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tradiction on veut la jeter! Quand M. Malouet a demandé la parole contre un décret constitutionnel,... » ( Murmures.)

M. Malouet. Toutes les fois qu'on proposera de changer un mauvais décret j'applaudirai, et je serai de cet avis.

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M. Grégoire. « Lundi dernier, quand M. Malouet parla sur le fond même des décrets, un membre du comité de Constitution, M. Chapelier, s'empressa de lui dire, et l'Assemblée y applaudit, qu'il n'était pas question de réformer un decret, qu'il s'agissait seulement d'examiner le classement, et non de changer des dispositions constitutionnelles.» {Murmures au centre; plusieurs voix du fond de la gauche Silence done!)

M. Dandrés « Monsieur le président, maintenez la liberté des opinions, et imposez silence à ces messieurs (montrant le fond du côté gauche), qui font un bruit épouvantable.`»

M. Robespierre, « M. Dandré veut devenir despote. »

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M. le président. Messieurs, c'est avec juste raison que de tous les côtés on se plaint et l'on murmure. Lorsque M. Thouret était à la tribune du bout de la salle partaiens des murmures: M., Grégoire y est maintenant; l'autre partie de la salle murmure à son tour. Je demande à tous les mem→ bres individuellement de l'Assemblée le plus profond silence, et de ne pas oublier d'une part l'importance de l'objet qui nous occupe, et de l'autre le caractère imposant dont ils sont

revêtus. »

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M. Grégoire. Messieurs.... (Nouveaux murmures au centre.) Il est aussi facile de murmurer qu'il est impossible de détruire l'évidence d'un bon raisonnement. Si l'on peut revenir contre un seul de vos décrets, messieurs, il en résulte donc que vous aviez non pas des décrets, mais des projets de décret; il en résulte revenir sur tous les vous pourrez que articles constitutionnels; je ne dis pas seulement sur ceux qui ne sont pas révisés, mais sur ceux mêmes que vous avez déjà classés dans l'acte constitutionnel. Eh! qui peut prévoir le terme de tous les changemens qu'on pourra encore proposer!

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Il est possible que pendant que toute la France attend avec le plus grand désir, avec le plus grand empressement, la fin de vos travaux, il est possible, dis-je, que cette discussion sur le fond se prolonge de six semaines, et peut-être davantage; il est certain qu'alors même vous ne pourriez pas vous refuser aux réclamations qui pourraient vous venir des différentes parties du royaume afin de solliciter le changement, la modification de beaucoup de décrets; et je vous demanderai, comme faisait un jour M. Barnave dans une autre circonstance: achievons-nous la Constitution, ou en faisonsnous une nouvelle? (Applaudissemens au fond de la gauche.) La Constitution est faite... (Applaudissemens.) Et quand j'ai parlé, messieurs, des réclamations qu'on pourrait faire, que serait-ce donc s'il se trouvait parmi nous des gens qui, au lieu de faire une Constitution pour la nation, voulussent faire une Constitution pour eux-mêmes! ( On rit à droite, on applaudit à gauche. }

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>> Toutes les réflexions qu'a présentées M. Thouret sur les inconvéniens qui pourraient résulter du décret que vous aviez rendu précédemment s'appliquent à tous les systèmes. J'observerai encore en passant qu'il n'a pas parlé de l'application qu'on pourra en faire aux pays vignobles. Moi qui connais la ci-devant province dont je suis député, j'atteste, comme on l'a dit hier pour d'autres, qu'il est différens cantons où l'on ne pourra pas trouver d'électeurs; et qu'arrivera-t-il de là? C'est que la plupart même des citoyens 'actifs ne vou→ dront pas fréquenter les assemblées primaires; ils sont déjà trop dégoûtés malheureusement dans beaucoup d'endroits, ainsi qu'on le voit par la négligence qu'on a mise dans la capitale pour assister aux assemblées primaires.

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» Effectivement, messieurs, la plupart ne se soucieront pas d'aller assister à une assemblée dans laquelle ils ne pourront pas espérer de parvenir au grade d'électeur, et ils ne seraient là en quelque sorte que pour se nommer des maîtres... Applaudissemens.) Des dispositions de cette nature ne sont propres qu'à corrompre le caractère national, qu'à étouffer l'émulation, les vertus et le feu de la liberté, Il en résulterait qu'à la fin les lois, au lieu d'être l'expression de la

volonté de tous, de la majorité de la nation, ne seraient réellement que le vœu de la minorité. Il en résulterait, comme on vous l'a dit hier, que les électeurs se perpétueraient dans une certaine classe, dans un certain nombre de familles ; et cet inconvénient augmentera d'autant plus que l'impôt diminuera: alors, messieurs, le pouvoir législatif se trouvera placé dans un certain nombre de familles. On a tant parlé d'aristocratie, et la voilà l'aristocratie! (Applaudissemens.) Vous concentrerez la représentation entre quelques citoyens riches et grands propriétaires. Et qu'on ne dise pas que les citoyens peu fortunés seront dédommagés par l'éligibilité à la législature; les électeurs riches descendront-ils pour faire leurs choix parmi les simples habitans des campagnes? Vous verrez une nouvelle noblesse renaître ; vous aurez des patriciens, et vingt millions de plébéiens sous leur dépendance!

» On dit que la condition qu'on propose est le seul moyen d'avoir un bon corps législatif; mais les communes de France n'ont-elles pas montré un courage inébranlable contre tous les genres de despotisme, de séduction et d'aristocratie? 'N'ontelles pas elles seules assuré notre liberté? Comment avezvous été choisis, messieurs? Par des citoyens qui la plupart ne payaient pas une contribution équivalente à trente journées de travail, par des hommes qui en faisant le bien ne pensaient pas qu'on les dépouillerait de leurs intérêts les plus chers, que vous immoleriez leurs droits!

» Je demande la question préalable sur tout ce que vous proposent les comités, et je demande encore, comme je le disais hier, que l'Assemblée consacre solennellement aujourd'hui l'universalité de tous ses décrets. « ( Applaudissemens à l'extrémité gauche.)

Les débats se prolongent : les mêmes objections, reproduites par d'autres orateurs du côté gauche, ramènent les mêmes répliques de la part des comités et de leurs partisans, Sur ce qu'après avoir entendu successivement MM. Chapelier et Dandré pour la défense du projet beaucoup de membres du centré demandent que la discussion soit fermée, M. Vernier fait observer que, les

comités ayant fait marcher leur arrière garde et leur corps de réserve, il est juste qu'on leur oppose de nouveaux adversaires : il attaque encore le projet ; mais il conclut à ce que la question soit ajournée jusqu'à la fin de la révision, et l'Assemblée adopte presque unanimement cet avis, qui ne conciliait pas les parties, mais qui du moins suspendait un combat devenu pénible pour tous. L'article 3 de la section suivante, conséquence nécessaire de la suppression proposée du marc d'argent, puisqu'il appelle tous * les citoyens actifs sans distinction à être élus représentans, fut également ajourné jusqu'à la fin de la révision (1).

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Sur l'élection des députés par plusieurs départemens. — Sur l'exclusion des représentans de toute faveur, place et emploi à la disposition du pouvoir exécutif. Sur les incompatibilités et la réélection.

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On passa immédiatement, dans la même séance du 12, à la section III (chapitre III, titre III). Toujours armés des décrets rendus constitutionnellement, les orateurs de l'extrémité gauche attendaient à chaque article le rapporteur, des comités, et toute omission ou modification donnait lieu à de vifs débats. Cette troisième section avait surtout excité leur vigilance: le décret portant que les représentans ne pourraient être choisis que parmi les citoyens actifs du département électeur; celui qui défendait aux membres des assemblées nationales de recevoir ni dons, ni pensions, ni emploi quelconque du pouvoir exécutif pendant la durée de leurs fonctions ni pendant quatre ans après en avoir cessé l'exercice (2); ces deux décrets étaient omis dans le projet imprimé : le décret relatif aux fonctions incompatibles avec celles de député ne se trouvait pas en entier

(1) Pendant cet intervalle les contendans se rapprochèrent; il y eut des conférences aux comités des contributions publiques, de constitution et de révision; et le 27 du même mois l'Assemblée décréta, presque sans opposition, d'abord la suppression du marc d'argent, puis l'admission de tous les citoyens actifs au corps législatif, quelle que soit leur contribution, et enfin les conditions pour être électeur. ( Voyez la Constitution, art. 7, seot. II, chap, Ier du titre III, et art. 3 de la section III du même chapitre.)

(2) Foyez tome V, Organisation du ministère.

dans l'article de cette section qui établit les incompatibi lités; enfin, après l'article 6, lequel contient le décret sur la rééligibilité (1), décret si difficilement obtenu, on lisait

cette note:

« Les comités de constitution et de révision regardent la limitation contenue dans cet article comme contraire à la liberté, et nuisible à l'intérêt national. »

Ces omissions d'une part, cette réserve de l'autre avaient accru la défiance, préparé des objections; aussi M. Thouret fut-il bientôt interrompu dans la lecture de cette section. La première réclamation, faite par M. Goupilleau, eut pour objet principal le rétablissement du décret qui interdit les choix hors du département électeur, décret rendu en novembre 1789, après une discussion que nous rapporterons d'abord.

Le 18 novembre 1789 M. Target mit en délibération l'article suivant, qui faisait partie du grand travail sur l'organisation des municipalités et de la représentation nationale :

Les électeurs des assemblées primaires, réunis par département, choisiront les députés à l'Assemblée nationale parmi les éligibles de tous les départemens du royaume. »

M. le marquis d'Ambli.« En adoptant cet article les députés seraient toujours pris dans les villes principales du royaume. Pour éviter cet inconvénient je demande que les députés qui seront nommés par chaque assemblée de département soient exclusivement choisis parmi les éligibles du département électeur. »>

M. Garat aîné. « Je ne puis adopter cet avis, parce qu'il me semble que d'après tous les principes chaque assemblée de département doit avoir la liberté de fixer ses regards sur les vertus et sur les lumières partout où elles se trouve

ront. »

M. Rewbell. « En divisant les provinces vous vous êtes proposé de détruire l'esprit de province; si vous adoptez la motion de M. d'Ambli vous consacrez cet esprit, et vous

(1) Voyez, tome V, Organisation du corps législatif, de la rééligi bilité.

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