Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors]

DE

LA LÉGISLATION CRIMINELLE

EN FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA COUR DE CASSATION.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

La Cour de cassation est une émana- Le conseil des parties connaissait, tion du Conseil des souverains en France. comme aujourd'hui la Cour de cassation Dans tous les temps, les rois de France connait, des affaires contentieuses qui eurent un Conseil de personnes choisies, s'élèvent entre les particuliers, lorsque pour connaître de tout ce qui intéresse ces affaires étaient relatives à des contraPEtat. ventions aux lois, à l'exécution des ordonnances du royaume, et à l'ordre judiciaire établi par le souverain.

Rien n'intéresse plus directement l'Etat que l'exécution et le maintien des lois dans les tribunaux.

Le Conseil des rois se divisait en différentes sections, et chacune de ces divisions conservait le nom de Conseil.

Ainsi il y avait grand Conseil, Conseil d'Etat ou des affaires étrangères, Conseil des dépêches, Conseil royal des finances, Conseil royal de commerce, Conseil des parties ou Conseil privé, Conseil de chancellerie, Conseil des prises, Conseil d'administration, Conseil de marine, etc. Le Conseil des parties était celui dont les attributions ont été conférées à la Cour de cassation.

TONE IV.

Ces affaires étaient les demandes en cassation d'arrêts rendus par les Cours supérieures en toute matière tant civile que criminelle, les conflits qui s'élevaient entre les mêmes Cours, les réglemens à faire entre elles, les évocations sur parentés et alliances, les oppositions au titre des offices, le rapport des provisions de ces offices]. etc., etc.

C'était le chancelier qui, en sa qualité de chef-né du Conseil, présidait le Conseil des parties, comme le ministre de la justice a aujourd'hui le droit de présider la Cour de cassation; droit qu'il exerce, et

1

4

qui devient même pour lui un devoir, de leur contestation; mais elle maintient lorsqu'il y a lieu de réunir toutes les seulement l'ordre établi par les lois et chambres ou sections de la Cour, pour ordonnances du Roi. Elle n'est point juge fixer le sens controversé de quelque dis- des différens des particuliers; elle n'apposition de la loi, après deux arrêts ou jugemens en dernier ressort rendus dans la même affaire entre les mêmes parties, et qui ont été attaqués par les mêmes moyens (1).

Cependant le Roi était toujours censé présent au Conseil des parties, comme à toutes les autres divisions de son Conseil; et il y avait même dans la salle d'audience un fauteuil toujours existant et réservé à Sa Majesté, dans lequel elle était censée assister au rapport des affaires qui s'y décidaient.

Il est inutile de faire connaître ici quelle était la composition de ce Conseil; mais nous observerons que le Conseil des parties suivait toujours le Roi, à la différence de la Cour de cassation, qui est toujours permanente dans la capitale du royaume.

Les affaires étaient instruites au Conseil des parties par le ministère d'officiers dès-lors connus sous le nom d'avocat au Conseil.

Le nombre des juges n'était point fixé pour rendre un arrêt au Conseil des parties. Les procès s'y décidaient à la pluralité des suffrages, comme dans les tribunaux ordinaires, et il n'y avait jamais de partage d'opinions par la raison que, dans le cas de parité dans le nombre des voix, celle du chancelier avait la prépondérance.

La forme de procéder au Conseil des parties fut établie par un réglement du 28 juin 1738, qui fut modifié par un arrêt du Conseil du 19 août 1769.

Les fonctions du Conseil des parties ne souffraient aucune interruption : ce Conseil n'avait point de vacances, et il en a été long-temps de même à la Cour de cassation.

La Cour de cassation ne rend pas aux parties la justice distributive sur le fond

(1) Voyez la loi du 16 septembre 1807 et l'article 440 du Code d'inst. crim. qui la rappelle. Aux termes de la loi du 30 juillet 1828, arti

plique pas même les peines en matière criminelle: mais elle prononce sur la compétence des tribunaux et sur la validité de leurs jugemens ou arrêts. Elle casse, pour incompétence ou nullité, ou fausse application de la loi, les décisions qui lui sont soumises, mais elle renvoie les parties devant d'autres juges, toutes les fois qu'il y a lieu de statuer sur le fond; et telles étaient aussi les limites des attributions du Conseil des parties.

Ce Conseil des parties, ou Conseil privé, était lui-même un démembrement du grand Conseil, qui, plus anciennement, connaissait seul du contentieux relatif à la guerre, à la marine, aux finances, au commerce et aux autres parties de l'administration publique.

En 1771, par un édit du mois d'avril, le grand Conseil fut supprimé, et les affaires dont la connaissance lui avait été attribuée, furent renvoyées, les unes au Conseil d'Etat privé du Roi, quelques autres aux maîtres des requêtes de l'hôtel, et le surplus au parlement de Paris.

Cette époque est celle d'une grande et mémorable innovation dans les parlemens de France.

En novembre 1774, les parlemens ayant été rendus à leur antique institution, le grand Conseil fut rétabli avec toutes ses attributions, qui sont spécialement rappelées dans un édit de juillet 1775.

Il est temps d'en venir au premier établissement du tribunal de cassation, ainsi dénommé par l'Assemblée nationale qui le créa, en supprimant le Conseil des parties.

La loi de création est du 27 novembre - 1er décembre 1790.

Le tribunal de cassation fut chargé, par cette loi, de prononcer sur toutes les demandes en cassation contre les jugemens rendus en dernier ressort; de juger

cle 1er, le garde des sceaux ne préside plus les sections réunies de la Cour de cassation. Duvergier.

dans toute l'étendue de la France les demandes de renvoi d'un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime, les conflits de juridiction, les réglemens de juges, et les demandes de prise à partie

contre un tribunal entier.

La loi lui fit un devoir d'annuler toutes procédures dans lesquelles les formes auraient été violées, et tout jugement qui contiendrait une contravention expresse au texte de la loi.

La connaissance du fond des affaires lui fut expressément interdite; et telle est encore la limite des pouvoirs de la Cour de cassation, que, sous aucun prétexte et en aucun cas, elle ne peut retenir cette connaissance : elle est obligée, en cassant les procédures ou le jugement, de renvoyer le fond des affaires aux tribunaux qui doivent en connaître.

La même loi mit à l'abri de la cassation les jugemens rendus en dernier ressort par les juges de paix: l'article 4 renferme une défense expresse d'admettre de pareilles demandes. Nous verrons bientôt que cette prohibition a été modifiée, et que l'excès de pouvoir commis par les juges de paix a été mis au nombre des motifs de cassation autorisées par des lois postérieures.

Le premier changement que subit le tribunal de cassation, fut consigné dans la loi du 1er vendémiaire an IV (1).

Une loi du 2 brumaire an IV organise le tribunal de cassation (2).

L'exécution du réglement du 28 juin 1738 fut ordonnée par l'article 25 de cette loi, et il est encore suivi pour le mode de procéder (3).

Des lois de l'an VIII confirmèrent les

(1) Voyez art. 268 de cette loi. (2) Voyez, dans cette loi, les détails de l'organisation du tribunal de cassation.

(3) Il est inutile de parler de la loi du 24 messidor de l'an IV, qui n'est relative qu'à la composition lors actuelle du tribunal; d'un décret du 15 ventose an IV, qui défendit qu'on adressât au Corps législatif des réclamations contre les jugemens des tribunaux; d'une loi du 12 vendémiaire an VI, qui créa dans le tribunal une quatrième section temporaire; d'une autre loi du 29 fructidor an VI, qui porte à sept le

attributions du tribunal de cassation, et lui interdirent, comme les lois précédentes, le pouvoir de connaître du fond des affaires (4).

Le nombre des juges fut porté à quarante-huit, divisés en trois sections de seize membres chacune (5).

Du reste, une disposition de la loi 27 ventôse an VIII, qui subsiste encore, détermine le nombre des membres nécessaires pour rendre un arrêt dans chacune des sections.

Ce nombre est réglé pour le minimum à onze; et les jugemens sont rendus à la majorité absolue des suffrages, sans prepondérance.

Le tribunal de cassation, s'étant organisé sur ces élémens, régla lui-même son service le 12 floréal an VIII, et ce réglement fut approuvé le 4 prairial par le Gouvernement.

Une chose remarquable dans ce réglement est que, dans les affaires dont le président se trouve rapporteur, ce n'est pas le doyen de réception, mais le doyen d'âge, qui préside à sa place (art. 19).

Il en est de même aux assemblées générales en l'absence du premier président, la présidence appartient au plus âgé des présidens de section, ou, à leur défaut, au doyen d'âge du tribunal (art. 36).

Les plaintes qui peuvent s'élever contre les greffiers, avoués (avocats) et huis siers, sont présentées au président et au procureur-général, qui les règlent de concert, selon leur justice et leur prudence (art. 38); et par un arrêt rendu en 1813, la Cour de cassation a déclaré que c'est à elle, comme à tout autre Cour et tribunal

nombre des substituts du commissaire du Gouvernement.

(4) Voyez les art. 65 et 66 de la loi du 22 frimaire an VIII.

(5) Voyez art. 48 et 50 de la loi du 27 ventôse an VIII.

La Cour de cassation est aujourd'hui composée de cinquante juges, y compris un premier président et trois présidens ordinaires; d'un procureur-général; de six avocals-généraux, et d'un greffier en chef, auquel sont adjoints trois commis-greffiers assermentés.

respectif, qu'il appartient connaître des faits imputés aux avocats placés près d'elle, relativement à leurs fonctions (1). Nous n'avons garde de passer sous silence une des plus belles attributions, qui fut déférée par le Gouvernement au tribunal de cassation le 5 ventôse an X, et que la Cour a conservée dans les changegemens qu'elle a subis : tous les ans elle doit envoyer au Roi une députation de douze membres pour lui présenter le tableau des parties de la législation dont l'expérience aura fait connaître les vices ou l'insuffisance.

Ce tableau présente spécialement les

moyens,

buant à la Cour de cassation, présidée par le ministre de la justice, le droit de censure et de discipline que sur les Cours d'appel et Cours de justice criminelle, on doutait qu'elle eût droit de suspendre les juges autres que ceux de ces Cours, droit qui, prétendait-on, ne peut s'étendre aux juges des tribunaux de première instance.

Ce doute a cessé depuis l'arrêt du 2 germinal an XIII, rendu par les sections réunies sous la présidence du ministre de la justice (3).

Le titre XIV de l'acte du 28 floréal an X, qui règle l'ordre judiciaire, contenait quelques dispositions relatives ou du moins applicables à la Cour de cassation.

1o De prévenir les crimes, d'atteindre les coupables, de proportionner les pei- Nous avons déjà dit que chaque section nes et d'en rendre l'exemple le plus utile; de la Cour de cassation ne peut juger en 2o De perfectionner les différens Codes; moindre nombre que onze membres, le 3o De réformer les abus qui se seraient président compris : mais, comme ils peuglissés dans l'exercice de la justice, et vent se trouver en nombre pair, il a été d'établir dans les tribunaux la meilleure nécessaire de prévenir le cas d'un pardiscipline, tant à l'égard des juges qu'à tage égal d'opinions. l'égard des officiers ministériels.

La loi du 2 brumaire an IV avait attriPeu de temps après cette loi, et dans la bué, article 23, aux sections réunies, la même année, un acte du 16 thermidor connaissance des affaires ainsi partagées. an X ajouta aux attributions du tribunal Mais il y a été dérogé par l'article 64 de de cassation (art. 82) le droit de censure la loi du 27 ventôse an VIII, qui a établi et de discipline sur les tribunaux d'appel et les tribunaux criminels, droit qu'il ne pouvait exercer que présidé par le ministre de la justice.

Une deuxième disposition, détachée de la première, l'autorise, pour cause grave à suspendre les juges de leurs fonctions et à les mander près du ministre de la justice, pour y rendre compte de leur conduite.

Une question importante s'est élevée sur cet article: la première partie n'attri

(1) Voyez un arrêt de cassation en date du 6 juillet 1813.

Il a été jugé que les avocats de la Cour de cassation peuvent refuser leur ministère pour introduire un recours en cassation, mais qu'ils ne doivent point, par leur négligence, priver leurs cliens du droit de recourir dans le délai légal.

Dans l'espèce, un avocat à la Cour de cassation avait été actionné par un de ses cliens devant le tribunal civil de la Seine en dommages

un autre moyen de faire cesser le partage; c'est d'appeler cinq juges seulement pour le vider. Ces cinq juges sont pris d'abord parmi ceux de la même section qui n'auraient point assisté à la discussion de l'affaire qui donne lieu au partage ensuite et subsidiairement parmi les membres des autres sections.

L'article 66 de la même loi avait réglé d'une manière bien précise le mouvement périodique des sections de la Cour de cassation; suivant les dispositions de cet ar

[blocks in formation]
« PreviousContinue »