Page images
PDF
EPUB

DXXXVIII.

PRISE DE PORT-MAHON. JUIN 1756.

Tableau du temps.

Le traité d'Aix-la-Chapelle, en rendant la paix à l'Europe, n'avait terminé ni les luttes lointaines de l'Inde, ni les entreprises réciproques des colons français et anglais de l'Amérique septentrionale. Dupleix, avec son énergique activité, faisait une guerre redoutable à la compagnie britannique des Indes orientales, et sur les frontières du Canada et de la Nouvelle-Angleterre, les limites mal définies de l'une et l'autre de ces grandes colonies donnaient lieu à de continuelles escarmouches. Le lâche assassinat du parlementaire français Jumonville et la prise de trois cents navires marchands, saisis sans déclaration de guerre, épuisèrent la patience du pacifique gouvernement de Louis XV. On demanda satisfaction à l'Angleterre, et, sur son refus de l'accorder, la guerre lui fut déclarée par la France. Trois escadres furent aussitôt armées. Le maréchal de Belle-Isle reçut le commandement des côtes de l'Océan, pendant que le maréchal de Richelieu allait prendre à Toulon celui de la flotte de la Méditerranée.

Cette flotte, composée de douze vaisseaux de ligne, de cinq frégates et d'un grand nombre de bâtiments de transport, sous les ordres de la Galissonnière, avec quinze mille hommes de débarquement, partit des îles

d'Hyères le 12 avril 1756. Elle fit voile vers l'île de Minorque, où elle occupa sans coup férir la ville de Mahon.

A cette nouvelle, quatorze vaisseaux anglais, commandés par l'amiral Byng, se dirigèrent vers Minorque pour la secourir. L'action s'engagea, et le succès en fut très-vivement disputé. L'escadre anglaise fut enfin dispersée et contrainte de se réfugier à Gibraltar.

DXXXIX.

SIÉGE ET PRISE DU FORT SAINT-PHILIPPE (PORT-MAHON). –

28 JUIN 1756.

WACHSMUT. 1837.

«Il restait aux Anglais l'espérance de défendre la citadelle de Port-Mahon (le fort Saint-Philippe), qu'on regardait, après Gibraltar, comme la place de l'Europe la plus forte par sa situation, par la nature de son terrain et par trente ans de soins qu'on avait mis à la fortifier. C'était partout un roc uni; c'étaient des fossés profonds de vingt pieds, et, en quelques endroits, de trente, taillés dans ce roc; c'étaient quatre-vingts mines soust des ouvrages devant lesquels il était impossible d'ouvrir la tranchée. Tout était impénétrable au canon, et la citadelle entourée partout de ces fortifications extérieures taillées dans le roc vif.

« Le maréchal de Richelieu tenta une entreprise plus hardie que n'avait été celle de Berg-op-Zoom: ce fut de donner à la fois un assaut à tous les ouvrages qui

défendaient le corps de la place. Il fut secondé dans cette entreprise audacieuse par le comte de Maillebois, qui, dans cette guerre, déploya toujours de grands talents, déjà exercés dans l'Italie. C'est par cette ardeur difficile à comprendre qu'ils se rendirent maîtres de tous les ouvrages extérieurs. Les troupes s'y portèrent avec d'autant plus de courage, qu'elles avaient affaire à près de trois mille Anglais, secondés de tout ce que la nature et l'art avaient pu faire pour les défendre. Le lendemain (28 juin) la place se rendit1. »

La garnison sortit avec les honneurs de la guerre, et se retira à Gibraltar. Le 29 juin l'armée française prit possession du fort Saint-Philippe.

DXL.

BATAILLE D'HASTEMBECK. 26 JUILLET 1757.

RIOULT. 1837.

«Tandis que les Français combattaient en Canada, plusieurs puissances de l'Europe s'unissaient par des traités pour rapprocher le théâtre de la guerre. Le roi de Prusse, instruit par la cour de Londres que la France avait le dessein de porter ses forces vers la principauté de Hanovre, se ligua avec l'Angleterre, et jura de s'opposer de tout son pouvoir à l'entrée de toute armée étrangère dans l'empire. Élisabeth, impératrice de Russie, ennemie de Frédéric; Auguste III, roi de Po1 Siècle de Louis XV, par Voltaire, ch. XXXI.

logne et électeur de Saxe, qui avait des indemnités à répéter pour les ravages commis par les Prussiens pendant la guerre de 1741; l'impératrice reine Marie-Thérèse, qui voulait rentrer dans la Silésie, que les circonstances l'avaient forcée d'abandonner, s'unirent contre Frédéric II. »

Louis XV entra alors, contre les anciennes habitudes de la politique française, dans l'alliance autrichienne.

«On se promettait une garantie réciproque (le cas de la présente guerre excepté); on s'engageait à se rendre de bons offices mutuels, pour prévenir toute invasion de quelque puissance ennemie, soit dans les états de la maison d'Autriche, soit dans ceux de la maison de France. Dans le cas où, par les voies de la négociation, l'une ou l'autre des puissances contractantes ne pourrait pas empêcher une irruption dans les états de son alliée, elle s'obligeait à lui fournir pour sa défense vingt-quatre mille hommes effectifs. »

Le roi de Prusse, menacé de tous côtés, fit tête à l'orage. Avec une armée de cent cinquante mille hommes, la plus forte et la mieux organisée de l'Europe; avec les trésors amassés par son économie et celle de son père, il crut pouvoir braver la redoutable coalition formée contre lui; et, n'attendant pas qu'on l'attaquât, il se jeta sur les états de l'électeur de Saxe. Marie-Thérèse le fit mettre au ban de l'empire. Il s'en vengea en battant les Autrichiens accourus au secours d'Auguste III, et enferma les Saxons dans leur camp de Pyrna.

«Jamais, dit Voltaire, on ne donna tant de batailles

que dans cette guerre. Les Russes entrèrent dans les états prussiens par la Pologne; les Français, devenus auxiliaires de la reine de Hongrie, combattirent pour lui faire rendre cette même Silésie, dont ils avaient contribué à la dépouiller quelques années auparavant, lorsqu'ils étaient les alliés du roi de Prusse. Le roi d'Angleterre, qu'on avait vu le partisan le plus déclaré de la maison d'Autriche, devint l'un de ses plus dangereux ennemis. La Suède, qui avait autrefois porté de si grands coups à cette maison impériale d'Autriche, la servit alors contre le roi de Prusse, moyennant 900,000 livres que le ministère français lui donnait, et ce fut elle qui causa le moindre ravage. L'Allemagne se vit ainsi déchirée par beaucoup plus d'armées nationales et étrangères qu'il n'y en eut dans la fameuse guerre de trente ans.

<«< Tandis que les Russes venaient au secours de l'Autriche par la Pologne, les Français entraient en Allemagne par le duché de Clèves et par Wesel. De son côté le roi de Prusse allait chercher l'armée autrichienne en Bohême. Il opposait un corps considérable aux Russes. Les troupes de l'empire, qu'on appelait les troupes d'exécution, étaient commandées pour pénétrer dans la Saxe, tombée tout entière au pouvoir des Prussiens; ainsi l'Allemagne était en proie à six armées formidables qui la dévoraient en même temps. »

Le maréchal d'Estrées, à la tête de l'armée française, avait passé le Rhin à Dusseldorf. «Il suivait pas

pas le duc de Cumberland, et il atteignit ce prince

« PreviousContinue »