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» Art. 4. Le pouvoir exécutif est essentiellement commis; il doit être exercé sous l'autorité du roi, qui en est le chef suprême, par des minisa tres et administrateurs responsables,» (1)

Discours de M. Robespierre sur la délégation de la souveraineté. (Méme séance.)

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Il y a dans l'opinion de M. Roederer beaucoup de principes vrais, et auxquels il serait difficile de répliquer d'après vos principes.... (Ah, ah, ah!) Cependant ce n'est pas sur cet objet principalement que je me propose d'insister; je crois qu'il y a dans le titre soumis à votre délibération beaucoup

(1) Note de M. Ræderer (août 1791). « L'Assemblée nationale n'a adopté aucun de mes amendemens; je fais néanmoins imprimer mon opinion, parce qu'elle renferme des observations qui pourront être utiles lorsqu'il s'agira du système administratif, et qu'elle a été prononcée dans un moment où il y avait peu de députés à l'Assemblée..

> Plusieurs motifs différens ont été exposés pour faire nommer le roi représentant de la nation je ne sais par lequel l'Assemblée nationale s'est décidée; je ne sais pas non plus si les membres de la majorité se sont tous déterminés par le même; mais du moins j'ai lieu de penser que personne n'a donné son assentiment aux trois considérations que je vais rapporter. On a prétendu prouver que le roi était représentant 1o parce qu'il représente par son éclat la dignité nationale; 2o parce qu'il représente le peuple français en exerçant le droit de sanction ; 3° parce qu'il représente la nation dans ses rapports avec les nations étrangères. > Je ne dirai qu'un mot sur le premier de ces motifs, qui est trop ridicule pour mériter une réponse sérieuse ; il consiste à confondre le caractère auguste de la représentation nationale avec le faste domestique du premier fonctionnaire publie, avec la représentation des palais, des carrosses et du grand couvert.

› Le second motif, sans être aussi ridicule, n'a pas plus de vérité. Le droit de sanction, comme je l'ai prouvé, n'est point une part dans le pouvoir législatif; c'est un simple droit d'appel au peuple, remis au roi comme le reste du pouvoir exécutif suprême. Si c'était une part du pouvoir législatif la souveraineté du peuple serait réellement aliénée, car le pouvoir législatif est la délégation de l'exercice de la souveraineté ; donc si une parcelle de ce pouvoir était déléguée héréditairement et à perpétuité au roi des Français il y aurait aliénation de la souveraineté. > Je passe à la troisième propositión, que le roi représente la nation dans ses rapports extérieurs. Cette proposition est celle qui me paraît avoir fait le plus de fortune dans l'Assemblée; voici le principe sur

corps législatif, et ne fut considéré que comme un apper au peuple; mais il a toujours été reconnu que l'exercice du pouvoir législatif résidait essentiellement et uniquement dans l'Assemblée nationale. Le roi ne fut jamais regarde comme partie intégrante du pouvoir législatif, et l'on ne peut supposer ceci dans la rédaction des comités sans anéantir les premiers principes de la Constitution.

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Qu'il me soit permis de lier cette idée aux principes développés par M. Roederer.

même

» M. Roederer vous a dit une vérité qui n'a pas besoin de preuve; c'est que le roi n'est pas le représentant de la nation, et que l'idée de représentant suppose nécessairement un choix par le peuple; et vous avez déclaré la couronne héréditaire : le roi n'est donc pas représentant du peuple; le hasard seul vous le donne, et non votre choix. M. Roederer vous a dit avec raison qu'il ne fallait pas donner au roi seul cette prérogative, ou qu'il fallait la donner à tous les fonctionnaires publics. Si l'on entend par représentant celui qui exerce une fonction publique au nom de la nation, si le titre de représentant a quelque chose de relatif à la nomination du peuple, certes le roi n'a pas ce caractère, ou les autres ne l'ont pas. Il est évident qu'on ne peut lui appliquer la qualité de représentant; mais ce qu'il est important de remarquer c'est la conséquence immédiate de cette idée de représentant ; pourquoi veut-on investir le roi du titre de représentant héréditaire de la nation? Voilà, messieurs, une partie des atteintes que porte à la Constitution la rédaction des comités.

» Il est dit dans deux articles de la Constitution : «< Aucune >> section du peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la » souveraineté. » J'adopte bien le véritable sens qu'on veut exprimer par ces mots, mais je dis qu'il faut éclaircir les mots équivoques. On ne peut pas dire d'une manière absolue et illimitée qu'aucune section du peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté. Il est bien vrai qu'il sera établi un ordre pour la souveraineté; il est bien vrai encore qu'aucune section du peuple en aucun temps ne pourra prétendre qu'elle exerce les droits du peuple, tout entier 3

mais il n'est pas vrai que dans aucun cas et pour toujours aucune section du peuple ne pourra exercer, pour ce qui la concerne, un acte de la souveraineté... (Ah, ah, ah!) Je m'explique; c'est d'après vos décrets que je parle : n'est-il pas vrai que le choix des représentans du peuple est un acte de la souveraineté ? N'est-il pas vrai même que les députés élus pour une contrée sont les députés de la nation entière? Ne résulte-t-il pas de ces deux faits incontestables que des sections exercent, pour ce qui les concerne partiellement, un acte de la souveraineté? (Ah, ah, ah!) Il est impossible de prétendre, comme on l'a fait, que la nation soit obligée de déléguer toutes les autorités, toutes les fonctions publiques; qu'elle n'ait aucune manière d'en retenir aucune partie sans aucune modification que ce soit.

» Je n'examine pas un système que l'Assemblée a décrété; mais je dis que dans le système de la Constitution on ne peut point rédiger l'article de cette manière; on ne peut pas dire que la nation ne peut exercer ses pouvoirs que par délégation; on ne peut point dire qu'il y ait un droit que la nation n'ait pas: on peut bien régler qu'elle n'en usera point; mais on ne peut pas dire qu'il existe un droit dont la nation ne peut pas user si elle le veut.

» Je reviens au principe de toutes les observations que je viens de vous faire. Je dis qu'il résulte de l'article des comités que la nation déléguerait ses pouvoirs, le pouvoir souverain, qui est unique et indivisible, en déléguant à perpétuité chaque partie du pouvoir. Je dis que ce titre blesse encore les premiers principes de la Constitution en présentant le roi comme un représentant héréditaire qui exerce le pouvoir législatif conjointement avec les véritables représentans du peuple. Je demande en conséquence qu'au mot pouvoirs soit substitué celui fonctions; je demande que le roi soit appelé le premier fonctionnaire public, le chef du pouvoir exécutif, mais point du tout le représentant de la nation; je demande qu'il soit exprimé d'une manière bien claire que le droit de faire les actes de la législation appartient uniquement aux représentans élus par le peuple.

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Sur le sens à attacher aux mots inaliénable et imprescriptible relativement å la souveraineté. (Même séance. — M. Thouret remplace M. Robespierre à la tribune.)

M. Thouret. « Il me semble que l'Assemblée se trouve exposée à perdre beaucoup de temps sans que la discussion lui fasse réellement profit et avantage pour se décider; on attaque tout à la fois les différentes dispositions comprises dans le titre, et il est impossible qu'on les saisisse toutes daus l'ensemble d'une même discussion. Il faut suivre une autre méthode, celle d'examiner chaque objet séparément et à ́sa place; par ce moyen la discussion va devenir claire, méthodique, et la décision plus prompte. Je commence par le premier article:

« La souveraineté est une, indivisible, et appartient à la nation; aucune section du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice. »

M. Pétion. « Je demande l'addition d'un mot qui me semble indispensable; il faut dire est une, indivisible et INALIENABLE. Ceci, messieurs, est très important, et c'est une idée extrêmement simple. Il est question dans tous ces articles des pouvoirs constitués, et à la tête des pouvoirs constitués on a raison de parler de la souveraineté de la nation, parce que c'est de cette souveraineté que tous les pouvoirs émanent; mais vous ne pouvez pas vous dissimuler que jamais la nation ne peut aliéner sa souveraineté, en ce qu'elle conserve toujours le droit de censurer les pouvoirs constitués, qu'elle se réserve toujours le pouvoir constituant; et c'est là la base des conventions nationales : vous l'avez ru dans le peu de mots qui vous a été dit dernièrement à la tribune par M. Malouet. (Voyez plus haut son discours, page 9.) M. Malouet convenait aussi que la souveraineté appartient à la nation, parce que cette vérité est si évidente qu'elle ne peut pas être contestée; mais il disait que la nation pouvait et devait, pour l'utilité générale, déléguer sa souveraineté, et que lorsqu'une fois elle avait délégué ses pouvoirs dans ce sens elle avait délégué la souveraineté. Moi je soutiens le contraire non, elle n'a pas dans ce sens délégué la souveraineté; elle a seulement commis des représentans pour

exercer le pouvoir qu'elle a bien voulu leur confier; mais elle se réserve toujours, par la voie des conventions nationales, le droit d'intervenir et d'examiner si ces pouvoirs constitués ne se sont pas écartés de leurs limites, et de les faire rentrer dans ces limites.

» Ainsi l'on ne peut dire sous aucun rapport que la nation aliène sa souveraineté ; car, messieurs, si une fois elle l'avait aliénée il ne lui resterait aucune espèce de ressource, si ce n'est le moyen toujours funeste des insurrections. On doit donc dire nettement que la souveraineté est inaliénable. » (Applaudissemens.)

M. Thouret. « Nous traitons ici une matière dans laquelle il importe beaucoup que toute expression soit bien examinée, bien fixée, et qu'on n'en laisse passer aucune dont on pourrait abuser. L'Assemblée vient d'entendre que par l'idée de l'inaliénabilité de la souveraineté le préopinant entendait la nation ne pouvait pas déléguer ses pouvoirs...

M. Pétion. « Ce n'est pas ceľa. »

Plusieurs voix. « Il n'a pas dit cela..»

M. Thouret. « Cela a été avancé par un des préopinans; je dis que M. Robespierre l'a soutenu. »

M. Robespierre. « Je n'ai point dit cela; j'ai dit simplement que la nation ne pouvait pas déléguer ses pouvoirs à perpétuité dans le sens du comité, ce qui est une aliénation. »

M. Thouret. « La nation ne délégue pas des pouvoirs à perpétuité, et n'en peut jamais déléguer à perpétuité, car la Constitution elle-même est soumise à ce pouvoir souverain de la nation, qu'elle a dans tous les temps et qu'elle doit avoir, de changer la constitution qu'elle a adoptée à une époque. Ainsi, quand une constitution est faite, les dispositions qu'elle contient ne sont pas irrévocables; ce sont des dispositions faites pour avoir lieu sans souffrir d'atteinte tant que la nation veut entretenir cette constitution. Il est donc inutile de stipu ler l'inaliénabilité en ce sens et pour cela.

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