Page images
PDF
EPUB

par les routes mêmes de la liberté? Que l'on surveille les prêtres non-assermentés; qu'on les frappe sans pitié au nom de la loi, ́s'ils l'enfreignent, s'ils osent surtout exciter le peuple à lui désobéir, rien de plus juste, rien de plus nécessaire; mais que jusqu'à ce moment on respecte leur culte comme tout autre culte, et qu'on ne les tourmente point dans leurs opinions. Puisqu'aucune religion n'est une loi, qu'aucune religion ne soit donc un crime.

Sire, nous avons vu le département de Paris s'honorer d'avoir professé constamment ces principes; nous somines convaincus qu'il leur doit en partie la tranquillité religieuse dont il jouit en ce moment. Ce n'est pas que nous ignorions qu'il est des hommes turbulens par système, qui s'agiteront long-temps encore, et qu'on espérerait vainement de ramener à des sentimens patriotiques; mais il nous est prouvé par la raison et par l'expérience de tous les siècles, que le vrai moyen de les réprimer est de se montrer parfaitement juste envers eux, et que l'intolérance et la persécution, loin d'étouffer le fanatisme, ne feront qu'accroître ses fureurs.

Par tous ces motifs, et au nom sacré de la liberté, de la constitution et du bien public, nous vous prions, sire, de refuser votre sanction au décret des 29 novembre et jours précédens sur les troubles religieux; mais en même temps nous vous conjurons de seconder de tout votre pouvoir le vœu que l'assemblée nationale vient de vous exprimer avec tant de force et de raison contre les rebelles qui conspirent sur les frontières du royaume. Nous vous conjurons de prendre, sans perdre un seul instant, des mesures fermes, énergiques et entièrement décisives contre ces insensés qui osent menacer le peuple français avec tant d'audace. C'est alors, mais alors seulement que, confondant les malveillans et rassurant à la fois les bons citoyens, vous pourrez faire saus obstacle tout le bien qui est dans votre cœur, tout celui que la France attend de vous. Nous vous supplions done, sire, d'acquiescer à cette double demande, et de ne pas les séparer l'une de l'autre.

A Paris, ce 5 décembre 1791.

Signés, GERMAIN GARNIER, membre du directoire du dépar

tement de Paris; J.-B. BROUSSE, membre, etc.; TALLEYRANDPÉRIGORD, membre, etc.; BEAUMETZ, membre; etc.; LAROCHEFOUCAULD, président du département de Paris; DESMEUNIERS, membre; etc.; BLONDEL, secrétaire-général du département de Paris; THION DELACHAUME, membre, etc.; ANSON, membre, etc.; DAVOUST, membre, etc. (1).

Ce fut le 19 décembre que le garde-des-sceaux adressa à l'assemblée la note de non-sanction relative au décret concernant les prêtres; le roi, y disait-il, se réservait d'examiner. La séance n'en fut nullement troublée. A celle du 20, il y eut une motion que nous transcrivons.

[M. Delcher, du département de la Haute-Loire. Vous êtes les représentans du peuple français ; c'est à vous qu'il a confié l'exercice de sa souveraineté. Vous devez donc remplir la tâche importante dont il vous a honorés. Il s'agit de sa voir quels sont les actes qui ont besoin de sanction, et si le roi peut refuser de sanctionner les décrets provoqués par des dangers imminens. D'après la constitution, le roi a le droit de suspendre les actes du corpslégislatif; mais les décrets urgens, les décrets de circonstance, tels que ceux que vous avez rendus contre les rebelles émigrés et contre les prêtres factieux, n'ont pas besoin de sa sanction. Qu'il la refuse aux lois contraires à l'intérêt général, à la bonne heure; dans ce cas le roi est le surveillant du corps-législatif, comme le corps-législatif est le surveillant du pouvoir exécutif. En vain m'objectera-t-on que cette distinction n'existe pas dans la constitution; en vain m'opposera-t-on que l'assemblée législative ne peut être juge dans les cas où la loi permet le veto d'une manière

(1) Le 9 décembre, les membres du directoire, signataires de la pétition, adressèrent la lettre suivante au Moniteur: «Nous avons vu, Monsieur, dans le Journal de Paris, et dans plusieurs autres journaux, un faux intitulé qu'il est de notre devoir de vous engager à rectifier. Il y est dit: Pétition du directoire du département de Paris. Il n'y a point de pétition du directoire; il n'y a point là d'acte du directoire ; il n'y a point d'acte du département. La pétition est individuelle; elle est seulement l'expression de l'opinion des personnes qui l'ont signée. Nous vous prions d'insérer la présente déclaration dans votre prochain numéro. (Note des auteurs.)

indéterminée; je dis qu'alors il faut consulter la nation entière, et je conclus à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français, expositive de ce qu'a fait l'assemblée nationale pour réprimer les rebelles émigrés et les prêtres factieux, et de ce qu'a fait le pouvoir exécutif pour arrêter l'effet de cette loi....

Plusieurs voix: Monsieur le président, rappelez l'opinant à l'ordre; il s'écarte de la constitution.

D'autres : Qu'il soit entendu jusqu'à la fin.

M. le président. Je vais consulter l'assemblée. (Plusieurs membres Non, non.)

:

M. Delcher. Je conclus donc à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français qui décidera en souverain, et alors l'assemblée nationale prononcera ultérieurement ce qu'il appartiendra. (Les tribunes applaudissent.)

N.... C'est prêcher l'insurrection.

Un grand nombre de membres. L'ordre du jour.

N.... Je demande qu'on accorde la parole aux défenseurs de la constitution.

Plusieurs voix réclament, au milieu de l'agitation, l'ordre du jour. L'assemblée passe à l'ordre du jour. (On applaudit.)

M. le président. On a fait la proposition que N.... fùt rappelé à l'ordre. (Non, non.)

L'assemblée passe de nouveau à l'ordre du jour.]

Les deux veto consécutifs n'excitèrent ni attroupemens, ni émeutes, ni discussions animées dans l'enceinte des clubs. La polémique des journaux en fut à peine un instant remuée. Il était évident que la verve révolutionnaire avait perdu de son énergie. Depuis que les hommes les plus ardens de l'opposition étaient devenus législateurs à leur tour, le drame s'agitait maintenant dans le cercle parlementaire. Les scènes orageuses, les débats violens, s'étaient déplaces comme les acteurs. Aussi, nulle part on ne rencontrait autant de passion, autant de luttes, autant de vivacité politique, que dans l'assemblée législative.

Les clubs en général, et la société des Jacobins en particulier, se présentent maintenant, sinon avec le caractère de l'indifférence, du moins avec celui du calme et de la régularité. On y expose plutôt qu'on n'y discute; on suit les travaux législatifs, mais on se borne à émettre des opinions et des projets, que la contradiction ne fait plus se produire sous les formes si nettes et si dramatiques de l'attaque et de la défense. L'obstacle né de la révolution elle-même, le parti des Feuillans, contre lequel ont été livrés les derniers combats est toujours le principal ennemi. Mais cet ennemi n'est plus ni dans la tribune nationale, ni dans un club, ni sur la place publique on le saisit à peine dans quelque article de journal. Fort de la constitution qu'il a faite, le parti feuillant borne aujourd'hui son entremise à d'obscures intrigues ministérielles, à une diplomatie secrète avec la cour, actes conduits avec assez d'art pour ne donner prise qu'à des soupçons vagues, qu'à des inculpations sans fondement. Lorsqu'il essayera de rouvrir son club, nous verrons se renouveler des querelles analogues à celles qu'occasionna le club monarchique. Pendant le trimestre actuel, les seules manifestations ont été quelques articles sur la liberté religieuse, publiés dans le Moniteur, et la pétition du directoire du département, citée plus haut.

Ce n'est donc pas sur la ligne révolutionnaire proprement dite, que les Feuillans et les Jacobins se heurtent maintenant. Leur champ de bataille est circonscrit au terrain des élections municipales.

Quant aux Jacobins eux-mêmes, leurs séances ne reprendront vie et mouvement qu'avec la question de la guerre, alors que deux partis naîtront au sein de ce club, et se diviseront de plus en plus jusqu'au 31 mai 1793.

Il nous est donc impossible de recueillir, sur les refus de sanction, une opinion autre que celle de la presse. Voici les extraits qui nous ont paru les plus propres à la faire connaître : Du lundi 14 novembre. Enfin la cour vient de lever le masque, en opposant le veto du pouvoir exécutif à la loi contre

T. XII.

16

les émigrés conspirateurs et leurs coupables chefs. L'assemblée nationale, fidèle à ses devoirs et à la constitution, qui lui ordonnent de veiller au salut du peuple et à la sûreté de l'empire, convaincue, par les preuves les plus positives, que les frères et les cousins du roi sont sur nos frontières à la tête d'une horde nombreuse armée contre la patrie, a cru qu'il était temps enfin de faire parler la loi, c'est-à-dire la volonté générale contre les conspirateurs.

› Les conspirateurs de la cour ont senti que le décret contre les émigrans plaçait le pouvoir exécutif dans une position difficile, en le forçant de rompre cet étrange silence et cette neutralité perfidè, qu'il garde depuis si long-temps sur les manœuvres et les complots des ennemis de la constitution. Ils ont dit: Si le roi sanctionne le décret contre les émigrans, ils se disperseront. Les princes et les chefs de la conspiration, qui disent à nos adhérens et à la foule obscure de nos complices que leroi est d'intelligence avec eux, et qu'il n'attend que le moment de se déclarer ouvertement, recevront un démenti formel. Les prêtres non-assermentés qui dans tout l'empire prêchent pour nous la contre-révolution au nom de Dieu et du roi, seront déconcertés, et déserteront nos drapeaux. Le peuple ne voudra plus les écouter; le découragement gaguera tous nos partisans, qui verront dans cette sanction une preuve de la sincérité du roi dans son acceptation de l'acte constitutionnel. H faut donc empêcher cette sanction. Tel est le langage des conspirateurs de la cour.

[ocr errors]

> Il y a tout lieu de croire, et la sûreté publique l'exige, que l'assemblée nationale va porter incessamment un décret d'accusation contre les princes français et leurs complices, rassemblés à Worms et à Coblentz. Ce décret n'a pas besoin de sanction; et la haute-cour nationale, qui ne peut tarder à être rassemblée, jugera ensuite si les conspirateurs d'outre-Rhin, et ceux de l'intérieur, doivent rester impunis, et si les séditieux et les contrerévolutionnaires peuvent agir audacieusement et sans frein à l'ombre du veto royal. › (Annales parriotiques, no DCCLXXIII.) Toutes les rues de Paris sont tapissées d'une proclama

[ocr errors]
« PreviousContinue »