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tous la loi, voilà mon dieu; je n'en connais point d'autre (1) = le bien public, voilà ce qui m'intéresse, voilà ce qui m'embrase. (Applaudissemens.)

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Déjà vous avez fait pour les émigrans ce que vous deviez faire; encore un décret vigoureux contre les prêtres perturbateurs, et vous avez conquis la confiance publique. (Applaudissemens.) Une fois, messieurs, cette confiance acquise, vous êtes placés derrière un rempart inébranlable, vous disposez de dix millions de bras, vous acquérez cette force, cette puissance irrésistible avec laquelle vos prédécesseurs ont pu tout détruire et tout créer, avec laquelle vous pouvez tout, et sans laquelle vous n'êtes rien! (Applaudissemens.)

» Messieurs, je n'ai point fait de projet; je croyais que nous discuterions le projet du comité, que je ne pouvais deviner être aussi nul et aussi insignifiant... (Applaudissemens.) Mais, messieurs, mes moyens les voici : c'est d'abord d'assujétir tout Français, je ne parle point des prêtres seulement, au serment civique, et de décider que tout homme qui ne voudra pas prêter le serment civique, comme il est clair d'après ce refus qu'il ne veut pas signer le contrat social des Français, que cet être là ne jouira plus d'aucune pension ni fonction : à cet homme-là, en saine politique et en justice exacte, vous

(1) M. Isnard, à qui quelques personnes avaient fait un crime de cette phrase, l'explique ainsi dans une lettre adressée aux journaux. du temps:

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« Une expression figurée dont je me suis servi à la tribune natio»nale dans un moment où j'improvisais avec chaleur m'a fait soupçon» ner d'athéisme. J'ai dit: ne croyez pas que ce ne soit qu'aux tyrans » et aux fanatiques que je déclare la guerre ; j'en veux à tous les » factieux la loi, voilà mon Dieu; je n'en connais point d'autre. » Aurais-je pu croire qu'il existât un seul homme qui ne s'aperçût >> pas que ce mot Dieu était employé dans cette phrase au figuré ? » Sans doute la loi est une divinité pour moi; mais c'est dans l'ordre politique et comme citoyen.

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» Il est tout à fait absurde de penser qu'en rendant cet hommage à

la loi, et surtout dans un moment où je parlais avec tout le feu du patriotisme, j'aie voulu nier l'existence de l'Être suprême. J'ai con

» templé la nature; je ne suis point, insensé : je dois donc croire à

» Dieu. "

pourriez dire d'aller hors de votre société dès qu'il n'en signe pas le contrat (applaudissemens); cependant, messieurs, le prêtre qui, sans prêter le serment, est privé de ses pensions, peut encore rester dans le royaume tant qu'il ne sera pas porté de plaintes contre lui; mais comme vous ne le tenez-là que par un excès d'indulgence, dès qu'il y a des plaintes contre lui il faut que vous le chassiez hors de la société.

» En second lieu, quant à ceux qui, ayant prêté le serment ou ne l'ayant pas prêté, troubleront le moins du monde la tranquillité publique, il faut qu'ils soient exilés hors du royaume; car je vous ai déjà prouvé que c'est là la seule mesure à adopter; et quant à ceux qui sont dans les cas prévus par le code pénal ce code prononce contre eux des peines plus fortes que l'exil; ceux-là doivent perdre la vie, parce que le prêtre perturbateur qui forme une sédition doit être puni comme les autres citoyens. Voilà mes principales idées. »

M. Isnard, souvent applaudi, parfois improuvé, avait aissé l'Assemblée dans l'agitation; plusieurs membres, en demandant l'impression de son discours, donnèrent le signal du tumulte : C'est demander l'impression d'un code d'athéisme, s'écria M. Lecoz, évêque de Rennes ; vous voulez ôter au peuple ses plus douces consolations; je soutiens que l'opinion de M. Isnard ne tend qu'à corrompre la source de toute morale, et de toute morale sociale!... M. Lecoz brava longtemps à la tribune et les cris et les murmures; mais il ne put conserver la parole. Le président mit aux voix l'impression; elle fut rejetée à une très faible majorité. On reprit l'ordre du jour : après quelques débats l'Assemblée nationale, considérant qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur le projet présenté au nom du comité de législation, décréta que les membres de ce comité se partageraient en quatre sections, et que chacune d'elles lui soumettrait dans deux jours un nouveau projet de décret.

Le 16 quatre projets furent en conséquence présentés à l'Assemblée; le premier, celui que lut M. François (de Neufchâteau), parut seul réunir les conditions nécessaires;

pu

il obtint la priorité sans la moindre opposition, et sans que le rapporteur l'eût appuyé d'aucun développement : on en avait applaudi les dispositions comme on aurait le faire d'une pièce d'éloquence. La discussion sur ce projet s'ouvrit immédiatement article par article, et se prolongea jusqu'au 29; alors il fut relu et définitivement adopté, après avoir subi quelques amendemens, et remis en débats les diverses opinions déjà exposées. (V. ce décret, p. 141.)

M. François (de Neufchâteau), qui avait soutenu la discussion, la termina par le discours suivant, dont le début fera connaître l'objet.

RAPPORT fait au nom du comité de législation par M. François (de Neufchâteau). — (Séance du 29 novembre 1791.)

• Messieurs (1), vous avez renvoyé au comité de législation la rédaction d'un article additionnel au décret sur les troubles excités sous prétexte de religion.

» Cet article a été proposé par M. Albite (dans la séance du 25), appuyé par M. Guadet, amendé par MM. les députés du département du Bas-Rhin.

» La rédaction a présenté des difficultés dont je vais avoir l'honneur de vous rendre compte le plus sommairement que je le pourrai.

>> La proposition de M. Albite a deux objets : 1° d'exclure les prêtres dissidens ou prétendus dissidens du culte simultané dans les églises employées au culte salarié par la nation;

» 2°. De permettre la vente ou la location des autres églises aux citoyens attachés à un autre culte quelconque pour y exercer ce culte, en se conformant aux lois de police ou d'ordre public.

» L'amendement consiste à excepter de cette vente ou de cette location les églises où le culte simultané est admis entre

(1) « J'ai été obligé de relever sur les feuilles du Logographe et du Moniteur ce discours, que, je n'avais point écrit. » (Note de l'orateur sur son discours imprimé par ordre de l'Assemblée, qui en avait décrété l'envoi dans tous les départemens. )

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N.. Françons de Neufchateaus

Député, Ministres võirectem, Jénateur, diembre

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