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affaires, et non les vôtres; et puis avez-vous oublié à quelles conditions nous vous avons gardé sur le trône? C'est pour nous que nous voulons un roi : nous ne lui appartenons pas, et nous ne devons rien à la maison des Bourbons; c'est elle qui nous doit tout. Nous avons fait bien des ingrats : n'importe!

› Au reste, pour en revenir à tous les veto, la constitution vous les permet, nous le savons comme vous. Mais, s'il faut vous le dire, vous abusez de la permission; et si vous continuez, cela finira par devenir une véritable tyrannie de votre part. Bientôt nos députés n'auront que faire au manége. Sire, que n'y allezvous plutôt l'un de ces matins, pour leur dire tout bonnement : Sortez d'ici, Messieurs, je viens moi-même pour en fermer les portés. Il est fort inutile que vous y restiez plus long-temps, car je suis bien résolu à dire veto à tout ce que vous feriez de passable. Allez en paix chacun chez vous; je me charge du reste.

› L'histoire nous assure que ce ton un peu leste réussit parfaitement à Cromwell; mais l'assemblée nationale de France ne doit pas plus ressembler aux parlemens anglais, que nous ne ressemblons aux habitans de cette île. Sire, nous ne vous conseillons donc pas de suivre cet exemple; et, pour en finir, nous vous dirons que si la constitution est pour vous, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen est pour nous. L'une vous donne le droit de veto; l'autre nous donne celui de la résistance à l'oppression, art. II. Or, encore un veto de l'espèce de vos deux premiers, et il y a évidemment oppression de votre part; vous appelez sur nous la guerre civile et religieuse; donc vous nous placez dans le cas de l'art. II de la déclaration acceptée par vous. Prenez-y garde; nous vous laissons y penser: examinez. Nous vous ajouterons seulement que nos frères des quatrevingt-trois autres départemens pensent absolument comme nous et agiront de même, quand votre majesté aura examiné. ›

MOTIONS ET DÉNONCIATIONS.

Nous entrons dans le troisième chapitre que nous avons in

diqué dans notre classement des faits accomplis pendant le dernier trimestre de 1791. Ici, comme l'annonce notre titre luimême, devraient se trouver les actes spontanés, les mouvemens d'initiative, si quelque chose de semblable s'était manifesté au sein de l'assemblée. Nos lecteurs se convaincront que les fatalités logiques imposées par la constituante à la législative, furent aussi rigoureuses que nous l'avons annoncé. Ils ont déjà vu à quelle insulte royale répondait la colère démocratique du 5 octobre, si tôt calmée d'ailleurs; à quels délits long-temps accumulés, à quelles provocations, chaque jour plus audacieuses, répondaient les deux lois dont nous venons d'achever l'histoire. Ils vont maintenant constater par les incidens révolutionnaires que tout dans l'assemblée procède d'un choc extérieur, et que la minorité fougueuse de l'extrême gauche ne s'abandonne, ne s'irrite, et ne demande certaines mesures que par besoin de réagir.

La querelle de Dermigny avec Goupilleau, les tribunes réservées aux ex-constituans, et dont ils faisaient l'usage plus haut mentionné, provoquèrent deux motions, déjà connues de nos lecteurs. Elles furent préparées aux Jacobins, avec une troisième dont nous n'avons pas encore parlé. Brissot résume ainsi la discussion ouverte sur ces trois objets : Demander à l'assemblée nationale, 1° qu'elle exclue de son intérieur la foule d'hommes à épaulettes qui l'inondent; 2o qu'elle éloigne les places privilégiées; 3° enfin, qu'à l'avenir les actes du corps-législatif soient datés de l'année de la liberté française. (Journal du club, séance du 5 octobre.) Ce nouveau millésime avait été adopté, pour la première fois, par le Moniteur, le 14 juillet 1790. Il était devenu populaire, comme on l'a vu par la date de la pétition du Champde-Mars (le 17 juillet de l'an III). Le jour de la prise de la Bastille servit de point de départ jusqu'au 2 janvier 1792, où, sur la proposition de Ramond, l'assemblée décréta que l'ère de la liberté commençait au 1er janvier 1789.

La question du mariage des prêtres, depuis long-temps traitée par les journaux, résolue par des exemples particuliers, même sous la constituante, fut posée à la tribune de l'assemblée légis

lative, dans la séance du 19 octobre : une lettre des administrateurs du département de Maine-et-Loire y donna occasion. Il s'agissait de savoir si un bénéficier qui n'était pas dans les ordres et qui venait de se marier, devait conserver son traite.

ment.

[M. Delaunai, d'Angers. Je suis chargé par la députation de ce département d'appuyer la demande que forment les administrateurs et de vous proposer une mesure générale à cet égard. L'assemblée nationale constituante avait décrété que les religieuses qui se marieraient, seraient privées de leur traitement, mais par une loi postérieure, rendue le 10 septembre dernier, sur la motion d'un membre du comité de constitution, il fut décrété qu'elles conserveront leur pension en entier. Je demande que vous étendiez non pas la faveur, mais la justice de cette loi aux ecclésiastiques qui se marient. L'intention de la nation n'est pas de vouer au célibat une classe de citoyens, c'est-à-dire, de la condamner à un état que la nature réprouve et auquel elle n'est assujétie par aucune loi. Cependant plusieurs pensionnaires ecclésiastiques n'osent remplir le vœu de la nature et de l'humanité par la crainte d'être privés de leurs pensions, et les administrateurs eux-mêmes sont incertains sur le parti qu'ils doivent prendre. Je demande que l'assemblée prenne une mesure générale qui dissipe les craintes des uns, lève les incertitudes des autres; je demande qu'elle décrète que les prêtres pensionnés jouiront de leur pension, quel que soit l'état civil qu'ils embrassent. (On applaudit.)

M. Quesnay. Au moyen que la loi a déclaré qu'elle ne connaissait plus de vœux contraires à la nature, la question est décidée, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Lequinio. C'est précisément par les paroles même de l'opinant que je combats son opinion. S'il est une matière importante, c'est celle qui se présente à votre décision; il faut enfin ramener les choses à l'état de nature et de raison, et c'est précisément parce qu'il n'existe qu'une loi vague et obscure, et qu'elle ne nous empêche pas de suivre les abus anciens, qu'il

faut en faire une plus précise. Je demande le renvoi au comité

de législation.

M. Girardin. J'appuie la proposition du renvoi au comité mais j'y propose un amendement infiniment pressant ; il consiste à ce que les traitemens des ecclésiastiques qui se marieront, leur soient provisoirement conservés.

M. Taillefer. Les raisons déduites par les préopinans sont absolument les mêmes que j'avais à présenter. Je ne crois pas que la loi doive être faite dans ce moment; mais comme ces citoyens jouissent du bienfait de la constitution et ne contreviennent à aucune loi, il serait injuste de les priver provisoirement de leur traitement.

M. Goupilleau. Comme les administrateurs sont dans l'incertitude, il est essentiel de décréter que les ecclésiastiques qui se marieront, recevront provisoirement leur traitement.

N..... Il n'est point question de faire une loi, il est seulement question de déclarer qu'il n'y a pas de loi contraire.

M. Lecoz, évêque du département de l'Ille-et-Vilaine. Ceux qui ont dit que le célibat était contraire à la nature, ont avancé une grande erreur. (On murmure.) D'ailleurs vous vous occupez en ce moment d'éteindre ce feu qui consume l'empire, et par l'impolitique motion qui a été faite, vous l'alimenteriez de plus fort. (Quelques membres applaudissent.)

N..... Il n'existe point de loi qui empêche les ecclésiastiques pensionnaires qui se marieront, de toucher leurs pensions, donc les administrateurs n'auront pas le droit de les en priver, donc il est inutile que l'assemblée nationale s'occupe par provision de cet objet. Je demande en conséquence que l'assemblée passe à l'ordre du jour sur l'amendement de M. Girardin.

N..... Ceux qui insistent pour que la question soit ou décidée à l'instant ou préjugée, ne sentent pas la difference énorme qu'il y a entre un principe et son application. Je demande qu'attendu qu'il n'existe point de loi contraire à la pétition qui a été faite, il soit passé à l'ordre du jour.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.]

Le 1er novembre, Goupilleau fit une motion en faveur de quarante-et-un soldats de Château-Vieux, condamnés aux galères. Cette démarche avait été précédée d'une séance aux Jacobins : nous allons la transcrire.

CLUB DES JACOBINS (31 OCTOBRE).

M. Collot-d'Herbois. J'ai annoncé, Messieurs, que je vous rendrais compte de l'état où se trouve l'affaire des soldats de Château-Vieux. Je suis resté pendant quelque temps en suspens, parce que M. de Montmorin me paraissant bien disposé, j'ai cru ne devoir pas risquer de changer ses bonnes dispositions; parce que, pendant un autre instant, j'ai craint d'exposer au ressentiment de ce ministre les malheureux soldats de Château-Vieux, en dévoilant les intrigues et la conduite fausse de M. de Montmorin à l'égard de ces infortunés.

› Les soldats du régiment de Château-Vieux, après avoir passé au conseil de guerre après l'affaire de Nanci, ont vu pendre vingt-sept de leurs camarades; quarante-et-un ont été envoyés aux galères, où ils sont encore. Je ne vous retracerai pas leurs maux. Vous savez que toujours M. de Bouillé a été leur persécuteur, et néanmoins M. de Bouillé a été déclaré innocent et pourrait rentrer en France sans danger, tandis que les soldats de Château-Vieux sont aux galères.

› M. l'abbé d'Expilly avait épousé, dans l'assemblée constituante, la cause de ces infortunés, et vous allez juger, par le trait suivant, de l'hypocrisie et de la fausseté du ministre Montmorin. M. d'Expilly se rend plusieurs fois chez lui, et en est amusé comme il amusait tout le monde. Cependant, pour avoir un air de franchise, il lui dit qu'il croyait la circonstance favorable pour arranger cette affaire, vu que la diète des Suisses, du jugement de laquelle elle dépendait, était pour lors assemblée. Il lui offrit de négocier à cet effet, et d'écrire au ministre de France, près la diète. Craignant la lenteur du ministre, M. d'Expilly offrit d'envoyer sur-le-champ un courrier à ses frais, porter les dépêches ministérielles. Un citoyen de Brest,

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