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Mais, sans vouloir quitter l'une pour l'autre, il est cependant utile de connoître celle des trois qui vaut le mieux. Nous venons de voir que, par une analogie assez naturelle, la polysynodie mérite déjà la préférence; il reste à rechercher si l'examen des choses mêmes pourra la lui confirmer; mais, avant que d'entrer dans cet examen, commençons par une idée plus précise de la forme que, selon notre auteur, doit avoir la polysynodie.

LE

merce,

:

CHAPITRE IV.

Partage et départemens des conseils.

gouvernement d'un grand état tel que la France renferme en soi huit objets principaux qui doivent former autant de départemens, et par conséquent avoir chacun leur conseil particulier. Ces huit parties sont la justice, la police, les finances, le comla marine, la guerre, les affaires étrangères et celles de la religion. Il doit y avoir encore un neuvième conseil, qui, formant la liaison de tous les autres, unisse toutes les parties du gouvernement, où les grandes affaires, traitées et discutées en dernier ressort, n'attendent plus que de la volonté du prince leur entière décision, et qui, pensant et travaillant au besoin pour lui, supplée lui, supplée à son défaut, lorsque les maladies, la minorité, la vieillesse, ou l'aversion du travail, empêchent le roi de faire ses

fonctions ainsi ce conseil général doit toujours être sur pied, ou pour la nécessité présente, ou par précaution pour le besoin à venir.

CHAPITRE V.

Manière de les composer.

A l'égard de la manière de composer ces conseils, la plus avantageuse qu'on y puisse employer paroît être la méthode du scrutin; car, par toute autre voie, il est évident que la synodie ne sera qu'apparente, que les conseils n'étant remplis que des créatures des favoris, il n'y aura point de liberté réelle dans les suffrages, et qu'on n'aura, sous d'autres noms, qu'un véritable visirat ou demi-visirat. Je ne m'étendrai point ici sur la méthode et les avantages du scrutin; comme il fait un des points capitaux du système de gouvernement de l'abbé de SaintPierre, j'en traite ailleurs plus au long. Je me contenterai de remarquer que, quelque forme de ministère qu'on admette, il n'y a point d'autre méthode par laquelle on puisse être assuré de donner toujours la préférence au plus vrai mérite; raison qui montre plutôt l'avantage que la facilité de faire adopter le scrutin dans les cours des rois.

Cette première précaution en suppose d'autres qui la rendent utile; car il le seroit peu de choisir au scrutin entre des sujets qu'on ne connoîtroit pas,

et l'on ne sauroit connoître la capacité de ceux qu'on n'a point vus travailler dans le genre auquel on les destine. Si donc il faut des grades dans le militaire, depuis l'enseigne jusqu'au maréchal de France, pour former les jeunes officiers et les rendre capables des fonctions qu'ils doivent remplir un jour, n'est-il pas plus important encore d'établir des grades semblables dans l'administration civile, depuis les commis jusqu'aux présidens des conseils? Faut-il moins de temps et d'expérience pour apprendre à conduire un peuple que pour commander une armée ? Les connoissances de l'homme d'état sont-elles plus faciles à acquérir que celles de l'homme de guerre? ou le bon ordre est-il moins nécessaire dans l'économie politique que dans la discipline militaire? Les grades scrupuleusement observés ont été l'école de tant de grands hommes qu'a produits la république de Venise; et pourquoi ne commenceroit-on pas d'aussi loin à Paris pour servir le prince qu'à Venise pour servir l'état?

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Je n'ignore pas que l'intérêt des visirs s'oppose à cette nouvelle police je sais bien qu'ils ne veulent point être assujettis à des formes qui gênent leur despotisme; qu'ils ne veulent employer que des créatures qui leur soient entièrement dévouées, et qu'ils puissent d'un mot replonger dans la poussière d'où ils les tirent. Un homme de naissance, de son côté, qui n'a pour cette foule de valets que le mépris qu'ils méritent, dédaigne d'entrer en concurrence avec

eux dans la même carrière, et le gouvernement de l'état est toujours prêt à devenir la proie du rebut de ses citoyens. Aussi n'est-ce point sous le visirat, mais sous la seule polysynodie, qu'on peut espérer d'établir dans l'administration civile des grades honnêtes, qui ne supposent pas la bassesse, mais le mérite, et qui puissent rapprocher la noblesse des affaires, dont on affecte de l'éloigner, et qu'elle affecte de mépriser à son tour.

CHAPITRE VI.

Circulation des départemens.

De l'établissement des grades s'ensuit la nécessité de faire circuler les départemens entre les membres de chaque conseil, et même d'un conseil à l'autre, afin que chaque membre, éclairé successivement sur toutes les parties du gouvernement, devienne un jour capable d'opiner dans le conseil général, et de participer à la grande administration.

Cette vue de faire circuler les départemens est due au régent, qui l'établit dans le conseil des finances; et si l'autorité d'un homme qui connoissoit si bien les ressorts du gouvernement ne suffit pas pour la faire adopter, on ne peut disconvenir au moins des avantages sensibles qui naîtroient de cette méthode. Sans doute il peut y avoir des cas où cette circulation paroîtroit peu utile, où difficile à établir dans

la polysynodie: mais elle n'y est jamais impossible, et jamais praticable dans le visirat ni dans le demivisirat or il est important, par beaucoup de trèsfortes raisons, d'établir une forme d'administration où cette circulation puisse avoir lieu.

1o. Premièrement, pour prévenir les malversations des commis qui, changeant de bureaux avec leurs maîtres, n'auront pas le temps de s'arranger pour leurs friponneries aussi commodément qu'ils le font aujourd'hui: ajoutez qu'étant, pour ainsi dire, à la discrétion de leurs successeurs, ils seront plus réservés, en changeant de département, à laisser les affaires de celui qu'ils quittent dans un état qui pourroit les perdre, si par hasard leur successeur se trouvoit honnête homme ou leur ennemi. 2°. En second

lieu, pour obliger les conseillers mêmes à mieux veiller sur leur conduite ou sur celle de leurs commis, de peur d'être taxés de négligence et de pis encore, quand leur gestion changera d'objet sans cesse, et chaque fois sera connue de leur successeur. 3o. Pour exciter entre les membres d'un même corps une émulation louable à qui passera son prédécesseur dans le même travail. 4°. Pour corriger par ces fréquens changemens les abus que les erreurs, les préjugés et les passions de chaque sujet auront introduits dans son administration: car, parmi tant de caractères différens qui régiront successivement la même partie, leurs fautes se corrigeront mutuellement, et tout ira plus constamment à l'objet com

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