Page images
PDF
EPUB

à la France une attitude pacifique en ne déclarant point la guerre à Marie-Thérèse, et ne faisant paraître les Français en Allemagne que comme auxiliaires de l'électeur Charles-Albert. Le mouvement de la guerre emporta tout, et pendant qu'une armée française, prête à fondre sur le Hanovre, observait les mouvements de l'Angleterre, une autre armée française, commandée par le comte Maurice de Saxe, se joignait à l'électeur de Bavière, qui venait de prendre Lintz et Passau, et marchait sur la capitale de la Bohême.

« Il fallait, dit l'auteur des Campagnes de Louis XV, ou prendre Prague en peu de jours, ou abandonner l'entreprise. La saison était avancée, et l'armée manquait de vivres. Cette grande ville, quoique mal fortifiée, pouvait soutenir les premières attaques. Le général Ogilvi, Irlandais de naissance, qui commandait dans la place, avait trois mille hommes de garnison, et le grand duc marchait à son secours avec une armée de trente mille

hommes. Il était déjà arrivé à cinq lieues de Prague, le 25 novembre 1741; mais, la nuit même, les Français et les Saxons donnèrent l'assaut.

<< Ils firent deux attaques avec un grand fracas d'artillerie, qui attira toute la garnison de leur côté. Pendant que tous les esprits se portaient de ce côté-là, le comte de Saxe fit préparer en silence une seule échelle vers les remparts de la ville neuve, à un endroit très-éloigné de l'attaque. M. de Chevert, alors lieutenant-colonel du régiment de Beauce, monte le premier; le fils aîné du maréchal de Broglie le suit: on arrive au rempart, où

l'on ne trouve qu'une sentinelle; on monte en foule, et l'on se rend maître de la ville. Toute la garnison met bas les armes; Ogilvi se rend prisonnier de guerre avec ses trois mille hommes. Le comte de Saxe préserva la ville du pillage; et, ce qu'il y eut d'étrange, c'est que les conquérants et le peuple conquis demeurèrent confondus sans qu'il y eût une goutte de sang de répandue 1. »

Le comte de Saxe présenta les clefs de Prague à l'électeur de Bavière, qui y fit son entrée le 26 novembre 1741. Charles-Albert, couronné roi de Bohême dans cette ville, le 19 décembre suivant, fut élu roi des Romains par la diète de Francfort, sans aucune concurrence sérieuse, le 24 janvier 1742, et reçut la couronne impériale le 11 février de la même année. Il prit le nom de Charles VII.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Marie-Thérèse semblait perdue. Elle l'était, en effet,

sans l'indomptable courage qu'elle opposa à ses revers

1

Campagnes de Louis XV, p. 21 et 25.

1

Laissant Vienne, que menaçait l'armée française, elle alla se jeter, son fils entre les bras, au milieu des vaillantes populations de la Hongrie, et implora leur assistance en jurant le maintien de leurs priviléges. Un rapide mouvement d'enthousiasme entraîne alors à sa suite toute la nation hongroise, puis toutes les peuplades slaves de la Moravie, de la Bohême et des bords de l'Adriatique. En peu de temps elle redevint maîtresse de tous les états héréditaires de la maison d'Autriche, et bientôt la paix qu'elle conclut avec le roi de Prusse (juillet 1742) en lui cédant la Silésie la mit en état de tenir tête partout à ses ennemis.

Au milieu de ce mouvement national, les Français ne purent plus tenir en Allemagne, et, assiégé dans Prague, le maréchal de Belle-Isle fut réduit à la triste gloire de faire, au cœur de l'hiver (17 décembre 1744), une retraite que les écrivains du temps ont comparée à celle des dix mille. En même temps l'électeur de Bavière, naguère triomphant, était chassé de sa capitale, et réduit à cacher sa misère dans la ville libre de Francfort, théâtre des pompes de son couronnement. Mais Marie-Thérèse, non contente de son glorieux retour de fortune, voulut davantage. Avide de vengeance, et confiante dans la double alliance de la Hollande et de l'Angleterre, elle rêvait l'invasion et le partage des provinces françaises, et jeta le prince Charles de Lorraine sur l'Alsace, pendant que le féroce Mentzel, avec ses bandes esclavonnes, allait dévaster les états du roi Stanislas. Ces tentatives furent victorieusement repoussées par les troupes fran

çaises; la guerre fut formellement déclarée au roi de la Grande-Bretagne et à la reine de Hongrie; le prince Charles-Édouard, le dernier des Stuarts, appelé de Rome pour aller en Angleterre redemander à la maison de Hanovre l'héritage de ses aïeux; le roi de Prusse rattaché par d'habiles négociations à l'alliance française, et d'immenses préparatifs furent faits enfin sur terre et sur mer pour résister avec toutes les ressources de la France aux deux redoutables ennemis qu'elle avait à combattre.

Quatre armées furent mises sur pied. Le roi, à la tête de quatre-vingt mille hommes, se dirigea sur la Flandre; le maréchal de Coigny marcha sur le Rhin avec cinquante mille, et le duc d'Harcourt sur la Meuse avec dix mille hommes. Le prince de Conti commanda l'armée de Piémont, qui s'élevait à vingt mille hommes. Le comte de Saxe, nouvellement nommé maréchal de France, était destiné à servir en Flandre sous le roi. Il arriva à Valenciennes le 20 avril, et s'empara aussitôt de Courtray, dont il fit son quartier général. Louis XV avait quitté Versailles le 3 mai. Il passa la revue de l'armée le 15 mai dans la plaine de Cisoin, près de Lille, accompagné du ministre de la guerre, le comte d'Argenson.

<«<Le roi quitta Lille le 22 à midi pour se porter sur Menin, où il arriva le 23. On ouvrit la tranchée en sa présence le 28, à dix heures du soir, du côté de la porte d'Ypres sa majesté ne se retira qu'à deux heures du

matin.

:

« Le comte de Clermont, chargé d'une seconde attaque à la rive droite de la Lys, ouvrit la tranchée la même nuit devant l'ouvrage à corne de la porte de Lille.

« Le maréchal de Saxe alla le 28 reconnaître le pays jusque auprès d'Oudenarde; il revint par Deynse et le long de la Lys: ce fut alors qu'il commença à se servir avantageusement des partis d'infanterie.

« Le roi étant allé, le 31, visiter la tranchée devant l'ouvrage à corne, en ordonna l'attaque pour la nuit suivante. On le fit reconnaître par un lieutenant et six grenadiers, qui le trouvèrent abandonné.

« Le chemin couvert de Menin étant pris, le baron d'Echten, commandant de la place, demanda le 4 juin à capituler: il obtint les honneurs de la guerre 1. »

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

«Le siége d'Ypres suivit immédiatement. Les troupes arrivèrent devant la place le 10 juin, dans la position 1 Histoire du maréchal de Saxe, par le baron d'Espagnac, t. I, p. 281.

« PreviousContinue »