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posés: elle est conforme à un veto, qui n'est pas une loi; elle n'est pas pour faire exécuter une loi, puisqu'elle est pour en empêcher l'exécution. Conséquemment la proclamation est un délit, et le ministre qui l'a signée est responsable.

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› Le roi n'a point attendu jusqu'à ce jour pour manifester son improbation, etc.... - Ce combat de popularité entre l'assem» blée nationale et le pouvoir exécutif est plus dangereux qu'on ne pense. Nous sommes perdus, si le roi parvient à persuader au peuple qu'il est plus propre et plus disposé à faire le bien de la patrie que l'assemblée nationale; mais il n'y parviendra pas. Il ne suffit pas qu'il dise avoir manifesté son improbation; nous lui demanderons la preuve de ce qu'il avance et quelle preuve donnera-t-il? Écoutons-le parler. Après avoir pris les mesures convenables pour maintenir la France dans un état de paix et de bienveillance réciproque avec les puissances étrangères. › — Et quelles sont ces mesures? Qu'il les publie donc! La lettre par laquelle il annonce son acceptation? mais cette lettre n'est rien moins qu'une mesure pour la France; elle ne regarde que lui; ces puissances n'ont répondu qu'à lui et pour lui; Louis XVI n'a jamais vu que lui; toute la diplomatie de l'Europe ne voit que lui; et s'il était vrai qu'il eût pris des mesures pour la nation, on ne verrait pas toujours ces mêmes puissances insulter aux patriotes français que des affaires obligent à se transporter dans leurs États. Mais les prétendues mesures de Louis XVI ne se bornent pas à maintenir la France dans un état de paix avec les puissances étrangères, il a, dit-il, pris des mesures, pour mettre les frontières du royaume à l'abri de toute invasion. A-t-on jamais menti avec plus d'effronterie? Il a fallu vingt décrets, cent dénonciations; il a fallu envoyer des commissaires de l'assemblée; il a fallu sans cesse éperonner les ministres, pour faire exécuter les réparations les plus urgentes, pour porter aux frontières nos phalanges citoyennes; toutes les opérations des patriotes ont été croisées par ces traîtres, et voilà qu'aujourd'hui l'on se fait un mérite d'avoir mis les frontières à l'abri de toute invasion! Qu'on dise plutôt que l'on a fait tous les efforts imagi

nables pour l'empêcher, et l'on nous aura dit vrai; mais alléguer la bonne volonté de la cour à garnir la frontière, c'est combattre la notoriété publique. Sa Majesté avait cru que les moyens de la persuasion et de la douceur seraient les plus propres à ramener dans leur patrie des hommes que les divisions politiques et les querelles d'opinions en ont principalement écartés. › — Louis XVI sait donc ce qui a écarté les fugitifs? Il est donc du secret de la fuite? Il est donc en correspondance avec les émigrés? Oui. Louis XVI connaît la cause des émigrations; mais il ne la dit point ici; sa proclamation en impose : leurs véritables causes, c'est l'incivisme, c'est l'aristocratie, c'est l'esprit de rébellion, c'est le désir de renverser la constitution, c'est l'espoir de rétablir l'ancien régime, c'est la plus criminelle de toutes les entreprises; et Louis XVI les disculpe! ils ne sont point coupables à ses yeux! tout lear crime est une querelle d'opinions! Se peut-il que l'homme, qu'on a osé appeler le restaurateur de la liberté, favorise aussi évidemment les ennemis de la liberté ? Mais ce qui frappe le plus dans cette phrase insidieuse, c'est l'éloge perfide qu'on y fait des voies de la douceur, et qu'on a la malignité d'opposer aux voies de rigueur employées par l'assemblée nationale. C'est comme si le roi disait aux émigrés: Mes bons amis et fidèles sujets, l'assemblée dite nationale a ordonné la peine de mort en cas que vous ne rentriez pas avant le premier janvier; mon unique désir est de vous voir heureux auprès de ma personne: venez, accourez dans les bras de votre prince; il saura vous mettre à l'abri des décrets de cette assemblée; n'obéissez pas à elle, mais obéissez à moi; exécutez toujours mes ordres, n'exécutez que mes ordres, et soyez sûrs de ma protection. Voilà le véritable sens de la proclamation du 12 novembre, qui est un acte de rébellion, un attentat à la loi.

› Les démarches du roi n'avaient pas été entièrement sans effei; non-seulement l'émigration s'était ralentie, mais, etc.-C'est une imposture; elles n'ont jamais été aussi fréquentes que dans les derniers jours qui ont précédé le décret. ‹ Déjà quelques-uns des Français expatriés étaient rentrés dans le royaume. » Qui, pour

y venir vendre leurs biens, pour venir débaucher les soldats, exciter les prêtres fanatiques, ranimer l'aristocratie intérieure, assurer le fil de la correspondance, communiquer avec le cabinet des Tuileries, et composer la troupe des janissaires chargés d'escorter le départ de Louis XVI et de sa digne épouse.

A entendre Louis XVI, son veto était réclamé par l'intérêt du peuple. Toujours ce mot à la bouche! c'est au nom de l'intérêt du peuple que les tyrans adroits asservissent le peuple. Le décret sur les émigrans ne pouvait pas compâtir avec les mœurs de la nation, et les principes d'une constitution libre. » Louis XVI! c'en est trop! il ne t'appartient pas de censurer aussi amèrement la conduite des représentans de ton souverain; et s'il est ici quel que chose qui ne puisse pas compâtir avec les principes d'une constitution libre, c'est l'audace d'un délégué à gages, qui sort sans cesse des bornes du respect qu'il doit aux représentans de la nation. Les principes d'une constitution libre sont de sacrifier toutes les considérations à la liberté, de punir tous les attentats contre la patrie et l'assemblée nationale, qui pouvait, qui devait peut-être sévir hic et nunc contre les conspirateurs. L'assemblée nationale avait été clémente, en leur donnant jusqu'au premier janvier pour éviter la peine que déjà ils devraient avoir en

courue.

« Sa Majesté se doit à elle-même.... de remplir, autant qu'il est en elle, l'objet important de la loi dont elle n'a pas cru devoir adopter les moyens. - Ici le crime est caractérisé ; il y a plus, il est avoué. L'assemblée nationale avait fait une loi, le pouvoir exécutif y a apposé son veto, soit; mais que doit-il résulter de l'apposition du veto ? rien. La loi sur laquelle il tombe est censée non-rendue; c'est comme si rien n'eût été décrété à cet égard, et les fonctions du roi ont cessé dès qu'il a prononcé la formule j'examinerai. Or, au cas présent, le roi agit, et déclare qu'il agira en conséquence de son veto. Il n'adopte pas, ditil, les moyens de la loi, mais il en remplira l'objet important, c'est-à-dire que, malgré la distinction des pouvoirs, malgré le décret qui déclare que le roi ne peut faire de proclamations que

conformes aux lois, Louis XVI en fait pour annoncer au peuple qu'il met sa volonté à la place de la loi, en substituant son caprice à la volonté constante du législateur.

< Ceux-là seraient étrangement trompés, qui supposeraient au roi une volonté autre que celle qu'il a publiquement manifestée. »— Il n'en disait pas moins avant le départ de Montmédi.

Le roi leur donne (aux émigrés), en exerçant sa prérogative sur des mesures de rigueur exercées contre eux, une preuve de sa liberté, qu'il ne leur est permis ni de méconnaître, ni de contredire.» Et en partant pour Montmédi, le roi avait aussi donné une preuve de liberté. A laquelle de ces deux preuves contradictoires faut-il que les émigrés ajoutent foi ?-L'auteur de l'article analyse ainsi mot à mot la proclamation. Il examine ensuite les lettres aux princes. Il commente de la sorte le mot suivant, renfermé dans la lettre collective du 16 octobre: Vous assurerez l'avantage aux opinions modérées. « Qu'entend-on par les opinions modérées ? On entend les opinions de ceux qui croient que l'assemblée nationale constituante a été trop loin; qu'il fallait bien réformer certains abus, mais qu'il ne fallait entièrement supprimer, ni les parlemens, ni le clergé, ni la noblesse; ôter aux nobles leurs priviléges pécuniaires, était tout ce qu'il fallait faire. Mais les modérés croient qu'il fallait leur laisser leurs priviléges de naissance : ces modérés veulent deux chambres, etc., etc. Et voilà l'opinion que Louis XVI veut que ses frères assurent. Votre éloignement, dit-il, et les projets qu'on vous suppose, peuvent la contrarier. Pourquoi? Parce que ces projets tiennent les patriotes en haleine, qu'ils sont éveillés par la nécessité; tandis que si l'or coulait en abondance, si l'on pouvait attacher chaque individu à sa chose particulière, il ne serait pas difficile d'obtenir de la majorité telles conditions que l'on voudrait, pourvu qu'on lui laissât gagner de l'argent tout à l'aise : et l'on a l'impudence de nous dire que ce sont-là des preuves de patriotisme !>

L'auteur termine ainsi son article: «On voit que la prétendue sincérité du roi, n'est qu'une dérision. Mais si nous sommes attaqués, mettons-nous peu en peine de Louis XVI et de son veto;

défendons-nous avec le courage des peuples qui ont le bonheur de n'avoir point de roi.» (Révol. de Paris, no CXXIII)

Le décret sur les troubles religieux fut appuyé par la presse d'une manière plus énergique. Les ressentimens du veto royal s'exhalèrent dans les feuilles patriotes en récriminations amères et en sinistres conjectures. On releva, avec indignation certains articles de tolérance publiés par le Moniteur. Le numéro du 22 octobre renferme une longue lettre d'André Chénier sur les dissensions des prêtres. Cet écrivain que nous avons déjà trouvé rédigeant le Journal du club de 1789, se montre toujours fidèle aux mêmes doctrines. Le morceau dont nous parlons, est encore plus empreint de feuillantisme, que la pétition au roi, par le directoire de Paris.

Cette pétition fut rudement commentée par la presse révolutionnaire, et, de plus, dénoncée à la barre de l'assemblée par un grand nombre de sections. Dans la séance du 11 décembre, on entendit tour à tour celles du Théâtre-Français, de Mauconseil, des Quinze-Vingts, de la Halle, de l'Arsenal, des EnfansRouges, de l'Observatoire, du Luxembourg, de la Croix-Rouge, du faubourg Saint-Antoine. Nous transcrirons les deux adresses de la section du Théâtre-Français. Legendre prit le premier la parole.

SÉANCE DU 11 décembre.

[M. Legendre. Tous les citoyens veulent entourer le sénat français de leur estime; il sera un jour le conseil de l'univers. Nous venons y adorer l'auguste liberté. Suivez les élans de sa superbe audace: souveraine de vingt-quatre millions d'hommes, la liberté doit rouler les tyrans dans la poussière, et fouler les trônes qui ont écrasé le monde. Le salut public nous commande de vous dire, que l'heure approche de le défendre; mais les Français n'ont que leur courage : intrépides comme des Romains, faites forger des millions de piques semblables à celles de ces héros, et armezen tous les bras; annoncez aux départemens ce décret vraiment martial. Que le cultivateur et le journalier, l'artisan et le pauvre

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