcera un rappel à l'ordre contre un membre; qu'il pourra combattre, poursuivre, justifier l'orateur inculpé; qu'il pourra parler pour ou contre les deux rappels à l'ordre indispensables avant que la proposition de retirer la parole soit mise aux voix; qu'il pourra parler encore dans cette épreuve, pendant que, d'après l'article adopté, la Chambre silencieuse et muette attendra paisiblement le résultat d'un droit exclusif qu'elle aura établi dans l'intérêt du ministère, contre le sien propre. Aujourd'hui si les ministres, comme cela est juste. sont entendus quand ils le demandent, les députés au moins peuvent répondre, ils peuvent demander la parole. Désormais ils ne le pourront plus dans les circonstances les plus graves, dans celles qui tiennent le plus à leurs libertés et à leurs droits. J'en parle sans aucun sentiment hostile, je le déclare; mais un tel pouvoir accordé aux ministres dans la Chambre me paraît subversif de ses droits, de la liberté qu'elle doit avoir pour défendre le trône, et des intérêts de tous comme du droit individuel de chacun. On a cru devoir relever une phrase dans laquelle je disais que nous serions, si nous adoptions le projet, dans une situation pire que les muets de Buonoparte, parce que ceux-là du moins n'avaient pas choisi leur position; on a attaqué ma phrase, parce qu'apparemment on en croyait l'idée fausse, et moi je la maintiens, parce que je la crois juste. Assurément cette Chambre qui, dès qu'elle put parler, imprima à la France un bon sentiment de respect et de reconnaissance, par le courageux langage qu'elle adressa au moins endurant des despotes, certes cette Chambre n'eût pas accordé au ministère un pouvoir exclusif sur elle-même; elle n'eut pas renoncé à ses droits pour les lui transmettre; elle n'eût pas renoncé volontairement à la parole dont elle savait faire un si noble usage.

Par l'article qui se discute, vous remettez tout le pouvoir entre les mains du président. Voyons quel est l'usage qu'il pourra en faire, en observant toutefois que c'est ici le cas de relever une erreur avancée à la tribune par différents ministres et plusieurs préopinants. Quoique l'on ne puisse plus motiver le rappel à l'ordre, vous a-ton dit, on n'en répondra pas moins à ce qui a été dit, et le suivant le fera à son tour de parole. J'en appelle à la bonne foi de la Chambre, dans une discussion écrite, peut-on répondre tout de suite à un discours médité avec art, et où les expressions auront été pesées et mesurées de manière à produire l'effet qu'on s'en promet? Cela est impossible; et si le lendemain, lorsque, servis par la réflexion, qui seule peut fournir les movens de répondre, vous arrivez à la tribune, le président sera tenu de faire son devoir, et comme tout se lie à merveille dans le projet de la commission pour constituer le mutisme de la

« PreviousContinue »