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permis à tout le monde de censurer, de critiquer la forme qu'on a donnée à telle ou telle autorité, et d'appeler l'opinion publique sur la réforme qui serait nécessaire pour que cette autorité fût plus utile.

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J'opine donc, messieurs, pour la conservation de ces mols, l'avilissement des pouvoirs constitués, expression dont le sens me paraît tellement déterminé qu'il est impossible qu'il puisse se confondre avec la critique de la loi et du gouvernement, avec la proposition de changer et d'amé"liorer les différentes parties de l'administration. '»

M. Goupil propose un amendement ainsi conçu l'avilissement de la dignité royale dans la personne du roi. Cet amendement provoque quelques applaudissemens et beaucoup de murmures; il est combattu par M. Rewbel, on qui le regarde comme une mesure de circonstance dans ...une Constitution qui doit être durable, et dans laquelle

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tous les pouvoirs sont également respectables : néanmoins ...M. Thouret adopte la proposition de M. Goupil, et l'introduit dans le premier paragraphe, dont il donne lecture; sales murmures de la majorité s'élèvent de nouveau contre cet amendement, qui est définitivement rejeté. Les autres at amendemens sont mis aux voix ; un seul est conservé; il est de M. Pétion, et consiste à ajouter après ces mots : qu'il aura fait imprimer ou publier, ceux-ci sur quelque amatière que ce soit; et l'Assemblée décrète ainsi amende le premier paragraphe de l'article premier du projet des mcomités. ད, Ko!ypof Lr¥« 92MD R9 Ho Se Séance du 23.-M. Thouret. « Voici le second paragraphe du premier article sur la répression des délits par la voie de la presse. (Il en donne lecture. Voyez plus haut, page 145.)

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Les comités ont été provoqués pour adopter deux propositions diametralement contraires, et qui nous ont paru tenir a des excès également nuisibles. L'une de ces propoces.ph sitions était qu'il fût non pas défendu d'imprimer, mais qu'on fût punissable d'avoir fait imprither des faits faux contre la conduite des fonctionnaires 'publics', quoiqu'on n'eût rien imprimé de taxat personnellement contre l'hon

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neur et la probité de ces fonctionnaires. Nous n'avons pu, messieurs, adopter cette première proposition, qui ren→ ferme la presse dans un espace si étroit que sa liberté serait une chimère!

» La seconde était qu'on ne fût pas punissable pour avoir imprimé, relativement aux fonctions de l'administration, des imputations même calomnieuses, attaquant directement la probité, l'honneur, la droiture des intentions des fonctionnaires publics. Nous n'avons pu de même adopter cette seconde disposition, qui nous jetterait dans un océan sans bornes de calomnies excitant sans cesse des orages politiques.

» Nous avons du donner à la liberté de la presse, relativel ment à la conduite des fonctionnaires publie, toute la latitude dont elle est raisonnablement susceptibleaning

>> En fixant cette ligne de démarcation que tant qu'ont n'imprimerait que contre les opérations faites en adminisu tration, blamant les opérations en elles mémes; dontians soit d'après la loi soit d'après des intérêts politiques,' 'les' raisons de la censure faite sur les opérations des administras tions et des fonctionnaires ; nous avons cru qu'on ne fajsáit alors qu'exercer cette surveillance très nécessaire pour le maintien de l'intérêt public et de l'intérêt national, et qu'on ne devait pas gêner cette faculté d'exprimer son opinion et d'appeler l'opinion publique sur les actes de Pado de l'administration; que tant qu'on s'arrêtait là et qu'on n'allait pas jusqu'à attaquer l'honneur on devait avoir une pleine latitude. Nous n'avons donc rédigé l'article que pour déclarer qu'en cas de calomnie volontaire il doit y avoir répression; car si sous prétexte d'exercer l'utile surveillance que donne la censure sur les fonctions administratives il est permis d'ajouter faussement, calomnieusement, à dessein de nuire et de dif fàmer la personne publique, des traits inculpatifs sur ses sentimens, sur son honneur et sur sa probité, il est impossible qu'il n'y ait pas là un désordre social il n'est pas nécessaire pour la société que cette censure soit exercée de cette manière. Il faut qu'elle soit exercée, il faut qu'on dénoncé tout ce qu'on voit de mal dans les opérations des administrations, il faut rappeler à la règle ceux qui s'en

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écartent en censurant sous ce rapport ce qu'ils font; l'intérêt public est gardé tant qu'on a cette latitude; mais dire, par exemple tel fonctionnaire public aurait dû porter telle partie de la force armée sur telle frontière du royaume, et cependant il ne le fait pas; c'est donc par négligence pour l'intérêt public, par coalition avec les ennemis; c'est parce qu'il a reçu des sommes d'argent; c'est parce qu'il est vendu.... Si le fait est faux, si d'ailleurs, la calomnie est volontaire et qu'elle soit faite à dessein de nuire à l'administrateur, il n'est pas possible de l'autoriser.

» Dès que l'opinion publique ne réclame pas une telle latitude c'est que cette latitude est très opposée à l'intérêt public, car il ne serait pas possible de conserver des hommes soigneux de leur réputation, des hommes qui s'appliquent patriotiquement, avec zèle à la chose publique, s'ils devaient recueillir pour récompense de leur, travail la faculté donnée à tout écrivain de les calomnier tous les jours volontairement. Ceci, messieurs, paraît contraire à l'objet d'utilité, qui est attaché à la liberté de la presse; ainsi le paragraphe qui vous est proposé est conçu dans cet esprit, aast

Après cette explication donnée par le rapporteur M. Pétion prit la parole; il lut un très long discours sur la liberté de la presse en général : cette dissertation, quoique travaillée avec soin, fit éprouver quelques mouvemens d'impatience; on n'avait pas mis en question la liberté de la presse, et M. Pétion en retraçait la nécessité, les bienfaits et pour ainsi dire l'historique devant une Assemblée qui l'avait solennellement reconnue et proclamée. Cependant l'attention fut rendue à M. Pétion lorsqu'après avoir démontré que sous le despotisme un écrit séditieux et même incendiaire est un écrit patriotique et vertueux, il aborda directement l'objet du paragraphe mis en délibération : il s'agissait des effets de la calomnie volontaire sous le rapport des personnes publiques; nous ne citerons que cette partie du discours de M. Pétion.

M. Pétion. (Séance du 23 août 1791.)« Les hommes publics tendent sans cesse à agrandir leur autorité; c'est la

pente naturelle de l'esprit humain. A peine investis du pous voir ils s'habituent à le regarder comme un patrimoine dont ils jouissent, non pas pour l'intérêt général, mais pour leur intérêt particulier; non pas pour la prospérité de tous, mais pour leur avantage personuel. C'est une chose bien remarquable que cette lutte éternelle qui s'établit entre les nations et ceux qui les gouvernent, et il est cruel de penser que la meilleure des constitutions, celle qui renferme les précautions les plus sages pour mettre à couvert les droits du peuple, est encore impuissante pour arrêter les entreprises et empêcher les usurpations des fonctionnaires auxquels il confie l'autorité.

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»Un des plus grands bienfaits de la liberté de la presse est de surveiller sans cesse les hommes en place, d'éclairer leur conduite, de démasquer leurs intrigues, d'avertir la société des dangers qu'elle court; c'est une sentinelle vigilante qui jour et nuit garde l'Etat : elle donne quelquefois de fausses alarmes; mais un excès de prévoyance est préférable à une funeste sécurité, et il vaut mieux être toujours prêt à se défendre, quoique le péril ne soit pas toujours réel, que d'être investi au dépourvu.

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» Il vient même dans toute société un temps où les bienfaits de la loi et son influence salutaire ne se font sentir qu'autant que ceux à qui la garde en est confiée et qui en dirigent l'exécution sont intègres et vertueux : il est bien plus important alors d'écrire sur les hommes, pour les contenir dans leurs devoirs, que sur les choses, qu'on n'a plus l'espoir de faire réformer ni d'améliorer.

» Hé bien, autorisez les poursuites contre les écrivains qui censurent ainsi les actions, qui dévoilent les manœuvres des hommes en places, et à l'instant cette précieuse surveillance, conservatrice de la liberté publique, est détruite. Quel est le citoyen qui voudra compromettre sa tranquillité, sa fortune, son existence, en, attaquant un ministre ou tout autre personnage puissant? Cependant il est convaincu que ce ministre est coupable, qu'il trahit en secret les intérêts de son pays; il en a reçu la confidence d'un subalterne qui ne veut pas être nommé, qui craint de perdre son emploi, et d'être

exposé à la disgrâce la plus fatale pour lui, pour sa famille'; il a des indices; la réunion des circonstance ne lui laisse aucun doute: mais il n'a pas de preuves légales, et s'il est traduit en justice il va succomber; il sera déclaré calomniateur, et le vice sortira glorieux ou triomphant.

»

vous qui ne voulez dénoncer à l'opinion les hommes publics que lorsqu'on pourra les convaincre des fautes, des délits qu'on leur impute, réfléchissez à cette doctrine, et voyez combien elle serait dangereuse! Avec quel art ces hommes ne savent-ils pas cacher leurs malversations, tramer un complot! Dans les marches tortueuses qu'ils prennent ils ont soin de ne laisser aucune trace apparente de leurs pas. Qu'il est aisé d'échapper aux regards de la justice et à la punition des lois! Que d'hommes corrompus ont tenu les rênes de l'administration! Que de dilapidations ils ont commises! Que d'abus de pouvoir ils ont faits! Plusieurs ont été flétris, déshonorés dans l'opinion publique; on a chargé leur mémoire de mille faits coupables: hé bien, qu'ils eussent été appelés au pied des tribunaux; peut-être aurait-il été impossible de les convaincre, et se seraient-ils retirés absous!

» Ce n'est pas seulement parce qu'ils auraient eu pour juges des hommes également pervers, toujours favorables au puissant et inexorables pour le faible, mais parce que dans des délits de cette nature il est rare de trouver des suffisantes et telles que la loi les exige.

preuves

Quoi! j'attendrai que les ennemis aient pénétré dans le sein de ma patrie pour parler des intelligences secrètes qu'ils me semblent avoir avec les chefs de l'Etat! Quoi! j'attendrai qu'un complot ait éclaté pour dénoncer les conspirateurs! Quoi ! j'attendrai que la liberté soit opprimée pour avertir mes concitoyens du danger qui les menace! Et lorsque j'éleverai la voix on me poursuivra, je serai livré aux tribunaux, et des inquiétudes, des tourmens de toute espèce deviendront le prix de mon zèle et de mon courage!

» Etquand je me serais trompé...! Tout cet appareil de vengeance est pour un homme qui croit son honneur et plus souvent encore son amour-propre offensé! Eh! qu'importe un Komme lorsqu'il s'agit du salut de tous! Car, ne vous y

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