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mères; mais voilà mes idées. Ce n'est pas ma faute si elles ressemblent si peu à celles des autres hommes, et il n'a pas dépendu de moi d'organiser ma tête d'une autre façon. J'avoue même que, quelque singularité qu'on leur trouve, je n'y vois rien, quant à moi, que de bien adapté au cœur humain, de bon, de praticable, surtout en Pologne, m'étant appliqué dans mes vues à suivre l'esprit de cette république, et à n'y proposer que le moins de changemens que j'ai pu pour en corriger les défauts. Il me semble qu'un gouvernement monté sur de pareils ressorts doit marcher à son vrai but aussi directement, aussi sûrement, aussi long-temps qu'il est possible; n'ignorant pas au surplus que tous les ouvrages des hommes sont imparfaits, passagers, et périssables comme

eux.

J'ai omis à dessein beaucoup d'articles très-importans sur lesquels je ne me sentois pas les lumières suffisantes pour en bien juger. Je laisse ce soin à des hommes plus éclairés et plus sages que moi; et je mets fin à ce long fatras en faisant à M. le comte Wielhorski mes excuses de l'en avoir occupé si longtemps. Quoique je pense autrement que les autres hommes, je ne me flatte pas d'être plus sage qu'eux, ni qu'il trouve dans mes rêveries rien qui puisse être réellement utile à sa patrie; mais mes vœux pour sa prospérité sont trop vrais, trop purs, trop désintéressés, pour que l'orgueil d'y contribuer puisse ajouter à mon zèle. Puisse-t-elle triompher de ses

ennemis, devenir, demeurer paisible, heureuse et libre, donner un grand exemple à l'univers, et, profitant des travaux patriotiques de M. le comte Wielhorski, trouver et former dans son sein beaucoup de citoyens qui lui ressemblent!

LETTRES

A M. BUTTA-FOCO

SUR

LA LÉGISLATION DE LA CORSE.

LETTRES

A M. BUTTA-FOCO

SUR

LA LÉGISLATION DE LA CORSE.

LETTRE PREMIÈRE.

Motiers-Travers, le 22 septembre 1764.

IL est superflu, monsieur, de chercher à exciter mon zèle pour l'entreprise que vous me proposez ("). La seule idée m'élève l'âme et me transporte. Je croirois le reste de mes jours bien noblement, bien

(*) Un plan de législation pour les Corses qui avoient secoué le joug des Génois. Dans son Contrat social (Liv. 11, chap. 10) Rousseau avoit fait l'éloge de cette nation, et souhaité que quelque homme sage lui apprît à conserver sa liberté. Ce passage donna l'idée à M. Butta-Foco, capitaine au service de France, d'inviter Rousseau à se charger de cette noble tâche, en cela d'accord avec le célèbre Paoli, chef civil et militaire de la Corse, et qui y avoit établi une forme provisoire de gouvernement.

M. Pougens, dans l'édition des Lettres posthumes de Rousseau qu'il a publiée en 1798, a inséré les lettres de M. Butta-Foco, auxquelles celles-ci servent de réponse. Quoiqu'elles soient intéressantes par elles-mêmes, nous n'avons pas cru devoir les faire entrer dans notre édition, cette correspondance n'ayant pu avoir aucune suite, comme on l'a vu dans les Confessions.

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