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« Leur objet principal était de s'emparer de la montagne de Johannisberg ou Johansberg, près les salines de Nanheim, à une demi-lieue de Friedberg. Le marquis de Lévis l'occupait avec l'avant-garde du prince de Condé. Les colonnes de l'armée étaient encore loin: les maréchaux d'Estrées et de Soubise, voyant la nécessité de renforcer ce poste, y portèrent le comte de Stainville avec l'avant-garde à ses ordres.

« La marche des ennemis fut si rapide, qu'avant l'arrivée du comte de Stainville ils eurent le temps de gagner le sommet de la montagne. »

Cependant le prince de Soubise parvint à les en déloger, pendant que le maréchal d'Estrées faisait attaquer leur flanc gauche. La position fut emportée.

« La cavalerie des ennemis était postée dans la plaine de Nidermelle, pour y recevoir leur infanterie. Le prince de Condé la fit charger par ses dragons. Elle plia; mais, s'étant ralliée au delà d'un ravin, elle revint avec une grande célérité. La seconde charge que fit le comte de Stainville fut vive et obstinée : elle nous réussit entièrement. Les ennemis y ont beaucoup perdu. On y a fait une grande quantité de prisonniers, dont plusieurs colonels et quelques officiers supérieurs. Le régiment de Conflans a pris l'étendard d'un régiment hanovrien. L'infanterie des ennemis, dispersée et mise en un extrême désordre par cette charge, a regagné le ravin dans lequel coule le Veter. Les ennemis nous ont abandonné une grande partie de leur artillerie, et nous avons quinze pièces de différents calibres. On avait ras

semblé, le 31, plus de quinze cents hommes prisonniers, des différentes nations qui composent l'armée des alliés. »

Ce fut la dernière action de cette guerre de sept ans, qui rapporta si peu de gloire à la France, et lui coûta si cher. Le 1er novembre 1762 des préliminaires de paix furent arrêtés à Fontainebleau, et le 10 février de l'année suivante un traité fut signé à Paris, qui rendit encore une fois le repos à l'Europe.

DXLIV.

LIT DE JUSTICE TENU PAR LOUIS XVI. 12 NOVEMBRE 1774.

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RENTRÉE DU PARLEMENT RAPPELÉ PAR LOUIS XVI.

Louis XV était mort le 19 mai 1774. La première pensée de Louis XVI, son petit-fils et son successeur, fut de réconcilier avec la royauté l'opinion publique, aigrie par les scandales et les dilapidations du dernier règne. Un des principaux griefs de cette opinion mécontente était la suppression des parlements, sacrifiés trois ans auparavant aux fantaisies de la cour par le chancelier Maupeou. Louis XVI résolut de les rétablir, et, pour solenniser ce grand acte de justice, il vint à Paris présider lui-même à la restauration de la magistrature dans ses anciens priviléges.

Voici en quels termes la Gazette de France du lundi 14 novembre 1774 raconte cette cérémonie :

« Le 12 de ce mois, à neuf heures moins un quart du matin, le roi, après avoir entendu la messe à la SainteChapelle, est arrivé à la grand'chambre du parlement, précédé de Monsieur et de monseigneur le comte d'Artois, du duc d'Orléans, du duc de Chartres, du prince de Condé, du duc de Bourbon, du prince de Conti et du comte de la Marche, princes du sang. Les ducs et pairs, les grands officiers de la couronne et les autres personnes ayant séance au lit de justice, avaient devancé le roi, qui était suivi du sieur de Miroménil, garde des sceaux de France, et des magistrats du conseil, qui l'accompagnaient. Le roi ayant ordonné qu'on prît séance, sa majesté a déclaré que son intention était de rétablir dans leurs fonctions les anciens magistrats du parlement; et le garde des sceaux, de l'ordre de sa majesté, ayant expliqué plus amplement les volontés du roi, sa majesté a ordonné au grand maître des cérémonies d'aller chercher à la chambre de Saint-Louis les anciens membres du parlement, qui s'y étaient réunis en vertu d'ordres particuliers. Ils ont pris à la grand'chambre les places qu'ils sont dans l'usage d'y occuper lors des lits de justice; après quoi on a fait la lecture des édits, les portes ouvertes, et sa majesté en a ordonné l'enregistrement. >>

DXLV.

COMBAT DE LA FRÉGATE FRANÇAISE LA BELLE-POULE CONTRE LA FRÉGATE ANGLAISE L'ARÉTHUSE. 17 JUIN 1778.

JUGELET (d'après le tableau de la galerie du ministère de la marine). — 1837.

La querelle engagée entre l'Angleterre et les colonies de l'Amérique du Nord était devenue irréconciliable par l'aveugle obstination de Georges III et de ses ministres. Le 4 juillet 1776 le congrès national, rassemblé à Philadelphie, proclama l'indépendance américaine, et l'acte qui la notifiait fut un manifeste de guerre lancé par les treize États contre la mère patrie. Washington reçut le commandement suprême de l'armée des ÉtatsUnis, pendant que Franklin allait solliciter l'appui de la France pour la cause de la nouvelle république. La présence de ce vieillard excita en France un enthousiasme qui entraîna le gouvernement lui-même. L'indépendance de l'Amérique fut solennellement reconnue par Louis XVI, et un traité de paix et de commerce, signé le 2 février 1778 avec les États confédérés. C'était rompre avec l'Angleterre : la marine française, qui avait à venger les affronts de la guerre de sept ans, saisit cette espérance avec une ardeur incroyable. Cependant l'acte de déclaration de guerre resta quelques mois suspendu on armait de part et d'autre, et l'on s'observait avant d'engager les hostilités.

<< L'Angleterre venait d'équiper à la hâte une flotte de trente vaisseaux de ligne, dont elle avait donné le commandement à l'amiral Keppel. Cette flotte était sortie depuis quelques jours. On avait envoyé de Brest, pour l'observer, trois frégates, la Belle-Poule, de vingtsix canons; la Licorne, de trente-deux; la Pallas, de dix-huit, et le lougre le Coureur, de douze. La première était commandée par M. de la Clocheterie, la seconde M. de Balisal, la troisième par M. de Rausanne, et le lougre par M. de Razilli.

par

« Ces quatre vaisseaux, à la suite d'un coup de vent, se trouvèrent presque tous au milieu de la flotte anglaise. La Licorne baissa pavillon après avoir lâché une seule bordée; la Pallas se rendit sans pouvoir se défendre, se trouvant enveloppée de plusieurs vaisseaux ennemis; la Belle-Poule, avec le lougre, trouva moyen de se dégager. Poursuivie par la frégate anglaise l'Aréthuse, de quarante-quatre canons, elle s'arrêta dès qu'elle se vit à une demi-lieue de la flotte ennemie. Le capitaine anglais Marshall lui donne ordre de venir parler à l'amiral; le Français répond qu'il n'a d'ordre à recevoir que de son prince; l'Anglais fait tirer un coup de canon, auquel la Clocheterie répond par toute sa bordée le combat est engagé. De son côté le lougre se bat avec vigueur contre un cutter anglais de même force que lui.

:

« Le combat, après avoir duré deux heures, tourne au désavantage de l'Arethuse, qui par des signaux appelle la flotte à son secours. Deux gros vaisseaux accourent à

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