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DLVIII.

COMBAT NAVAL EN VUE DE LOUISBOURG. 22 JUILLET 1781.

DE ROSSEL.

Les frégates l'Astrée, de vingt-six canons, commandée par le capitaine de vaisseau de Lapérouse, et l'Hermione, sous les ordres du lieutenant de vaisseau comte de la Touche-Tréville, étant en croisière le 22 juillet 1781, à six lieues dans le sud-est du cap nord de l'île Royale, sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, furent informées qu'un convoi ennemi, escorté par des bâtiments de guerre, était dans ces parages. Le capitaine Lapérouse donna ordre de se porter de ce côté. Les deux frégates eurent bientôt à se défendre contre cinq bâtiments ennemis: l'Allégeance, de vingt-quatre canons; le Vernon, de vingt-quatre; le Charlestown, de vingt-huit; le Jack, de vingt-quatre, et le Vautour, de vingt, tandis qu'un sixième, le Thompson, de dix-huit canons, resta cons

tamment au vent.

«L'Astrée s'attacha particulièrement au Charlestown; l'Hermione combattit cette frégate à son tour, après avoir tiré plusieurs bordées au Vautour et au Jack. Le combat avait commencé à six heures et demie; une demiheure après, le Charlestown, alternativement combattu par M. de Lapérouse et le comte de la Touche, brassa à culer, et retomba par le travers de l'Astrée, qui lui ayant cassé son grand mât de hune, le força d'amener

son pavillon. Le Jack se trouvait alors par le travers du commandant de l'Hermione, qui l'écrasa de son feu et le força à se rendre. Le combat était même engagé de manière que les trois autres bâtiments ennemis eussent été obligés d'en faire autant, si la nuit ne fût pas tombée si vite. M. de Lapérouse, voyant que tout annonçait qu'elle serait très-obscure, ne voulut pas poursuivre l'Allégeance et le Vernon, qui forçaient de voiles et prenaient la fuite. Les deux commandants français virèrent de bord pour amariner le Charlestown et le Jack, qui restaient de l'arrière : le dernier de ces bâtiments le fut en effet; mais le premier, qui avait laissé tomber sa misaine, au lieu d'arriver pour se laisser amariner, échappa à la faveur de la nuit aux recherches du comte de la Touche, qui avait viré sur lui.

«Nos deux frégates se rejoignirent à neuf heures et demie. L'Astrée mit en panne, dans l'espoir que le Charlestown prendrait ce parti pour se laisser dépasser; mais elle n'en eut point connaissance à la pointe du jour, et les vents d'ouest ayant porté les frégates du roi à quatorze lieues sous le vent de la baie des Espagnols, elles firent voile pour Boston 1. >>

1 Relations des guerres maritimes de 1778, par le contre-amiral Kerguelen, p. 199.

DLIX.

SIÉGE D'YORK-TOWN. COMBAT NAVAL DEVANT LA

CHESAPEAK. 5 SEPTEMBRE 1781.

-

GUDIN.

Depuis trois ans que la France s'était engagée dans la guerre de l'indépendance américaine, rien de décisif encore ne s'était passé sur terre ni sur mer. Le général Rochambeau, débarqué à New-Port, dans l'état de RhodeIsland (juillet 1780), à la tête de six mille Français, attendait, avant d'agir, les renforts que devait lui amener le comte de Guichen. Washington, retranché dans son camp de West-Point, épiait l'occasion de se joindre au général français; mais sir Henry Clinton, de son quartier général de New-York, l'observait, prêt à suivre tous ses mouvements. Pendant ce temps la guerre se faisait avec acharnement dans les provinces du Sud. Lord Cornwallis, qui y commandait les troupes anglaises, avait d'abord marché de succès en succès; mais bientôt les Américains lui opposèrent Greene, un de leurs capitaines les plus habiles et les plus résolus. Les journées de Cowpens, de Guildford-House, de Eutaw-Springs, firent reculer de proche en proche l'armée anglaise, qui, dépossédée presque entièrement de la Georgie et des deux Carolines, concentra toutes ses forces dans la Virginie. C'est là que devaient se porter enfin des coups décisifs.

Sir H. Clinton avait donné l'ordre à lord Cornwallis, en attendant qu'il lui envoyât des secours, de fortifier un des ports de la Virginie, qui pût lui servir de place d'armes dans le Sud, et celui-ci avait choisi York-Town, ville située à la pointe de la péninsule formée par les rivières d'York et de James. M. de Lafayette, à la tête d'un corps de Français et de milices américaines, arriva le premier devant cette place : le comte de Rochambeau et Washington ne tardèrent pas à l'y rejoindre. Mais, avant de se mettre en marche, Rochambeau avait eu soin de réclamer l'assistance de la flotte française des Antilles : il fit connaître sa position au comte de Grasse, en lui demandant de conduire en Amérique toutes les troupes dont il pourrait disposer. L'amiral français s'empressa de déférer à la demande qui lui était adressée. Il sut cacher sa marche à la flotte anglaise, et il parut le 28 août devant le cap Henri, en dehors de la baie de Chesapeak, le même jour que le contre-amiral Samuel Hood arrivait des îles du Vent avec quatorze vaisseaux de ligne. Deux jours après il jeta l'ancre devant Linn-Haven. Ayant pris position à l'entrée des rivières James et d'York pour en former le blocus, il donna connaissance de son arrivée aux généraux des armées combinées, et fit débarquer à James-Town trois mille cinq cents hommes de troupes, qu'il avait embarqués au cap. Ces troupes rejoignirent bientôt, de l'autre côté de la rivière, un corps d'Américains qui interceptait les communications de l'armée anglaise entre la Virginie et la Caroline du Nord.

:

<< Pendant que le comte de Grasse attendait à son mouillage les nouvelles de la marche du généralissime américain et le retour de ses embarcations, sa frégate de découverte lui signala vingt-sept voiles dans l'est, dirigeant leur route sur la baie les vents soufflaient alors du nord-est. A l'instant l'amiral rappela ses bâtiments à rames, qui faisaient aiguade, et ordonna de se préparer au combat, en se tenant prêt à appareiller. A midi, la marée lui permettant de mettre sous voiles, il fit signal de couper les câbles et de former, en appareillant, une ligne de vitesse. Ces ordres furent exécutés avec tant de célérité que, nonobstant l'absence de quinze cents hommes et quatre-vingt-dix officiers employés au débarquement des troupes dans la rivière James, l'armée navale française fut sous voiles en moins de trois quarts d'heure, et sa ligne formée dans l'ordre suivant :

«Avant-garde, de Bougainville, commandant, sur l'Auguste, de quatre-vingts canons.

«< Au corps de bataille, le comte de Grasse, sur la Ville de Paris, de cent quatre canons.

« L'arrière-garde, sous les ordres du chevalier de Monteil, embarqué sur le Languedoc, de quatre-vingts canons.

« L'armée anglaise avait l'avantage du vent; elle marchait dans l'ordre de bataille inverse :

« Le contre-amiral Drake, sur la Princesse, de soixante et dix canons, marchait à l'arrière-garde.

<< L'amiral Graves était au corps de bataille, sur le London, de quatre-vingt-dix-huit canons.

((

L'avant-garde était commandée par le vice-ami

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