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avez développé un caractère digne des représentans de 25 millions d'hommes. Quelle idée vont avoir de vous les puissances étrangères !... Si vous avez su résister au torrent d'une opinion factice, appuyés par le sentiment unanime de la nation, à qui ne résisterez-vous pas? Je demande qu'afin de prévenir les sourdes menées, il soit rédigé, séance tenante, et expédié sur-le-champ, une adresse à tous les Français ; que la municipalité de Paris soit mandée à la barre, et qu'il lui soit enjoint de veiller, mieux qu'elle n'a fait jusqu'à présent, à la tranquillité publique. (On applaudit.) Il est bien extraordinaire que la municipalité, les tribunaux aient souffert sous leurs yeux la violation de vos lois. Il est bien extraordinaire que, contre vos décrets, on affiche, jusqu'à la porte de votre enceinte, des pétitions collectives, que l'on souffre au milieu des places publiques, des motions tendantes à exciter le désordre. Je ne parle point des injures personnelles faites aux députés; nous savions bien, en venant ici, que nous étions exposés à toutes les menées des ennemis de la constitution. Nous avons su que nous sacrifiions notre vie, et ce n'est pas là ce que nous regrettons. Mais nous voulons et nous obtiendrons la tranquillité publique. (On applaudit à plusieurs reprises dans toutes les parties de la salle.)

Je demande donc que les six accusateurs publics soient mandés à la barre, et chargés de faire informer contre les perturbateurs du repos public; que la municipalité soit rendue responsable des événemens; que les ministres soient mandés pour presser l'exécution de vos ordres, et rendus responsables aussi de la négligence des accusateurs publics. L'assemblée montrera en ce moment le même courage contre les ennemis de la révolution en sens contraire, qu'elle a montré contre les valets du despotisme.

M. Legrand. Ce n'est pas par des idées métaphysiques qu'on égare le peuple, mais en lui exposant des faits faux. La liberté de la presse..... (Il s'élève des murmures.) On connaîtrait mal mes intentions, si l'on supposait que je veux gêner la liberté des opinions; je dis seulement qu'il faut se prémunir contre les

moyens qu'on emploie. J'ai entendu hier dans un groupe, que le motif principal de l'agitation était fondé sur ce que vous aviez été contre le vœu de soixante-treize départemens. On lisait ce fait dans l'Orateur du peuple. Tout le monde sait qu'il n'a été lu aucune adresse des départemens.

M. Fréteau. Il est onze heures; nous ne sommes encore ici qu'un petit nombre de membres, lorsque nous devrions y être tous. Puisqu'il s'agit de maintenir la liberté de nos délibérations, je demande que lorsque l'assemblée sera complète, M. le président répète à ceux qui ne sont pas encore à leur poste qu'ils doivent à tous les fonctionnaires publics l'exemple de la ponctualité au service. (On applaudit.)

M. Bory. Si dans cette circonstance quelque député s'était rendu coupable, c'est sur lui que principalement le glaive de la loi doit s'appesantir. J'ai appris qu'hier, au sortir de la séance, dans une société présidée par un de vos membres, on avait fait la motion de ne plus reconnaître le roi, et qu'elle avait été adoptée. On m'a dit aussi que ceux des membres de l'assemblée qui y étaient alors n'avaient pas voulu prendre part à la délibération. Je demande qu'ils déclarent les faits. (On s'agite dans toutes les parties de la salle.)

M. Prieur s'élance à la tribune. (On entend plusieurs voix : Le voilà, le président des Jacobins!) (1)

M. Dandré. Défendons-nous de toute espèce de chaleur et d'exagération le véritable courage est calme et tranquille. Si des membres de l'assemblée avaient eu le malheur de se laisser aller à des démarches contre les lois, ce serait aux tribunaux à informer contre eux, et à vous rendre ensuite compte de l'information; mais la motion est hors de l'ordre du jour, et je demande qu'on s'en tienne à mes propositions. Je les ai rédigées; je vais vous en donner lecture.

(1) Prieur n'était point alors président des Jacobins; le 30 juin Bouche l'avait remplacé. Ce dernier n'assista pas à la séance du 15 ainsi que nous l'avons dit. Laclos présida à sa place jusqu'à ce que les députés fussent arrivés; Antoine prit alors le fauteuil. (Note des auteurs.)

L'assemblée nationale décrète que la municipalité sera mandée à la barre pour lui enjoindre de seconder le zèle de la garde nationale. (Je parle ici de la garde nationale, parce qu'elle a développé une sagesse modérée digne des plus grands éloges.) Hier les hommes dont je vous ai déjà parlé, après avoir fait fermer plusieurs spectacles, se sont aussi portés à l'Opéra pour le même objet. Les combinaisons de la garde ont été si sages, qu'elle est parvenue à repousser les séditieux.

M. Chabroud. Sans doute on ne peut rendre trop d'éloges au zèle de la garde nationale; mais je ne sais pas pourquoi on ferait des reproches à la municipalité: je ne crois pas qu'elle les ait mérités. Et si cela était, l'assemblée devrait l'exprimer franchement, et non pas lui dire de seconder le zèle de la garde nationale.

M. Dandré. J'adopte les observations de M. Chabroud.

M. Vadier. J'ai développé une opinion contraire à l'avis des comités, avec toute la liberté qui doit appartenir à un représentant de la nation. Cependant je déclare que je déteste le système républicain, et que, comme bon citoyen, j'exposerai ma vie pour défendre les décrets. (On applaudit à plusieurs reprises.)

M. Goupil. Hier, à l'issue de la séance, M. le maire et deux officiers municipaux étaient en écharpe à la porte de la salle pour maintenir l'ordre. Cette démarche paraît engager à ne pas faire de reproches à la municipalité.

M. Emmery, Hier on a arrêté dans les groupes un étranger (1) qui distribuait de l'argent, et la municipalité l'a fait relâcher, Un officier municipal est monté sur le théâtre de la rue Feydeau, et a dit qu'il valait mieux désemparer que d'attendre le peuple. N..... Pourquoi la municipalité ne fait-elle pas exécuter les décrets rendus sur la police correctionnelle?

(1) C'est pour la première fois que dans cette affaire le mot étranger se trouve accolé à celui de factieux. On verra plus bas l'usage que l'assemblée, et, à son exemple, les autorités constituées, firent de ce mot, et combien il fut peu justifié. Il s'agit ici de Virchaux qui ne fut pas arrêté pour avoir distribué de l'argent. Le discours de Bailly à la barre roule justement sur cet objet (Note des auteurs.)

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. La responsabilité doit toujours monter, et non pas descendre. Ainsi je demande que le département de Paris soit aussi mandé à la barre, comme étant chargé de surveiller la municipalité.

L'assemblée adopte à l'unanimité le décret suivant:

«L'assemblée nationale décrète qu'il sera rédigé, séance tenante, une adresse aux Français, pour leur exposer les principes qui ont dicté le décret rendu hier, et les motifs qu'ont tous les amis de la constitution de se réunir autour des principes constitutionnels, et que cette adresse sera envoyée par des courriers extraordinaires;

2° Que le département et la municipalité de Paris seront mandés pour qu'il leur soit enjoint de donner des ordres pour veiller avec soin à la tranquillité publique ;

› 3o Que les accusateurs publics de la ville de Paris seront mandés, et qu'il leur sera enjoint, sous leur responsabilité, de faire informer sur-le-champ contre tous les infracteurs aux lois et les perturbateurs du repos public;

4o Que les ministres seront appelés pour leur ordonner de faire observer exactement, et sous peine de responsabilité, le présent décret. »

M. le président. Je nomme pour rédiger l'adresse MM. Chabroud, Fréteau, Chapelier et Dandré.

M. Boussion. Je demande que la municipalité soit aussi chargée de surveiller les étrangers.

M. Emmery. Nous savons que des étrangers suscitent le trouble dans Paris et y répandent de l'argent. Nos décrets sur la police correctionnelle pourraient arrêter ces abus; ils ne sont pas publiés on pourrait les lui communiquer, comme renfermant les moyens de ramener la tranquillité,

M. Fréteau. Il existe aussi des sociétés dites fraternelles, mais qui, certes, ne le sont pas pour la France. C'est là que se rendent des agioteurs, des banqueroutiers, pour y provoquer des motions incendiaires, et répandre des calomnies contre ce qu'il y

M. le président annonce que les commissaires rédacteurs de l'adresse ne pourront apporter leur travail qu'à la séance de ce soir, et que les accusateurs publics et ministres qui n'ont pas encore pu se réunir, se présenteront à la même séance.

M. le président. J'ai été chargé d'avertir l'assemblée, quand elle serait complète, que beaucoup de ses membres se rendent trop tard à ses séances. Les circonstances actuelles leur font un devoir de se trouver régulièrement à l'assemblée à neuf heures du matin.]

SÉANCE DU SOIR.

[On fait lecture du procès-verbal de la séance du vendredi matin.

M. Lebois-Daiguier. Je ne vois pas qu'il soit question dans le procès-verbal d'une disposition adoptée sauf rédaction, et qui est relative au cas où le roi conspirerait contre l'État.

Plusieurs personnes observent que cette disposition n'a point été décrétée.

M. Babey. Il y a un grand nombre d'autres cas de déchéance à prévoir : je demande que les comités présentent, sur ce sujet une loi complète.

La proposition de M. Babey est renvoyée aux comités.

Les ministres sont présens. -M. le président leur adresse la parole,

M. le président. L'assemblée a desiré que vous parussiez devant elle pour qu'elle vous recommandat à tous d'employer tous les moyens que la constitution vous a confiés pour l'exécution des lois et le maintien de l'ordre public. Elle m'a chargé surtout de donner lecture à M. le ministre de la justice, du décret qu'elle a rendu ce matin à ce sujet.

MM. Grégoire, Robespierre, Prieur et moi, pour être leurs organes auprès de
l'assemblée, et négocier leur entrée à la barre. M. Robespierre et moi sorti-
mes de la salle pour écouter ces commissaires, et nous leur dîmes que cette
pétition était inutile, que le décret venait d'être porté à l'instant. Ils nous
demandèrent un mot pour constater qu'ils avaient rempli leur mission;
nous écrivimes une lettre qui respire l'amour de l'ordre, de la paix, et qui,
je le crois, a empêché bien des malheurs. Voilà la scule communication que
j'aie eue avec le peuple; et je puis dire qu'elle a été digne de lui et de moi.
(Note des auteurs.)

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