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les intérêts les plus graves sont méconnus. C'est ce qui explique,' sans les justifier, ces ventes et ces aliénations, qui ont lieu plus souvent qu'on le pense, en dépit des décrets et des ordonnances. Les règles les plus élémentaires de l'administration ne sont pas appliquées; il en résulte des abus monstrueux que les comités d'inspection et d'achats ne veulent pas ou ne peuvent pas empêcher. Que dire des sages prescriptions relatives au service des bibliothèques, aux devoirs des bibliothécaires, aux mesures d'ordre et de conservation qui leur sont imposées ? Elles aussi sont ou méconnues ou ignorées; l'expérience ne le prouve malheureusement que trop.

Il m'a semblé que je ferais œuvre utile en codifiant, surtout à l'usage des conservateurs des bibliothèques départementales, les lois, les décrets, les ordonnances et les arrêtés qui régissent leurs dépôts et qui ont été promulgués à différentes époques. Les droits respectifs de l'État et des municipalités étant rigoureusement établis par ces actes, il n'y aura de ce côté ni confusion, ni erreur possible. S'il subsistait quelque part des préventions ou des malentendus regrettables, la clarté et la précision des textes ne sauraient manquer de les dissiper.

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A côté de ces droits, il y a des responsabilités et des devoirs professionnels auxquels les bibliothécaires ne peuvent pas se soustraire. Généralement ces devoirs sont plus ou moins nettement déterminés par les règlements propres à chaque bibliothèque; il en est qui sont définis dans les instructions et les circulaires ministérielles. Il suffira de les parcourir pour se convaincre que si l'on s'en tenait strictement à celles qui concernent les bibliothèques municipales, elles seraient tout-àfait insuffisantes. Pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'apprécier ici, l'État a cru devoir pendant trop longtemps se désintéresser de ces bibliothèques ; il en est résulté dans les

rapports un relâchement qui a été aussi préjudiciable à ses droits qu'aux intérêts des bibliothèques. De là l'interruption des prescriptions qui entretenaient les bibliothécaires dans la connaissance de leurs devoirs. Heureusement il est facile de combler cette lacune. La création et le développement considérable des bibliothèques universitaires, populaires, voire même scolaires, ont provoqué une série de règlements, d'instructions et de circulaires qui peuvent être considérés comme un code et un manuel à l'usage des bibliothécaires. Dans tous ces actes, émanés des différentes directions du Ministère, selon la catégorie à laquelle appartiennent les bibliothèques, il y a à prendre des renseignements utiles, des indications précieuses, car ils se complètent l'un par l'autre autant au point de vue administratif qu'au point de vue bibliographique'. Je n'en veux citer comme exemples que l'excellente instruction générale relative au service des bibliothèques universitaires, qui comprend les devoirs du bibliothécaire, le détail des opérations du classement et les mesures d'ordre et de conservation; le règlement de ces mêmes bibliothèques ; l'instruction du 25 août 1861 sur la rédaction et la tenue des catalogues des bibliothèques des lycées; enfin celle du 30 décembre 1876 sur le classement des bibliothèques populaires, sur le prèt, les récolements, les catalogues, etc. La législation étant fixée en ce qui concerne les bibliothèques qui dépendent de l'État, les bibliothécaires ont pour devoir de s'y conformer scrupuleusement; les conservateurs des bibliothèques municipales ont plus de latitude; en attendant une réorganisation et des réformes qui s'imposent, ils pourront emprunter à ces instructions et à ces règlements ce qui leur paraîtra convenir le mieux aux besoins de leurs bibliothèques,

1. Dans plusieurs villes, les bibliothèques populaires et même scolaires ont été annexées aux bibliothèques municipales et ont le même conservateur.

à l'état de choses existant et aux habitudes des localités. Il importe avant tout que ces emprunts soient judicieux.

L'utilité du recueil que je livre au public n'a pas besoin d'ètre démontrée ; elle sera évidente pour ceux qui ont été à même de juger de la triste situation de certaines de nos bibliothèques départementales. Tous les bibliothécaires consciencieux feront, j'en suis sûr, le meilleur accueil à un guide qui leur permettra de résoudre les difficultés multiples que soulèvent l'administration et l'économie d'une bibliothèque. Ils n'avaient pas jusqu'ici, pour la plupart, sous la main les éléments qui m'ont servi à le former, les grandes collections de lois et de décrets des assemblées révolutionnaires, des brochures du temps, aussi rares qu'importantes', le Bulletin des lois, le Journal général et le Bulletin administratif du Ministère de l'instruction publique, le Recueil des circulaires, en sept volumes, publié par les soins du mème Ministère. D'ailleurs les documents de ce genre gagnent à être groupés. M. Jules Cousin l'avait aussi compris, quand il avait donné, à la suite de son livre sur l'organisation et l'administration des bibliothèques, un Appendice consacré aux arrêtés, règlements, circulaires et instructions ministériels relatifs aux bibliothèques universitaires et populaires; il eût été bien inspiré en ne se renfermant pas dans un cadre aussi étroit.

J'encourrai sans doute le même reproche en ce qui concerne les bibliothèques de Paris. Je les ai volontairement laissées en dehors de ce recueil, sauf pour l'ordonnance de 1839 qui est la base constitutive, essentielle de leur organisation actuelle; tout ce qui a été fait depuis doit être considéré surtout comme mesures d'ordre intérieur. Il existe d'ailleurs pour la Bibliothèque nationale un recueil imprimé de décrets, ordonnances,

1. M. Delisle a bien voulu mettre à ma disposition sa précieuse collection de brochures bibliographiques de l'époque révolutionnaire.

arrêtés et règlements depuis l'an IV jusqu'en 1847. Il eût été inutile de le reproduire ici, parce qu'il ne rentrait pas dans le plan que je me suis tracé.

Quelle que soit la valeur de cette compilation, quelque accueil qui doive lui être fait, j'espère avoir une fois de plus servi une cause à laquelle s'intéressent tous ceux qui ont souci du développement et de l'intégrité de nos collections nationales.

RECUEIL DE LOIS,

DÉCRETS, ORDONNANCES, ARRÊTÉS, CIRCULAIRES, ETC.,

CONCERNANT

LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES,

COMMUNALES, UNIVERSITAIRES, SCOLAIRES ET POPULAIRES.

Bibliothèques en général.

I.

Extrait du décret relatif aux bibliothèques des établissements religieux supprimés. 14 novembre 1789.

Dans tous les monastères et chapitres où il existe des bibliothèques.... lesdits monastères et chapitres seront tenus de déposer aux greffes des sièges royaux ou des municipalités les plus voisines, des états et catalogues des livres qui se trouveront dans lesdites bibliothèques.... d'y désigner particulièrement les manuscrits, d'affirmer lesdits états véritables, de se constituer gardiens des livres et manuscrits compris auxdits états, enfin d'affirmer qu'ils n'ont point connoissance qu'il ait été soustrait aucun des livres et manuscrits qui étoient dans lesdites bibliothèques et archives.

II.

Extrait des lettres patentes du Roi confirmant le décret de l'Assemblée nationale relatif aux bibliothèques des communautés religieuses.

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26 mars 1790.

Art. 5. Les officiers municipaux se transporteront, dans la huitaine de la publication des présentes, dans toutes les maisons des religieux de leur territoire, s'y feront représenter tous les registres et comptes de régie, les arrêteront, et formeront un résultat des revenus et des époques de leur échéance. Ils dresseront sur papier libre et sans frais un état et description sommaire de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la sacristie, bibliothèque, livres, manuscrits, médailles, et du mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux, à la charge et garde desquels ils laisseront lesdits objets, et dont ils recevront les déclarations sur l'état actuel de leurs maisons, de leurs dettes mobilières et immobilières, et des titres qui les constatent.

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