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par les journaux, feraient porter leurs noms à tous les départemens du royaume, appuyés de la recommandation d'autres intrigans qui auraient eu l'art de se faire une réputation. Cet inconvénient sans doute est très grand; mais en voici un autre non moins grand.

» Les assemblées électorales seront toutes convoquées au même instant; hé bien, il pourrait arriver que quelques hommes, tenant au grand honneur d'être élus par la France entière, voulussent se faire nommer par tous les départemens du royaume il arriverait de là qué les électeurs, fatigués par des élections continuelles, se rebuteraient de remplir cette fonction-là, et la liberté serait en danger. Je demande donc que sous tous les rapports possibles on considère cet article comme constitutionnel, et je demande de plus qu'on le décrète à l'instant. » Applaudissemens.)

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M. Garat aîné. « J'appuie cette considération, justifiée par tant de faits d'un scandale éclatant dans les corps électoraux. Nous n'aurons pas à craindre que des étrangers à tel département osent faire éclater l'ambition de s'y faire nommer par préférence aux citoyens qui sont du même département. On sait combien de brigues on a fait mouvoir dans les assemblées électorales qui nous ont portés ici, brigue de nom, brigue de rang, brigue de fortune. Les mêmes inconvéniens seraient à craindre plus que jamais, parce que dans la suite la représentation nationale sera plus intéressante que jamais. Dans les départemens le mérite est modeste; il n'a pas de grandes prétentions: dans la capitale le mérite, lorsqu'il a eu quelque succès d'éclat, cesse en vérité, messieurs, d'être modeste, et comme il a de grauds moyens ses entreprises sont à craindre. » (Aux voix, aux voix la proposition de M. Salles. tation.)

M. Thouret. « Je démande la parole. » ( Murmures.)

Agi

M. Goupilleau. « Je demande que M. Thouret soit entendu sur le fond. Ne craignons point d'entendre les orateurs qui nous combattent; la Constitution ne dépend pas d'eux; nous la défendrons jusqu'à la mort : nous aurons assez de courage

pour conquérir notre liberté une seconde fois! » (Vifs applau. dissemens.)

· M. Thouret. « Quel que soit l'empressement qu'une partie de l'Assemblée montre à terminer la discussion il n'est cependant pas eroyable qu'on veuille aller aux voix sans entendre les motifs qui ont déterminé les comités.

» Il est, messieurs, des considérations dans l'esprit et dans les principes de la Constitution qui nous ont paru supérieures aux motifs qu'on vient de développer pour faire employer ce décret dans l'acte constitutionnel. Il est indubitable que quand il a été rendu il ne l'a été que dans le même esprit qui en réclame aujourd'hui l'insertion. Il peut faire une bonne loi, une bonne disposition réglementaire pour quelque temps encore, et jusqu'à ce que les vrais principes de la représen➡ tation nationale aient été bien saisis de tous, jusqu'à ce que l'esprit public ait fait les progrès qu'on a droit d'attendre de Ia Constitution; mais, messieurs, ce n'est pas dans l'acte même de la Constitution qu'il doit convenir à l'Assemblée de mettre des dispositions qui, j'ose le dire, contrarient ouver tement le principe de la représentation, principe fondamental de cette même Constitution.

» Quand dans un grand pays on a le gouvernement représentatif, quand on a été obligé de scinder le territoire en sections, quand dans ces sections-là on a été obligé d'établir des administrations partielles, quand toutes les habitudes et les mœurs cherchent à s'attaclier pour ainsi dire au terri toire, le plus grand inconvénient que couve le gouvernement représentatif est que les sections du territoire s'isolent et s'individualisent... (Murmures.)

Quelque vraisemblance qu'il y ait que mes observations n'auront pas le succès que les comités en avaient attendu, il n'est pas moins du devoir et de l'honneur du rapporteur de les présenter; quelque pénible qu'on veuille rendre le rôle que je me suis chargé de remplir iei, cependant je ne l'abandonnerai pas, et je crois que l'Assemblée voudra bien m'entendre jusqu'au bout, au nom des comités que je représente. Je dis donc que le danger que court le gouvernement

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représentatif c'est qu'on perde l'esprit de l'unité, l'esprit do Pintérêt central par lequel seul il peut subsister; que les départemens ont déjà une grande tendance à se regarder comme des individus et à mettre en opposition l'intérêt particulier avec l'intérêt général; qu'ils y sont même sollicités, et que, c'est en quelque sorte le devoir de leurs administrateurs particuliers. Je crois qu'il faut appréhender le résultat de cette tendance, nécessaire, parce qu'elle ne peut pas se fortifier sans détruire tout le nerf et altérer la sûreté du gouvernement représentatif, qui est dans l'unité. Or quand toutes les idées morales intérieures dans les dépar→ temens tendent à cette isolation et à l'opposition de l'intérêt local à l'intérêt général, il ne faut pas que la Constitution convienne des principes qui autorisent cette isolation - là ; et c'est la confesser de la manière la plus forte que de dire que les députés au corps législatif, au corps qui représente la nation en général, qui forme le centre d'où partent tous les mouvemens et où repose l'intérêt général, de dire qu'on ne peut envoyer de chaque département au corps législatif que des citoyens du département. Vous avez eru faire assez en disant que cependant les représentans commis dans chaque département seront les représentans de la nation; mais la chose en elle-même est plus forte que l'avis, et s'il y à un principe dans la Constitution qui dise qu'il ne puisse arriver dans le corps législatif un député nommé par le département qui ne soit pas du département, je dis que l'effet de ce principe constitutionnel, renversera à la longue toute la moralité de la Constitution... (Murmures. Ah, ah, ah!)

» Ce principe est beau en théorie; mais une théorie n'a pas elle-même de solidité quand elle est discordante dans ses parties; or il est très discordant, en établissant le gouvernement représentatif, en voulant le corps législatif un, pour gouverner la France entière divisée en départa mens, d'insérer au milieu de cette théorie un autre principe dont l'effet inévitable est contradictoire. On n'oppose à cela que des faits de détail, que des craintes d'ahus; on craint que des intrigans ne se fassent nommer dans les départemens où ils ne seraient pas citoyens actifs mais la crainte de ces

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