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« Mon canon, qui avait passé avec moi à la gauche de Lawfeld, tourna ce hameau, et s'établit sur une élévation d'où il battait toute cette infanterie qui marchait devant nous, et y causait un grand dommage. Elle avait, entre nous et elle, une ligne de cavalerie qui favorisait sa retraite. Je dis au comte d'Estrées de la pousser sur leur infanterie; mais, comme je donnais cet ordre, cette cavalerie, sentant la nécessité de sauver son infanterie mise en désordre, nous sauta au visage, et nous causa quelque trouble. Elle fut étrillée d'importance, mais elle sauva cette infanterie, que nous ne revîmes plus. M. de Ligonnier, qui fit cette prompte et belle manœuvre, y fut pris prisonnier; les escadrons gris, qui chargèrent avec lui, et quelques escadrons hessois furent taillés en pièces. Ne voyant presque plus d'ennemis à cette droite, le reste se retirant en déroute vers la basse Meuse, je recommandai à M. le comte de Clermont de les suivre, et je m'en fus à notre gauche, où était le roi, et vis-à-vis de lui M. de Bathiany avec vingt-sept mille hommes. Il était trois heures après midi : ainsi cette attaque avait duré environ cinq heures, ayant commencé entre neuf et dix heures du matin 1. »

Au moment où arrivait le maréchal, le comte de Clermont venait « de mettre en déroute l'aile gauche des ennemis. Le roi faisait attaquer alors l'aile droite, composée des troupes de la reine de Hongrie, qui jusque-là n'avaient pris aucune part à l'action. Le maré1 Histoire du maréchal de Saxe, par le baron d'Espagnac, t. II,

p. 349

chal de Saxe, à la tête des brigades d'infanterie que commandait le marquis de Senectère, porta les premiers coups. Le comte de Clermont-Tonnerre, le marquis de Gallerande, poursuivirent les ennemis assez loin, et firent un carnage affreux de tout ce qu'ils atteignirent.

« Cette bataille se donna le 2 juillet 1747; la perte des Français fut évaluée à six mille hommes, tant tués que blessés, et celle des ennemis à dix mille: on leur fit douze cents prisonniers dans le village de Lawfeld, et plus de neuf cents dans la poursuite; on leur prit vingtneuf pièces de canon, deux paires de timbales, neuf drapeaux et sept étendards '. >>

Louis XV, rapporte Voltaire, rendit cette bataille célèbre par le discours qu'il tint au général Ligonnier, qu'on lui amena prisonnier : «Ne vaudrait-il pas mieux, dit-il en lui montrant le village de Lawfeld, qui était la proie des flammes, songer sérieusement à la paix que de faire périr tant de braves gens 2? >>

DXXXIII.

SIÉGE DE LA VILLE DE BERG-OP-ZOOM. —- JUILLET 1747.

INVESTISSEMENT DE LA PLACE.

Campagnes de Louis XV, p.

68.

2 Siècle de Louis XV, chap. XXVI.

J. J. PARROCEL.

DXXXIV.

SIÉGE DE LA VILLE DE BERG-OP-ZOOM.

AU 15 SEPTEMBRE 1747.

14 JUILLET

Gouache par VAN BLAREMBERG.

La prise de Maëstricht était le but de la bataille de Lawfeld. Mais l'armée ennemie s'étant retirée de l'autre côté de la Meuse, sous les murs de cette place, le maréchal de Saxe ajoute, dans sa lettre au roi de Prusse :

« Notre projet sur Maëstricht étant manqué, j'écrivis au comte de Lowendal, qui était resté à Louvain avec seize bataillons et trente-deux escadrons, de marcher à Berg-op-Zoom, pour en faire le siége. Les alliés ayant fait passer depuis, et envoyant journellement des troupes de leur armée vers Berg-op-Zoom, le roi a renforcé le comte de Lowendal de plusieurs bataillons et d'escadrons, de sorte qu'il a actuellement sous ses ordres quarante-deux bataillons et soixante et dix escadrons, un bataillon de royal-artillerie et les volontaires bretons.

« La tranchée a été ouverte devant Berg-op-Zoom le 14; et, comme la place peut être rafraîchie, n'étant pas investie, ce siége pourrait être meurtrier, d'autant que les assiégés ne manqueront pas d'employer tout ce que l'art indique en pareil cas.

« Le comte de Lowendal, prévenu que l'ennemi était en force près de Berg-op-Zoom, s'attendait à livrer un combat avant d'en pouvoir faire le siége; mais, voyant que les ennemis, au lieu d'en défendre les approches,

s'étaient retirés derrière leurs retranchements, il jugea qu'il aurait moins à combattre la résistance des troupes que la bonté de la place et les difficultés inséparables de l'exécution d'un projet aussi extraordinaire.

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Berg-op-Zoom, le chef-d'œuvre du fameux ingénieur hollandais Cohorn, avait la réputation d'avoir été vainement assiégé dans les temps antérieurs, et passait dans l'Europe pour imprenable; il ne pouvait être investi que par un seul côté, où le rival du maréchal de Vauban avait employé son savoir. Deux cents bouches à feu défendaient les remparts; la place était abondamment pourvue de munitions de bouche et de guerre, et elle avait la facilité de s'en procurer par mer et par terre; sa garnison communiquait avec un corps considérable de troupes, campé derrière des lignes, protégées par des marais qui régnaient sur tout leur front, et qui, dans les endroits accessibles, d'ailleurs trèsétroits, étaient défendus par des forts revêtus, dont chacun exigeait un siége. Les alliés avaient à portée de cette ville un corps de troupes nombreux, et qui pouvait être renforcé, et par ce qu'ils avaient derrière les lignes de Steenberg, et par leur grande armée. Il était aisé de juger que, s'ils ne pouvaient faire lever le siége par un acte de vigueur, ils étaient du moins en état ou de le prolonger, ou de forcer les Français à l'abandonner. Il était, en effet, difficile de commencer ce siége avant la mi-juillet, et il fallait qu'il fût fini avant la fin de septembre, à cause des fièvres biliaires qui, dans l'arrière-saison, sont le fléau annuel des habitants du

pays. Il n'y avait pas moins à craindre que les mauvais temps ne rendissent les chemins des convois impraticables. Cette entreprise enfin était faite contre les principes de guerre accrédités; aussi le succès en parut-il impossible à bien du monde1.»

La tranchée fut ouverte dans la nuit du 14 au 15 juillet; les attaques furent poussées avec la plus grande vigueur; les assiégés se battirent en désespérés, et opposèrent la plus opiniâtre résistance.

DXXXV.

PRISE D'ASSAUT DE LA VILLE DE BERG-OP-ZOOM.
16 AOUT 1747.

Gouache par VAN BLAREMBERG.

Le 16 août le comte de Lowendal ordonna l'assaut. « Les soldats enfoncèrent tout ce qui s'opposait à leur passage, forcèrent les retranchements, et se mirent en bataille sur chaque bastion, et sur le rempart à droite et à gauche. Le carnage fut affreux; aucun officier ni soldat n'échappa à leur fureur; ils se rendirent maîtres de la ville, taillèrent en pièces et dispersèrent tout ce qu'ils rencontrèrent dans les rues; le reste de la garnison se rendit, ainsi que ceux qui défendaient les forts de Mormont, de Pensem, de Rouvers. Le pillage, qui fut permis, mit le comble aux malheurs de Berg-op-Zoom.

1 Histoire du maréchal de Saxe, par le baron d'Espagnac, t. II, P. 346

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