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troupes, qu'on se refusait même à laisser agir, lorsque rien ne semblait pouvoir s'opposer à leurs opérations au dehors. Mais plus ce grand mouvement national pour la défense de la patrie rencontrait d'obstacles dans son développement, plus la violence des passions augmentait en intensité, et plus le parti révolutionnaire acquérait de moyens et de forces pour l'exécution de ses détestables projets.

A la fin de juillet 1792 le trop fameux manifeste du duc de Brunswick vint révéler à la France les intentions et les projets des puissances armées contre elle, et la prochaine arrivée sur ses frontières d'une armée de cent vingt mille hommes destinée à les mettre à exécution. Aussitôt un décret de l'assemblée nationale, encore sanctionné par le roi, déclara que la patrie était en danger. La proclamation de ce décret fut faite partout avec une grande solennité; mais elle ne fut accompagnée d'aucune de ces grandes mesures que l'opinion publique réclamait avec force, et qui pouvaient seules mettre la France en état de résister à l'attaque dirigée contre elle. La catastrophe du 10 août ne se fit pas attendre longtemps dans cette déplorable inaction, et ausssitôt qu'elle eut brisé les entraves qui arrêtaient le déploiement des forces nationales, la garde nationale de Paris donna le grand exemple de partir en masse pour l'armée, et en peu de jours la seule ville de Paris vit sortir de ses murs quarante-huit bataillons armés et équipés, formant un total de trente-cinq mille hommes, qui volaient à la défense de la patrie.

Mais, s'il est glorieux pour la France de rappeler ce grand acte de patriotisme, il est douloureux de penser que, lorsque tant de bras s'armaient pour combattre et repousser l'invasion étrangère, il ne s'en est point trouvé pour s'opposer aux massacres qu'une poignée de misérables brigands faisaient froidement devant les portes des prisons, où la puissance révolutionnaire avait amoncelé les nombreuses victimes destinées à tomber sous leurs coups!

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«Le territoire français était envahi. Une armée combinée de Prussiens, d'Autrichiens, de Hessois, etc. marchait sur Paris sous les ordres du duc de Brunswick. Le roi de Prusse y était en personne, et un groupe nombreux de princes se faisait remarquer dans son état-major. Le général Dumouriez venait de remplacer le général Lafayette dans le commandement de l'armée française qui était campée près de Sedan, tandis que général Kellermann succédait au maréchal Luckner dans le commandement de celle qui était campée sous

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Metz. L'armée de Dumouriez ne comptait que trentetrois mille hommes dans ses rangs, et celle de Kellermann n'en comptait que vingt-sept mille; mais la proclamation du danger de la patrie avait fait partir de toutes parts des bataillons de volontaires et de fédérés, qui arrivaient à marches forcées pour s'opposer aux progrès de l'armée étrangère qui pénétrait en France. En trois jours la seule ville de Paris avait mis sur pied, armé, équipé et envoyé à l'armée quarante-huit bataillons d'infanterie, formant trente-cinq mille hommes effectifs. Cependant ces troupes, plus ardentes qu'aguerries et disciplinées, étaient presque toutes retenues à Châlons-sur-Marne par des ordres que dictait la crainte qu'elles ne devinssent nuisibles au bon ordre des armées agissantes. Luckner, décoré du vain titre de généralissime, était chargé du commandement de cette grande réserve, qui paraissait destinée plutôt à imposer à l'ennemi par sa masse qu'à le combattre réelle

ment.

« Aussitôt que le général Dumouriez avait pris le commandement de l'armée campée près de Sedan, il s'était porté sur l'Argonne, dont les défilés lui paraissaient la ligne de défense la plus efficace pour arrêter la marche rapide de l'armée ennemie. Ce fut en y prenant position à Grandpré qu'il apprit la perte de Verdun, et qu'il écrivit au conseil exécutif cette lettre remarquable, que les événements postérieurs ont rendue si glorieuse :

«Verdun est pris, et j'attends les Prussiens. Le camp

<«< de Grandpré et celui des Islettes sont les Thermopyles de la France; mais je serai plus heureux que « Léonidas. >>

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«Il le fut en effet; mais différentes causes ébranlaient la confiance que méritait le plan de défense qu'il avait conçu, et, pour le soutenir, il fut obligé de lutter constamment avec le conseil exécutif et avec plusieurs de ses généraux, qui considéraient la Marne comme la véritable ligne de défense, et qui s'efforçaient de lui faire prendre cette timide attitude; en sorte qu'au lieu de presser la jonction de l'armée de Kellermann avec la sienne, le conseil exécutif engageait Kellermann à rester sur la haute Marne, tantôt à Saint-Dizier, et tantôt à Vitry-le-Français. Il est probable qu'on espérait, par cette inaction, amener Dumouriez à adopter le système qu'on préférait à Paris, et à se replier derrière la Marne; mais il resta seul et inébranlable dans ses camps de Grandpré et des Islettes, jusqu'à ce que son aile gauche eut été battue et enfoncée à la Croix-aux-Bois, le 14 septembre. Ce succès ouvrait à l'armée du duc de Brunswick un débouché dans les plaines de la Champagne, où il se jeta aussitôt avec la plus grande partie de ses forces. Dumouriez fut obligé d'abandonner Grandpré; mais il conserva les Islettes et la Chalade, et il se replia sur Sainte-Menehould, en prenant ces deux postes importants pour pivot, et faisant un grand quart de conversion en arrière. En faisant ce mouvement rétrograde dans la journée du 16 septembre, une terreur panique se ré

pandit dans l'armée; la cavalerie passa au galop sur l'infanterie, tous les corps se mêlèrent, et le désordre devint général; mais les ennemis ne s'en aperçurent point le chaos fut débrouillé avant qu'ils en eussent connaissance, et l'armée occupa en bon ordre le camp de Sainte-Menehould. Par cette nouvelle position Dumouriez restait maître de la grande route de Verdun à Châlons, et forçait les Prussiens à établir leurs communications par des chemins et dans un pays que la mauvaise saison commençait à rendre impraticables.

:

« Ce fut dans cette position que Dumouriez pressa de nouveau son collègue Kellermann de se joindre à lui, et que celui-ci s'y décida enfin l'armée de Kellermann prit donc position sur la gauche de celle de Dumouriez, le 19 septembre au soir, entre Valmy et Dammartin-la-Planchette. Elle campa sur deux lignes, la première sous les ordres du lieutenant général Valence, la seconde sous ceux du lieutenant général duc de Chartres. L'avant-garde de Kellermann, commandée par le général Desprez de Crassier, prit poste à Hans, ayant derrière elle, à Valmy, le général Stengel avec un corps de troupes légères de l'armée de Dumouriez. Gisaucourt fut occupé par le colonel Tolozan, avec le premier régiment de dragons.

« Cependant l'armée prussienne, défilant par Grandpré et la Croix-aux-Bois, s'avançait dans les plaines de la Champagne, et pénétrait jusqu'à la route de Châlons, en sorte qu'elle s'interposait entre l'armée française et Paris.

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