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la réunion imposante des députés du royaume. La reine s'assied à la gauche du roi, hors du dais, sur un fauteuil inférieur au trône et placé quelques degrés plus bas. Deux rangées de pliants se trouvaient de chaque côté du trône. Ceux de droite étaient occupés par les princes et ceux de gauche par les princesses. Les princes présents étaient Monsieur (comte de Provence), M. le comte d'Artois, M. le duc d'Angoulême, M. le duc de Berri, M. le duc de Chartres, M. le prince de Condé, M. le duc de Bourbon, M. le duc d'Enghien et M. le prince de Conti. Les princesses placées à la gauche de la reine étaient Madame (comtesse de Provence), madame Élisabeth, madame la duchesse d'Orléans, madame la duchesse de Bourbon et madame la princesse de Lamballe. Les ducs et pairs occupaient une rangée de tabourets derrière les princes, et le cortége royal garnissait tout le fond de l'estrade. Le garde des sceaux (le chancelier étant absent) était assis sur un carreau, sur la seconde marche du trône, et les ministres, au pied de l'estrade. »

Le roi s'étant couvert, et le garde des sceaux ayant pris ses ordres, dit à haute voix, «Messieurs, le roi permet qu'on s'asseye et qu'on se couvre; » et tous les députés s'étant aussitôt assis et couverts, Louis XVI prononça un discours dans lequel il conseillait le désintéressement aux uns, la sagesse aux autres, et parlait à tous de son amour pour ses peuples. Le garde des sceaux, M. de Barantin, prit ensuite la parole, et après lui M. Necker lut un long mémoire sur l'état du royaume, où il parlait surtout de la situation des finances, et accu

sait un déficit de cinquante-six millions. Quand il eut achevé, le roi leva la séance, en laissant l'injonction aux députés de chaque ordre de se rendre le lendemain dans le local qui leur était destiné, pour y commencer le cours de leurs délibérations.

DLXXVII.

SERMENT DU JEU DE PAUME. 20 JUIN 1789.

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COUDER.

Le lendemain même de l'ouverture des états généraux une violente scission éclata entre les trois ordres. Les deux ordres privilégiés, d'accord en cela avec la cour, voulaient une salle des séances distincte et des votes séparés; le tiers état, confiant dans la force que lui donnaient le nombre et la faveur de l'opinion, prétendait appeler sur les bancs où il siégeait le clergé et la noblesse, et y voter en commun. Après un mois passé en délibérations sans issue et en vains essais de conciliation, les communes tranchèrent le débat en se constituant souverainement sous le grand nom d'Assemblée nationale (16 juin). Cette démarche, aussi habile que hardie, effraya d'abord la cour; puis, avec cette imprudente légèreté qui passe presque sans transition des angoisses de la peur aux plus téméraires résolutions, on se décida à un coup d'état. Il fut convenu que Louis XVI, dans tout l'appareil de la majesté royale, irait signifier ses volontés à l'assemblée par une ordon

nance de réformation, qui poserait les limites des concessions qu'il prétendait faire, et arrêterait ainsi dans le principe toutes les entreprises de l'esprit d'innovation. La séance royale fut fixée au 22 juin un ordre du roi suspendait jusque-là les séances de l'assemblée.

:

Cependant «Bailly, se croyant obligé d'obéir à l'assemblée, qui, le vendredi 19, s'était ajournée au lendemain samedi, se rend à la porte de la salle des gardes françaises l'entouraient, avec ordre d'en défendre l'entrée. L'officier de service reçoit Bailly avec respect, et lui permet de pénétrer dans une cour pour y rédiger une protestation. Quelques députés jeunes et ardents veulent forcer la consigne. Bailly accourt, les apaise et les emmène avec lui pour ne pas compromettre le généreux officier qui exécutait avec tant de modération les ordres de l'autorité. On s'attroupe en tumulte, on persiste à se réunir; les uns proposent de tenir séance sous les fenêtres mêmes du roi ; les autres proposent la salle du jeu de paume; on s'y rend aussitôt : le maître la cède avec joie.

« La salle était vaste, mais les murs en étaient sombres et dépouillés; il n'y avait point de siéges; on offre un fauteuil au président, qui le refuse, et veut demeurer debout avec l'assemblée; un banc sert de bureau ; deux députés sont placés à la porte pour la garder, et sont bientôt relevés par la prévôté de l'hôtel, qui vient offrir ses services. Le peuple accourt en foule, et la délibération commence. On s'élève de toutes parts contre cette suspension des séances, et l'on propose divers

moyens pour l'empêcher à l'avenir. L'agitation augmente, et les partis extrêmes commencent à s'offrir aux imaginations. On propose de se rendre à Paris : cet avis, accueilli avec chaleur, est agité vivement; déjà même on parle de s'y transporter en corps et à pied. Bailly est épouvanté des violences que pourrait essuyer l'assemblée pendant la route; redoutant d'ailleurs une scission, il s'oppose à ce projet. Alors Mounier propose aux députés de s'engager par serment à ne pas se séparer avant l'établissement d'une constitution. Cette proposition est accueillie avec transport; la formule du serment est aussitôt rédigée. Bailly demande l'honneur de s'engager le premier, et lit la formule ainsi conçue : « Vous prêtez le serment solennel de ne jamais vous séparer, de vous rassembler partout où les circons«<tances l'exigeront, jusqu'à ce que la constitution du «royaume soit établie et affermie sur des fondements << solides. » Cette formule, prononcée à haute et intelligible voix, retentit jusqu'au dehors. Aussitôt toutes les bouches profèrent le serment; tous les bras sont tendus vers Bailly, qui, debout et immobile, reçoit cet engagement solennel d'assurer par des lois l'exercice des droits nationaux. La foule pousse aussitôt des cris de vive l'assemblée ! vive le roi! comme pour prouver que, sans colère et sans haine, mais par devoir, elle recouvre ce qui lui est dû. Les députés se disposent ensuite à signer la déclaration qu'ils viennent de faire'. »

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1 Histoire de la révolution française, par M. Thiers, t. I, p. 68-69.

DLXXVIII.

FÉDÉRATION DES GARDES NATIONALES ET DE L'ARMÉE AU

CHAMP DE MARS A PARIS..

14 JUILLET 1790.

Couder.

La cour, toujours aveugle, malgré les premières leçons que lui avaient données les événements, continuait à aigrir l'esprit public par ses imprudentes résistances. Bientôt la prise de la Bastille, l'institution de la garde nationale et l'adoption de la cocarde tricolore, les événements des 5 et 6 octobre, qui transportèrent à Paris la résidence du roi et de l'assemblée; enfin les grands travaux de l'assemblée elle-même, qui portait hardiment la réforme dans chacune des parties de l'ordre social, tout s'unit pour précipiter le cours de la révolution. Elle était pure et glorieuse encore à peine quelques excès étaient venus se mêler aux grandes choses qu'elle avait faites ; mais déjà, au dedans comme au dehors, des ennemis commençaient à la menacer. « C'est alors que la municipalité de Paris, dit M. Thiers, proposa une fédération générale de toute la France, qui serait célébrée le 14 juillet, au milieu de la capitale, par les députés de toutes les gardes nationales et de tous les corps de l'armée. »>

L'Assemblée nationale ayant accueilli cette proposition, et le roi ayant sanctionné son décret, les députés fédérés arrivèrent de toutes parts à Paris, formant une

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