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ment que la coutume de Paris devalt servir de règle, en cas de silence des ordonnances et de la coutume locale. Ferrière (loc. cit.) mentionne plusieurs arrêts qui ont statué dans ce sens.- - Enfin, on distinguait, sous le nom de droit féodal, aussi bien dans les pays de droit écrit que dans ceux de coutumes, l'ensemble des règles qui déterminaient les rapports du seigneur et de ceux qui dépendaient de sa seigneurie. — V. Féodalité.

15. En France on sépare le droit ancien, qui comprend les lois établies avant 1789, du droit nouveau, postérieur à cette époque. On subdivise ce dernier en droit intermédiaire, comprenant les lois rendues entre 1789 et la publication de nos codes, et en droit nouveau proprement dit, qui est inséré dans nos codes et dans les lois contemporaines ou postérieures.

SECT. 2.

SECT. 3.
SECT. 4.

ART. 1.
ART. 2.

TIT. 3.

CHAP. 1.

SECT. 1.

SECT. 2.

ART. 1.
ART. 2.

ART. 3.
ART. 4.
ART. 5.
ART. 6.

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ART. 3.

DROIT ADMINISTRATIF.—C'est cette partie du droit public CHAP. 2. qui règle les rapports entre gouvernants et gouvernés. Il est la mise en pratique des principes posés par le droit public. « Assurer 'exécution des services publics et la juste répartition de l'impôt; protéger les communautés d'habitants, les établissements publics religieux ou de bienfaisance; prendre des mesures de police et de prévoyance; déclarer l'utilité publique; surveiller les transactions commerciales, contrôler les dépenses; prononcer sur le contentieux qui peut surgir à l'occasion de l'administration ou des mesures indiquées par les lois, telles sont, dit M. Serrigny (Droit public, t. 1, p. 96), les attributions principales et récentes Ju droit administratif » (V. Organis. administ. V. aussi pis Compét. adminis., Communes, Conflit, Conseil d'État., Cour des comptes, Droit public, Préfet).

DROIT CIVIL.-1. On doit entendre par ces mots les droits privés qui résultent spécialement de la législation française, le jus civitatis, par opposition 1° au droit public qui règle les rapports des individus avec leur gouvernement et les relations entre différents gouvernements; 2° au droit naturel, qui est commun à tous les hommes, et qui peut être invoqué par les étrangers comme par les nationaux.-Nous disons droits privés, parce que s'il est vrai que chaque nation a un droit public qui lui est propre, l'usage n'est pas de le désigner sous la dénomination de droit civil, mais sous celle de droit constitutionnel, de droit politique, ou sous celle de droit international, suivant qu'il règle les rapports de gouverné à gouvernant, ou de peuple à peuple (V. ces mots divers). Ce n'est pas non plus du droit civil par opposition avec le droit criminel, commercial et administratif, etc., etc., qu'on entend parler ici c'est de ce qui constitue le droit de cité ou, en d'autres termes, les droits civils dont jouissent, à divers degrés, soit les Français, soit les étrangers, selon que ces derniers sont nés en France, naturalisés, domiciliés ou non domiciliés.-V. Droit, no 9, et plus bas no 46.

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$10. ART. 4. $1. $ 2. ART. 5. SECT. 2.

ART. 1.
ART. 2.

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TIT. 1.-HISTORIQUE.-DROIT D'AUBAINE.-DROIT COMPARÉ.—
TABLEAU CHRONOLOGIQUE DE LA LÉGISLATION DEPUIS 1790
JUSQU'A 1850.

2. De tout temps les peuples civilisés ont obéi à des règles de droit, puisées en partie dans des principes communs à tous les hommes, et en partie dans des principes qui leur étaient propres. Nous voyons, en outre, que, réservant exclusivement aux membres de la cité le bénéfice de leurs lois positives (V. Lois), les nations de l'antiquité ont toujours pris à l'égard des étrangers des mesures hostiles ou tout au moins défiantes, que le progrès des lumières et que les besoins du commerce tendent à tempérer chaque jour davantage. C'est ainsi que, dans la Grèce, à Sparte, notamment, les lois interdisaient tout commerce, tout échange avec les étrangers qu'elles considéraient comme des barbares. Le peuple romain, dit Gaïus, en ses Institutes (com. 1, §1) reconnaissait un droit qui lui était propre en partie, et qui était en partie commun à tous les hommes : « Itaque populus romanus partim suo proprio, partim communi omnium jure ulitur.» 3. Le droit que chaque peuple s'est donné lui est propre et est appelé droit civil, jus civile, comme droit dont jouissent exclusivement les membres de la cité. Les citoyens romains participaient seuls, en effet, au bénéfice du droit civil romain. Quant aux étrangers, ils n'avaient ni le jus connubii (Gaïus, c. 1, §§ 57 et 67), ni le dominium ex jure Quiritium (ib., c. 2, § 40), ni la puissance paternelle (com. 1, §§ 56, 65 et suiv.), ni la faction de testament suivant la loi civile (Gaïus, com. 2, § 110); ils ne pouvaient être témoins dans les actes du droit civil (com. 1, § 119) et ne participaient point au bénéfice de l'usucapion (Inst. De usucapionib. præm.). Ils n'avaient pas l'exercice des actions civiles; et quand, par suite des adoucissements que la législation prétorienne amena dans les mœurs, on améliora leur position, ce ne fut qu'au moyen d'une fiction qu'on leur accorda le

bénéfice des actions créées au profit des citoyens seulement (Gaïus, 4, 37). Les étrangers n'étaient pas justiciables du même magistrat que les citoyens romains. Un préteur pérégrin | était chargé de leur rendre la justice: creatus est alius prætor qui peregrinus appellatus est, ab eo quod plerumque inter peregrinos jus dicebat (L. 1, ff. de origine juris).).—« Dès les premières années du sixième siècle, à la même époque où la dernière action de la loi, la condictio, fut créée, dit M. Domenget (Traité élémentaire des actions privées en droit romain, no 113), un prætor peregrinus, chargé de statuer sur les différends entre pérégrins et entre pérégrins et citoyens romains, fut institué. Les étrangers ne pouvaient, en effet, participer au droit civil, ni, en conséquence, invoquer la procédure des legis actiones. Aussi un système particulier dut-il leur être accordé, dans lequel le juge n'avait point à statuer sur une question de droit civil, mais seulement sur un point de fait déterminé à l'avance par le magistrat.»- Mais tous les actes du droit des gens étaient permis aux étrangers: ils pouvaient acheter ou vendre, échanger, louer, etc. (Inst. de jure natur. et gent. et civili, § 2).

4. On naissait citoyen romain ou on le devenait. Naissait citoyen 1° celui qui avait été conçu en légitime mariage d'un père qui avait cette qualité, que la mère fût romaine, ou latine, ou pérégrine, pourvu que, dans ce dernier cas, le jus connubii lui eût été accordé (Gaïus, Inst. 1, §56);-2° L'enfant conçu en mariage d'un Latin et d'une citoyenne romaine (Gaïus, § 80); — 3o L'enfant né hors mariage d'une mère qui était citoyenne romaine au moment de la naissance de cet enfant, pourvu que le père fùt citoyen romain (Ulpien, Regul. tit. 5, § 8). — Si le père était étranger, l'enfant né hors mariage, quoique d'une citoyenne romaine, était étranger: Connubio interveniente liberi semper patrem sequuntur: non interveniente connubio matris conditioni accedunt; excepto eo, qui ex peregrino et cive romana peregrinus nascitur, quoniam lex mensia ex alterutro peregrino natum deteriorem parentis conditionem sequi jubet (Ulpien, loc. cit., Gaïus, c. 1, § 77). Cette décision est contraire aux principes posés par Gaïus que l'enfant né hors mariage suit la condition que sa mère avait au temps de sa naissance, et semble, en contradiction avec le § 92 de son commentaire premier, où il s'exprime ainsi : Item peregrina quoque si vulgo conceperit, deinde civis romana facta sit, et pariat, civem romanum parit; si vero ex peregrino, cui secundum leges moresque peregrinorum conjuncta est, videtur ex senatusconsulto, quod auctore divo Hadriano factum est, peregrinus nasci, nisi patria ejus civitas romana quæsita sit. Mais l'exception est formelle et se justifie, suivant M. Étienne (Inst. tr. et expliq., append. au liv. 1, tit. 5), par cette considération que l'absence du connubium ne devait pas procurer à l'enfant un plus grand avantage que s'il y avait eu connubium entre son père et sa mère. Quant à la contradiction qui semble exister entre les §§ 77 et 92 du comm. 1 de Gaïus, elle n'est qu'apparente, ce jurisconsulte raisonnant dans le § 92 en dehors du cas prévu au § 77.

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5. On devenait citoyen romain: 1° par affranchissement (Inst. De jure person., § 5); 2o par la naturalisation.-On affranchissait de plusieurs manières. Les modes publics de manumission étaient 1° le cens; 2° la vindicte; 3° le testament; 4° la manumission dans les églises. Les modes privés d'affranchissement étaient très-nombreux. On distingue la manumission per epistolam, celle inter amicos et celle per codicillum (V. Possessions françaises). — La naturalisation était conférée : 1° par un rescrit impérial. Un Latin devenait citoyen romain par bienfait du prince, alors qu'il avait sollicité de l'empereur le jus Quirilium; 2o Un Latin ayant épousé une femme latine ou une ciloyenne romaine pouvait acquérir le droit de cité romaine, s'ils avaient procréé un enfant qui avait vécu une année, s'ils prouvaient d'ailleurs qu'ils s'étaient unis dans l'intention de procréer des enfants. Par cette seule preuve, le père et la mère devenaient citoyens, ainsi que l'enfant, si d'ailleurs sa mère était Latine. Dans le cas où la mère était citoyenne romaine, l'enfant suivait sa condition, sans qu'il fût nécessaire de le naturaliser (Gaïus, c. 1, §§ 29, 67 et 68; Ulpien, Reg. tit. 3, § 3); -3° Lorsqu'un citoyen romain avait épousé une Latine ou une pérégrine, la croyant par erreur citoyenne romaine, ou, à l'inverse, si une citoyenne avait épousé par erreur un Latin ou un pérégrin, dans

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le premier cas, le père, et dans le second la mère, faisait acquérir à son conjoint et à leur enfant la qualité de citoyens romains. Il en était de même dans le cas où l'erreur portait sur un déditice ou sur une déditice, si ce n'est que le déditice ou la déditice ne devenait pas citoyen romain (Gaïus, §§ 67 et 68). De même, si un Latin épousait une pérégrine la croyant Latine, ou si une Latine épousait un pérégrin qu'elle croyait Latin, le droit de cité romaine était acquis aux conjoints et à leur enfant, quand ils avaient prouvé leur erreur (Gaïus, §§ 69 et 70); 4° Le Latin qui avait servi à Rome pendant six ans, en qualité de garde, devenait citoyen romain, aux termes de la loi Vitellia. Un sénatusconsulte réduisit à trois ans le temps de service exigé par la loi Vitellia (Ulpien, Regul. tit. 3, § 5);—5o Le Latin qui avait construit un vaisseau contenant au moins dix mille boisseaux de froment et s'en était servi pendant six ans à cet usage (Ulpien, § 6); 6o Celui qui, suivant la loi Julia, avait dépensé au moins la moitié de son patrimoine à construire un édifice public; - 7° Les Latins qui remplissaient les magistratures, obtenaient le droit de cité. Ce droit était toutefois moins étendu que celui qui résultait pour les Latins de la loi Ælia Sentia; car ceux-là seuls qui exerçaient la magistrature (et non leur femme et leurs enfants) obtenaient droit de cité romaine (Gaïus, § 96). · Telle est l'explication que M. Domenget (Institut. de Gaïus, trad. et annot.) donne de ce paragraphe.

6. La célèbre constitution de Caracalla (L. 17, ff. de statu hominum) fit disparaître la distinction établie entre les citoyens romains et les étrangers, en accordant le droit de cité à tous ceux qui habitaient l'empire romain. Mais nous ne saurions admettre que cette constitution, sur la portée de laquelle on est loin d'être d'accord, accordât à tous ceux qui viendraient à l'avenir résider dans le territoire de l'empire le titre de citoyens romains. Nous adoptons de préférence l'opinion de ceux qui pensent que Caracalla déclara citoyens tous les hommes libres qui, au moment de la promulgation de sa constitution, habitaient l'empire, tous ceux qui vinrent s'y établir postérieurement étant restés dans la classe des peregrini. L'histoire démontre, en effet, que depuis Caracalla les peregrini furent distingués des Latins et des citoyens romains. C'est Justinien qui, dans sa Novelle (c. 5), fit disparaftre les dernières barrières qui éloignaient les étrangers de la qualité de citoyens, et mit fin aux distinctions qui existaient entre eux ainsi qu'entre les affranchis.

7. Le titre de citoyen, et, par conséquent, la faculté de participer aux droits civils se perdait quand on éprouvait dans son état la grande ou la moyenne capitis deminutio. On appelait ainsi à Rome tout changement qui allait au détriment de l'état de celui qui le souffrait. Les Romains connaissaient trois espèces de changement d'État : le premier changement, qu'ils appelaient capitis deminutio maxima, ayait lieu quand un citoyen avait encouru la perte de la liberté; le second, quand, sans perdre la liberté, un citoyen perdait les droits de cité : c'était la capitis deminutio media. Enfin, on appelait capitis deminutio minima le changement opéré dans l'état d'un citoyen qui, sans perdre cette qualité, passait d'une famille dans une autre. Ce dernier changement ne faisait pas perdre le bénéfice des droits civils à celui qui l'éprouvait. - Toutes ces propositions sont formellement établies par la loi 11 au Dig., De capit. minut., et par le § 3 aux Institutes, Do cap. minut. La loi 11 porte, en effet: Capitis deminutionis tria genera sunt: maxima, media, minima. Tria sunt quæ habemus, enim, libertatem, civitatem et familiam. Igitur, cum omnia hæc amittimus, hoc est libertatem, civitatem et familiam, maximam esse capitis deminutionem; cum vero amittimus civitatem, libertatem retinemus, mediam esse capitis deminutionem Cum et libertas, et civitas retinetur, familia tantum mutatur, minimam esse capitis minutionem constat. Le 3 aux Institutes porte aussi : Minima capitis deminutio est, cum civitas retinetur et libertas, sed status hominis commutatur ; quod accidit his qui, cum sui juris fuerint, cœperunt alieno juri subjecti esse; vel contra: veluti, si filiusfamilias à patre emancipatus fuerit, est capite deminutus.

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8. La capitis minutio maxima, ou la perte de la liberté avait lieu: 1° pour le citoyen qui était fait esclave de la peine, c'està-dire qui était condamné à mourir, ou même qui était condamné aux mines à perpétuité. Mais dans sa novelle 22, cap. 8, Justi

nien déclara que le condamné aux mines resterait libre en subissant sa peine; 2° Pour l'affranchi condamné pour cause d'ingratitude envers son patron; 3° Enfin pour celui qui avait frauduleusement consenti à se laisser vendre comme esclave et avait touché le prix de la vente. Dans cette dernière hypothèse, plusieurs conditions étaient requises pour que la capitis deminutio maxima fût encourue: il fallait qu'on fût majeur de vingt ans à l'époque où on s'était laissé vendre; qu'on eût connu son état d'homme libre et qu'on eût reçu le prix de la vente ou plutôt qu'on eût participé au prix payé au vendeur; enfin, la bonne foi était exigée de la part de l'acheteur. Tout ceci résulte du § 4 aux Institutes, De jure personarum, ainsi conçu: Fiunt servi.., jure civili, cum homo liber major viginti annis ad pretium participandum sese venundari passus est, et du § 1 aux Instilutes, De capitis deminut., qui porte: Maxima capitis deminutio est, cum aliquis simul et civitatem et libertatem amittit; quod accidit in his qui servi pœnæ efficiuntur atrocitate sententiæ, vel libertis ut ingratis erga patronos condemnatis, vel qui se ad pretium participandum venundari passi sunt. trefois, il y avait encore d'autres moyens du droit civil de devenir esclave; c'était: 1o lorsqu'on s'était soustrait à l'inscription sur les tablettes du cens, ainsi que l'atteste Cicéron (Pro Cœciná, c. 34); — 2° Lorsqu'on avait commis un vol manifeste, au rapport de Gaïus (com. 3, § 89); 3o Lorsque étant débiteur et condamné on se laissait vendre trans Tiberim par son créancier, suivant la loi des Douze Tables; 4° Lorqu'une femme libre avait eu un commerce illicite avec un esclave, malgré la défense du maître de ce dernier. Telle était la disposition du sénatus-consulte Claudien, supprimé par Justinien (Instit., De success. sublat.). Les trois autres causes d'esclavage avaient été abolies longtemps avant.

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9. La capitis deminutio media résultait: 1° de l'interdiction de l'eau et du feu; 2o De la déportation dans une île. Media capitis deminutio est, dit le § 2 aux Institutes, De capit. deminut., cum civitas quidem amittitur, libertas vero retinetur. Quod accidit ei, cui aquæ et igni interdictum fuerit, vel ei, qui in insulam deportatus est. Déjà au temps d'Auguste, ces deux peines se confondaient en une seule. Constat, dit la L. 2, $1, ff., De pænis, postquam deportatio in locum aquæ et ignis interdictionis successit... Et sous Justinien, on donnait le nom de déportation à l'une et à l'autre. Plusieurs lois au Digeste et au code semblent indiquer, contrairement au texte précité des Institutes, que ces deux peines entraînaient la perte de la liberté. Telles sont notamment la loi 5, § fin., ff., De extraordin. cognit., qui porte: Consumitur vero (existimatio) quotiens magna capitis minutio intervenit id est, cum libertas adimitur: veluti cum aqua et igni interdicitur, quæ in personá déportatorum venit... etc. et la loi 2 C., Ut nemo privat. titul., où l'on trouve ces mots: Si clarissimus, vel miles, clericus, proscribendum deportandum que, non solum civitate romaná, sed etiam libertate privari censemus..., etc. Mais ces derniers textes ne parlent que de la perte de la liberté civile, liée à la qualité de titoyen romain, tandis que les Institutes parlent de la liberté du droit des gens, par opposition à l'esclavage. La contradiction n'est donc qu'apparente. Celte capitis deminutio media, résultant de l'interdiction de l'eau et du feu et de la déportation, changement d'état qui faisait perdre les droits civils à celui qui la subissait et lui laissait néanmoins la liberté, présente une grande analogie avec l'état de celui que, dans notre droit, nous appelons mort civilement; mais la dénomination de mort civile était complétement inconnue aux Romains; elle a été admise dans notre droit pour exprimer énergiquement le retranchement de la société civile de celui auquel on conserve néanmoins l'existence naturelle; mais nous aurons occasion de faire remarquer, en traitant de la mort civile, combien cette expression est impropre, et de voir que les rédacteurs du code civil ne l'ont maintenue qu'à éfaut d'un terme elliptique qui pût rendre leur pensée.

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10. Par la transmigration, per fugam, on encourait aussi la mediam capitis minutionem, c'est-à-dire la perte des droits de cité; mais cette perte n'avait lieu que parce qu'on renonçait volontairement à la cité. L'exil volontaire que s'imposait un citoyen produisait les mêmes effets, relativement à sa qualité, que la condamnation connue sous le nom d'interdictio aquæ et ignis La

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loi 5, au D., De capite minut., porte en effet: Amissione civitatis fit capitis minutio, ut in aqua et igni interdictione. Qui deficiunt, capite minuuntur: deficere autem dicuntur, qui`ab his, quorum sub imperio sunt, desistunt et in hostium numerum se conferunt... Or nous avons déjà vu que celui auquel on avait interdit l'eau et le feu était assimilé au déporté et que ce dernier conservait la liberté, en même temps qu'il perdait les droits de cité : Deportatus civitatem amittit, porte la loi au Dig., De interdict. et relegat., non libertatem; et speciali quidem jure civitatis non fruitur, jure tamen gentium utitur. Emit enim et vendit, locat, conducit, permutat, fænus exercet, et cætera familia. On pourrait objecter à notre système le quatrième livre des observations de Cujas, où ce grand jurisconsulte cite un grand nombre de lois qui prononcent plusieurs peines contre les transfuges, notamment la loi 38, § 1, ff., De pœnis, d'après laquelle ils devaient être brûlés vifs de la même manière que les ennemis (hostes) du peuple romain. Mais Cujas établit très-bien luimême que le transfuge ne subissait que la capitis minutio media. Il appuie son opinion sur le texte positif de la loi 15, au Dig., De tutelis, ainsi conçue: Si quis tutor non sit captus ab hostibus, sed missus ad eos quasi legalus, aut etiam perceptus ab eis, aut transfugerit; quia servus non efficitur, tutor manet. Nous pouvons ajouter à cette citation, celle de la loi 5, § 1, ff., De capite minut., que nous avons déjà rapportée. Donc, concluons à fortiori, avec Richer (Traité de la mort civile, p. 62), que ceux qui, dans leur transmigration, avaient pour but uniquement de se procurer un établissement plus commode et plus tranquille, ne pouvaient être punis plus rigoureusement que ceux qui se rendaient chez l'ennemi pour faire cause commune avec lui. Ils n'encouraient d'autre peine que d'être privés des droits de cité, des facultés dérivant du droit civil et particulier des Romains, mais non de celles du droit des gens. Ils étaient assimilés aux étrangers et jouissaient des mêmes droits qu'eux.

11. La relégation ne doit pas être confondue avec la déportation. — C'était une seconde espèce de bannissement qui différait de la déportation en plusieurs points. La principale différence qui existait entre ces deux peines, c'est que la relégation n'était point odieuse et ne faisait point perdre les droits de cité. Magna differentia est inter deportationem et relegationem. Nam deportatio civitatem et bona adimit. Relegatio neutrum tollit..... (loi 14 au Dig., § 1, De interd. et relegat. et deport.). Toutefois, par une disposition expresse, le juge pouvait faire perdre les biens au condamné. C'est ce qui résulte de la fin de la loi par nous citée : Nisi specialiter bona publicentur. — Mais le juge ne pouvait enlever les droits de cité au condamné à la relégation, ainsi que le prouve la loi 8, § 3, ff., De bonis damnat. : Bona relegati non publicantur, nisi ex sententia specialiter; sed jura libertorum, nec speciali sententia adimi possunt, quia solus princeps relegato ea adimere potest. La perte des droits civils pouvait, en conséquence, frapper le condamné à la rélégation, si l'empereur l'ordonnait.

12. Nous ne dirons rien ici de la capitis minutio minima, parce qu'elle ne faisait aucunement perdre à celui qui la subissait les droits attachés à la qualité de citoyen: elle laissait intacts la jouissance et l'exercice de ces droits.-V. Domicile.

13. Dans l'empire franc, où le principe de la personnalité des lois était en usage, chacun des peuples qui le composaient suivait le droit propre à sa peuplade en même temps qu'il obéissait à des principes communs ou analogues à ceux qui étaient admis dans les coutumes des autres peuples barbares: Et omnis populus, dit Marculfe (form. 1, 8), ibidem commanentes tam Franci, Romani, Burgundiones, quam reliquas nationes sub tuo regimine et gubernatione degant et moderentur, et eos rectò tramite secundum legem et consuetudinem eorum regas.—Proprium autem suum..., secundam suam legem unusquisque absque injusta inquietudine possideat, porte le chap. 9 d'un capitulaire de l'an 817.- C'était par la naissance que se déterminait la loi personnelle de chacun, les enfants étant soumis à la loi de leur père, les femmes, à celle de leur mari, pendant le mariage et à leur loi nationale après le décès de celui-ci (Lex Luitprandi, 6, cap. 74; Lothar. 1, cap. 14). Quant aux enfants naturels, ils pouvaient choisir leurs lois. Justum est, dit Canciani (t. 6, p. 224), ut homo de adulterio natus vivat quale» legem voluerit. » — Les

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affranchis suivaient la loi franque ou la loi romaine, suivant le mode d'affranchissement adopté par le maître, c'est-à-dire que celui qui avait été affranchi dans l'église, suivant les formes romaines, vivait suivant la loi romaine, tandis que l'affranchi suivant la loi franque était soumis à cette loi (Lex Rip., tit. 58, c. 1; 57, c. 1; 61, c. 2; 62, c. 2; - Capit. 3, ann. 805, c. 24; Cap. 3, ann. 813, c. 12). — V. Possess. franç.

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17. Les aubains de la première classe qui venaient résider dans le territoire d'une seigneurie étaient obligés de se faire re14. Remarquons, avec M. Klimrath (Travaux sur l'hist. du connaître au nombre des vassaux ou des serfs du nouveau suzedroit franç., § 164, t. 1, p. 555), que quelle que fût la loi personnelle rain; et s'ils ne reconnaissaient pas un seigneur dans l'an et jour, dont on réclamât le bénéfice, les conditions essentielles du plein ils payaient l'amende à celui dans la châtellenie duquel ils exercice des droits privés étaient la liberté et l'indigénat, c'est-à- avaient établi leur domicile; et s'ils décédaient sans laisser au dire qu'il fallait faire partie, comme homme libre, d'un corps de seigneur quatre deniers, tous leurs meubles étaient à ce dernier. peuple ou de cité reconnu dans l'État.-Quant aux étrangers, ils «Se aucuns hons estrange vient ester en aucune chastellenie de étaient considérés comme indignes de participer à la loi. « Les aucun baron, et il ne fasse sainnieur dedans l'an et le jour, il en hommes, dit Montesquieu, pensaient que les étrangers ne leur sera esploitable au baron. Et se avanture estoit que il morust et il étant unis par aucune communication du droit civil, ils ne leur n'eust commandé à rendre quatre deniers au baron, tuit se devaient aucune sorte de justice» (Esprit des lois, liv. 21, ch. müebles seroient au baron, » porte le § 87 du, liv. 1 des Établis17). — « Au surplus, ajoute M. Klimrath (loc. cit.), la jouissance sements de saint Louis. L'art. 5 de la coutume de Loududes droits n'était refusée ni à l'étranger ni à l'homme de condi- nois, au titre de moyenne justice, reproduit des dispositions idention servile, s'il recourait pour leur exercice et leur défense àtiques : « Quand aucuns forains qui ne sont du diocèse décèdent l'intervention d'une personne capable. » - Remarquons, à cet égard, que l'étranger ne pouvait par lui-même prétendre à la jouissance d'aucun droit, qu'il était hors la loi comme un proscrit, à moins qu'il ne se fût choisi un patron vis-àvis duquel il était dans la condition d'un affranchi (Lex salic. emend., tit. 57, cap. 5; Lex Roth., c. 590).

15. Sous le régime féodal, la distinction entre le droit civil et le droit des gens, imitée de la législation romaine, fut nettement formulée, et la jurisprudence des parlements s'étudia à donner une classification précise des institutions du droit civil et des institutions du droit naturel. — Les Français seuls jouissaient des droits civils. Quant aux étrangers, ils pouvaient généralement | faire tous les actes du droit des gens, acheter, louer, échanger, même hypothéquer; mais ils ne pouvaient succéder, ainsi que le remarque Loisel en ses Institutes coutumières (liv. 1, règle 50). On voit, par les établissements de saint Louis (liv. 2, § 30), que, jusqu'au treizième siècle, ils ne pouvaient transmettre leur succession. A leur décès, leurs biens étaient recueillis, soit par le seigneur, soit par le roi, suivant les époques et suivant la province qu'ils habitaient. - Ce droit de recueillir la succession des étrangers est ce que, dans l'acception la plus commune, on appelle droit d'aubaine, quoique, dans une acception large, on désigne ainsi le droit spécial des aubains, et que d'autres fois on emploie cette expression pour exprimer l'ensemble des incapacités légales dont les étrangers étaient frappés en France, quant au droit de recueillir une succession et à celui de disposer ou de recevoir par testament (Bacquet, Traité du droit d'aubaine, part. 4, ch. 27 et 32, no 4; part. 1, ch. 12, no 3).-Les étrangers étaient soumis à la caution judicatum solvi; ils ne pouvaient exercer le retrait lignager, ne pouvaient adopter ni exercer la puissance paternelle (V. tit. 2, ch. 2, sect. 1, art. 1 et 2).-Étaient Français, suivant Bacquet, ceux qui étaient nés dans l'étendue de la domination française; ceux qui étaient nés, dans un pays étranger, d'un père Français non domicilié dans ce pays; les habitants des provinces réunies à la couronne, et les étrangers qui avaient obtenu des lettres de naturalité. - V. tit. 2, ch. 1, sect. 1 et 2, art. 1. 16. On distinguait alors deux sortes d'étrangers : les uns appelés aubains, qui étaient nés dans les États voisins et dont on pouvait connaître l'origine; les autres dits épaves, du mot epavescere : c'étaient ceux qui étaient nés dans les États éloignés de la France, et dont on ignorait la véritable patrie. C'est du moins ce qui résulte d'un extrait dé la chambre des comptes, rapporté par Bacquet (Traité du droit d'aubaine, ch. 3), et ce qui est con firmé par Pothier (Traité des personnes, partie 1, tit. 2, sect. 2). Mais cette distinction ne paraît pas avoir eu d'importance pratique, le même droit s'appliquant aux aubains et aux épaves.

On en faisait une autre, sur laquelle nous devons nous arrêfer davantage, car elle se rapportait à deux espèces d'aubains pour lesquels les règles admises n'étaient pas complétement les mêmes. La première classe comprenait les personnes qui quillaient le diocèse ou la chastellenie où elles étaient nées pour aller se fixer ailleurs. Elles étaient traitées comme des étrangers dans le nouveau diocèse où elles venaient résider, et, comme

en sa justice, le seigneur a droit d'avoir l'aubenage. C'est à sa-
voir une bourse neufve et quatre deniers dedans; et doit être
payé ledit aubenage au seigneur, son receveur, ou en son ab-
sence à autre son officier, avant que le corps du décédé soit mis
hors de la maison où il est trépassé; et en défaut de payer bedit
aubenage, ledit seigneur peut prendre et lever soixante sols d'a-
mende sur les héritiers et biens du défunt, ensemble sondit au-
benage. » On trouve dans la coutume de Saint-Cyran, locale
de Touraine, une règle analogue. - Ces textes permettent de
croire que le droit était à peu près le même dans tous les pays
coutumiers à l'égard des aubains dont nous nous occupons.
Ce droit d'aubenage exercé vis-à-vis d'individus nés dans le
royaume, mais dans un autre diocèse que celui où ils résidaient,
tendit à disparaître en même temps que les rois attirèrent à eux
tous les droits sur les étrangers, car les rois ne reconnaissaient
comme aubains que ceux qui étaient nés hors du royaume. Dès
Fan 1145, le roi Louis VII déclare, dans une charte citée par La
Thaumassière (Coutumes locales du Berry, p. 62), que Louis VI
avait changé certaines mauvaises coutumes qui avaient cours à
Bourges; il avait notamment permis aux étrangers de venir ou
de s'en aller avec leurs biens sans être inquiétés, même quand
la seigneurie d'où ils venaient serait en hostilité avec le roi.
Mais le droit d'aubenage fut maintenu dans plusieurs provinces
où les seigneurs résistaient aux sages empiétements du pouvoir
royal, et il ne disparut complétement que dans le courant du sei-
zième siècle, comme le prouvent les coutumes précitées de Saint-
Cyran et de Loudunois qui ne furent rédigées qu'à cette époque.

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18. Quant aux aubains proprement dits, à ceux qui, nés en pays étranger, venaient s'établir dans le royaume, ils étaient entièrement à la discrétion des seigneurs dans les terres desquels ils se rendaient, et le plus souvent ils étaient réduits à l'état de serfs. C'est ce que confirme l'article suivant de la coutume de la baronnie de Châteauneuf: « Si aucun aubain, autrement appelé avenu, est demeurant par an et jour, dedans ladite châtellenie sans faire adveu de bourgeoisie, il est acquis serf audit seigneur. » La coutume de Champagne établit encore la preuve de notre proposition. Cette servitude de corps à laquelle les étrangers étaient soumis dans nos provinces coutumières, disparut entièrement quand les rois, après avoir affranchi les habitants de leur domaine et ceux des grandes villes du royaume, et entre autres les étrangers, qu'ils placèrent sous leur avouerie et protection, défendirent à ces derniers de reconnaître un autre seigneur que le roi lui-même, et s'attribuèrent ainsi les droits pécuniaires exercés jusque-là par les seigneurs sur les étrangers, en améliorant toutefois leur position personnelle. Le triomphe de a royauté fut long à obtenir, et ce n'est que vers la fin du quatorzième siècle qu'il fut assuré, ainsi qu'il résulte de lettres pa tentes de Charles VI, en date du 5 sept. 1386, sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

19. Mais remarquons que, quoique restés en servitude dans plusieurs provinces de la France, même postérieurement au règne de saint Louis, les étrangers qui étaient encore dans les liens du servage virent cependant leur condition de beaucoup améliorée,

ainsi qu'il résulte du ch. 96 du liv. 1 des Établissements de saint Louis, qui porte: «Se gentilhons a hons mesconneu en sa terre, se il servait le gentilhons et il morust, le gentilhons auroit la moitié de ses meubles; et se il muert sans hoir et sans lignage toutes les choses seront au gentilhons. Mès il rendra sa dette et fera l'aumosne. Et se li mesconneu avoit conquises aucunes choses sous autres vavassors que sous celui à qui il seroit hons, Ji autres sires n'i auroit riens par droit; mès il ne prendroit pas le cens ne les coustumes du saingnieur, ains conviendroit que li sires li en baillast hons coustumiers qui le servist. » Ainsi, d'après les Établissements, quand l'étranger laissait des descendants légitimes, la moitié seulement de ses meubles passait à son scigneur, tandis que, avant cette époque, ce dernier excluait de toute la succession de l'étranger même ses enfants. De même, le seigneur était tenu, suivant les Établissements, d'acquitter les legs faits par l'aubain mort sans enfants, tandis que dans l'ancien asage, l'étranger était absolument incapable de tester au préjudice de son seigneur. Du reste, il ne faut pas perdre de vue que, dans quelques provinces, l'incapacité de l'étranger resta la même nonobstant l'exemple donné par saint Louis, et Benedicti, écrivain du commencement du seizième siècle, nous apprend que de son temps l'aubain ne pouvait transmettre en aucun cas sa succession, même à ses enfants.

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20. On est peu d'accord, au surplus, sur l'étymologie du not aubains, d'où on a tiré plus tard l'expression aubaine, droit d'aubaine. - Désignés par les lois barbares sous les noms de gargangi, advenæ, perigrini, les étrangers se trouvent indiqués sous celui d'albani dans plusieurs chartes du neuvième siècle. Ainsi, nous voyons dans une charte de Louis le Débonnaire, de l'an 820 (Ex parvo chartulario ecclesiæ parisiensis), qu'il concède à l'évêque Ynchadus et à ses successeurs le droit d'immunité sur la terre de Sainte-Marie, de telle sorte qu'aucun comte ne puisse percevoir aucun cens sur cette terre et ne puisse prétendre aucune autorité et aucune juridiction, ni sur le membres de l'Église, ni sur les autres hommes libres ou habitant qui rusticè albani appellantur. Suivant une opinion généralement adoptée, le mot aubain est une contraction des mots latins « alibi natus, » né ailleurs. Mais elle a été rejetée par de très-bons esprits, comme n'étant qu'un jeu de mots ridicule, qui ne rend pas l'idée qui s'attache au nom d'aubain, puisque, dans l'origine, on a quelquefois appelé aubains des individus nés en France. Suivant de Laurière, en ses notes sur Ragueau, le nom d'aubains a été donné par l'usage à tous les étrangers, par extension du titre d'Albani qui était le nom particulier des Écossais, peuple qui a toujours eu l'humeur essentiellement voyageuse. Cette étymologie est acceptée par Ducange (Glossaire, vo Albanare). — De nos jours elle a été reproduite par MM. Rossi (Encyclop. du dr., vo Aubain) et par M. Demangeat (des Étrangers en France, p. 67). Elle se justifie, suivant la remarque de M. Demangeat, par l'usage où l'on a été, dans les temps anciens et au moyen âge, de désigner plusieurs peuples par le nom particulier à l'un d'eux. C'est ainsi que les Juifs donnaient autrefois aux étrangers le nom de Grecs; c'est ainsi encore qu'anciennement on appelait Francs, dans tout l'Orient, les chrétiens de l'Europe à quelque nation qu'ils appartinssent. C'est dans le même sens qu'on opposait les Gaulois ou Francs du moyen âge, nom donné à tous les étrangers, aux habitants des nations chez lesquelles ils se trouvaient. M. Sapey (les Étrangers en France, p. 52) fait dériver albanus du mot album, qui, suivant Ducange (Gloss., v° Album) s'appliquait en général aux registres des fonctionnaires publics, et par conséquent à celui sur lequel étaient inscrits annuellement les noms des étrangers. Cette derniere opinion n'est qu'une conjecture à laquelle nous ne croyons pas devoir nous arrêter; la seconde nous paraît de beaucoup plus plausible: elle nous semble même préférable à la première, qui ne repose encore que sur une hypothèse que la raison peut difficilement avouer.

21. C'est une question assez difficile que de savoir quelle est l'origine du droit d'aubaine et à quelle époque il a été introduit en France. Suivant Bodin (Traité de la République, liv. 1, ch. 6), il était connu à Athènes et à Rome; mais c'est là une erreur qu'il est facile de réfuter. En effet, à Athènes, les étrangers pouvaient avoir un héritier auquel ils transmettaient

leurs biens, sauf un sixième que le fisc s'appropriait en même temps qu'il s'emparait des enfants de leurs esclaves. D'un autre côté, à Rome, les étrangers pouvaient, au rapport d'Ulpien (Fragm., tit. 20, § 14), tester suivant la loi de leur pays. Nous avons vu aussi que Justinien, par sa novelle 78, chap. 5, avait assimilé tous les habitants de l'empire romain, sans distinction d'origine. C'est donc ailleurs que nous devons chercher l'idée première du droit d'aubaine.

22. Suivant quelques auteurs, ce droit aurait été établi en France au quatorzième siècle, par représailles d'un statut d'Edouard III d'Angleterre; rendu en 1328, et qui défendait d'admettreles étrangers aux successions immobilières ouvertes dans son royaume. Suivant ce système, on aurait, en haine des Anglais, établi sans distinction de nation, une prohibition qui interdisait à tous étrangers quelconques de recueillir aucune succession en France; sur quoi Édouard III, par un nouveau statut, aurait défendu aux Français d'habiter l'Angleterre, sous peine de mort. Nous n'avons pas besoin de faire ressortir tout ce que renferme d'invraisemblance une pareille théorie, qui, dans l'exercice d'un droit de représailles à exercer contre une seule nation, trouve tout simple que le roi de France ait établi par le même acte un système essentiellement vexatoire pour les sujets de toutes les nations du monde et qui ne se fonde sur aucune autorité, sur rien autre chose que sur une hypothèse de pure imagination.

23. D'après une troisième opinion, professée par M. Rossi (Encyclop. du droit., v° Aubaine, no 3), et par M. Gaschon (Code diplom. des aubains, p. 137 et suiv.) l'introduction du droit d'aubaine se rattache à l'invasion des barbares dans les Gaules. Ce droit est en quelque sorte un épisode des empiétements que dans l'origine de l'invasion le plus fort exerçait sur les droits des plus faibles. De même que parmi les conquérants et parmi les vaincus, un grand nombre étaient abaissés par ceux que les circonstances poussaient à la seigneurie, de même les étrangers étaient exposés aux spoliations, à la perte de leurs biens et de leur liberté. Pour adoucir ce que leur position avait de trop dur, ils recherchaient l'appui, la garde (mundium) du roi, d'un seigueur ou d'une église. Mais cette protection ne leur fut accordée que sous la condition de laisser leur succession à leur protecteur dans le cas où ils mourraient sans enfants légitimes. Cette explication est ingénieuse, et nous ne serions pas éloignés de l'adopter, s'il ne nous était pas démontré, comme nous le verrons bientôt, que le droit d'aubaine tire son origine d'une époque plus ancienne.

24. Un quatrième système, le plus généralement admis, donne au droit d'aubaine une origine féodale. L'introduction de ce droit ne serait qu'une suite des traitements que les seigneurs faisaient subir aux étrangers quand ils venaient s'établir sur leurs terres. Dans plusieurs provinces du royaume, dit. M. Merlin (Répert., v° Aubaine, no 1), il était d'usage que les seigneurs réduisissent les étrangers à l'état de serfs ou de mainmortables de corps. Comme tels, ils perdaient la propriété de leurs biens dont les seigneurs s'emparaient. Le pouvoir royal ayant ensuite affranchi de la servitude de corps, non-seulement les habitants de leur domaine, inais encore ceux des grandes villes, ils firent cesser, par rapport aux étrangers, un usage aussi barbare et aussi contraire à l'intérêt du royaume; ils prirent les anbains sous leur avouerie ou protection royale. L'usage s'établit, ainsi qu'il résulte du chapitre 31 du 1er livre des Établissements de saint Louis, que les aubains ne pourraient se faire d'autre scigneur que le roi seul. L'autorité royale empiéta successivement sur les droits dont les seigneurs s'étaient mis en possession.

25. Dans un cinquième et dernier système, celui qui nous paraît préférable, on croit retrouver le droit d'aubaine jusque dans les mœurs et dans les coutumes de la Germanie, qui considéraient tout étranger comme un être indigne de participer à la loi, et chez lesquels le meurtre d'un étranger ne donnait pas lieu à la composition. - Mais ceci demande quelques éclaircissements. La liberté germaine n'était pas un simple état négatif, l'absence de l'esclavage et de la dépendance personnelle; elle comprenait l'inviolabilité de la vie, de l'honneur, de la propriété, la participation aux assemblées, à des conditions que toute personne ne pouvait pas remplir. Une liberté aussi illimitée appelait fréquemment son extrême contraire, la servitude. La so

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