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invariablement votre ligne: vous avez montré que vous aviez le couragé de détruire les abus de la puissance : vous avez montré que vous aviez tout ce qu'il faut pour mettre à la place de sages et d'heureuses institutions: prouvez aujourd'hui que vous avez la force, que vous avez la sagesse de les protéger et de les maintenir. La nation vient de donner une grande preuve de force et de courage; elle a solennellement mis au jour, et par un mouvement spontané, tout ce qu'elle pouvait opposer aux événemens dont on la menaçait: continuons les mêmes précautions; que nos limites, nos frontières soient puissamment défendues. Mais au moment où nous manifestons notre puissance, prouvons aussi notre modération; présentons la paix au monde inquiet des événemens qui se passent au milieu de nous; présentons une occasion de triomphe, une vive satisfaction à tous ceux qui, dans les pays étrangers, ont pris intérêt aux événemens de notre patrie, et qui nous disent de toutes parts: vous avez été courageux; vous êtes puissans; soyez aujourd'hui sages et modérés; c'est là que sera le terme de votre gloire! C'est ainsi que vous aurez prouvé dans des circonstances diverses, vous saviez employer et des talens, et des moyens, et des vertus diverses !

que

C'est alors que, vous retirant dans vos foyers, après avoir vigoureusement établi l'action du gouvernement, après avoir énergiquement prononcé que vous voulez que la France présente un asile paisible pour tous ceux qui voudront obéir aux lois; après avoir donné le mouvement à vos institutions (et cela est possible dans un temps prochain, car je ne suis pas disposé à éloigner l'instant de notre séparation); après avoir mis en vigueur tout ce qui fait agir le gouvernement, vous vous retirerez dans vos foyers; vous aurez obtenu par votre courage la satisfaction et l'amour des plus ardens amis de la révolution et de la liberté, et vous obtiendrez de la part de tous, par de nouveaux bienfaits, des bénédictions, ou du moins le silence de la calomnie! J'adopte les propositions de M. Salles, et je conclus à l'admission du projet des comités. (Applaudissemens.)]

La proposition des comités fut décrétée en ces termes :

. L'assemblée nationale, après avoir entendu ses comités militaire et diplomatique, de constitution, de révision, de jurisprudence criminelle, des recherches et des rapports; attendu qu'il résulte des pièces dont le rapport lui a été fait, que le sieur Bouillé, général de l'armée française sur la Meuse, la Sarre et la Moselle, a conçu le projet de renverser la constitution; qu'à cet effet, il a cherché à se faire un parti dans le royaume, sollicité et exécuté des ordres non-contresignés, attiré le roi et sa famille dans une ville de son commandement, disposé des détachemens sur son passage, fait marcher des troupes vers Montmédy, préparé un camp près cette ville, tenté de corrompre les soldats, les a engagés à la désertion pour se réunir à lui, sollicité les puissances voisines à une invasion sur le territoire français, décrète :

> 1° Qu'il y a lieu à accusation contre ledit sieur Bouillé, ses complices et adhérens, et que son procès lui sera fait et parfait devant la haute-cour nationale provisoire séant à Orléans; qu'à cet effet, les pièces qui ont été adressées à l'assemblée seront envoyées à l'officier faisant auprès de ce tribunal les fonctions d'accusateur public;

› 2° Qu'attendu qu'il résulte également des pièces dont le rapport a été fait, que les sieurs Heymann, Kinglin et Offlyse, maréchaux-de-camp employés dans la même armée; Desoteux, adjudant-général; Goglas, aide-de-camp; Bouillé fils, major d'hussards; Choiseul-Stainville, colonel du 1er régiment de dragons; le sieur Mandell, lieutenant-colonel du régiment ci-devant Royal-Allemand; le comte de Fersen, ci-devant colonel, propriétaire du régiment Royal-Suédois; les sieurs Valory, Maldan et Dumoutier, ci-devant gardes-du-corps, sont prévenus d'avoir eu connaissance du complot dudit sieur Bouillé, et d'avoir agi dans la vue de le favoriser, il y a lieu à accusation contre eux, et que leur procès leur sera fait et parfait devant ladite cour d'Orléans, devant laquelle seront renvoyées toutes les informations ordonnées et commencées pour ledit complot, soit devant le tribunal du premier arrondissement de Paris, soit par-devant tous

autres tribunaux, pour être suivies par ladite cour provisoire;

3° Que les particuliers dénommés dans les articles 1 et 2 du présent décret, contre lesquels il y a lieu à accusation, qui sont ou seront arrêtés par la suite, seront conduits sous bonne et sûre garde dans les prisons d'Orléans;

4° Que les sieurs Damas, colonel du 13° régiment de dragons; Remi et Floriac, officiers au même corps; les sieurs Andoins et Lacour, l'un capitaine, l'autre lieutenant au 1" régiment de dragons; Marassin et Thalot, l'un capitaine, l'autre lieutenant au régiment ci-devant Royal-Allemand; Vallecourt, commissaireordonnateur des guerres, et Sthondy, sous-lieutenant au régiment de Castella, suisse, et la dame Tourzel, gouvernante des enfans de France, demeureront dans le même état d'arrestation où ils se trouvent, jusqu'à ce qu'il en soit ultérieurement statué par l'assemblée;

5° Que le sieur Bridges, écuyer du roi, et les dames Brunier et Neuville, femmes de chambre de M. le dauphin et de Madame Royale, seront mis en liberté. ›

JOURNÉE DU 17 JUILLET 1791.

Nous allons réunir les pièces de plus d'un procès fameux. La journée du 17 juillet sera désormais le grief irrémissible qui conduira à la proscription la Fayette et son parti, qui motivera contre Bailly une sentence de mort. Le rôle de Danton lui-même dans ce triste événement, figurera un jour au nombre des crimes pour lesquels il sera traduit au tribunal révolutionnaire. Le 31 mars 1794, Saint-Just l'apostropha ainsi : « Mirabeau qui méditait un changement de dynastie, sentit le prix de ton audace; il te saisit. Tu t'écartas dès-lors des principes sévères, et l'on n'entendit plus parler de toi jusqu'au massacre du Champde-Mars. Alors tu appuyas aux Jacobins la motion de Laclos, qui fut un prétexte funeste, et payé par les ennemis du peuple, pour déployer le drapeau rouge et essayer la tyrannie. Les pa triotes qui n'étaient pas initiés dans ce complot avaient combattu inutilement ton opinion sanguinaire. Tu fus nommé rédacteur

STIE

avec Brissot, de la pétition du Champ-de-Mars, et vous échappâtes à la fureur de la Fayette qui fit massacrer deux mille patriotes, Brissot erra depuis paisiblement dans Paris, et toi tu fus couler d'heureux jours à Arcis-sur-Aube, si toutefois celui qui conspirait contre sa patrie pouvait être heureux, Le calme de ta retraite à Arcis-sur-Aube se conçoit-il, toi, l'un des auteurs de la pétition, tandis que ceux qui l'avaient signée avaient été les uns chargés de fer, les autres massacrés? Brissot et toi vous étiez donc des objets de reconnaissance pour la tyrannie, puisque vous n'étiez point pour elle des objets de haine et de terreur.,

Cette accusation pèche sur quatre points : 1° Depuis la nomination de Danton au directoire du département jusqu'au 17 juillet, il n'y a pas de lacune dans sa vie révolutionnaire. Le 18 avril, dernière émeute générale antérieure au 20 juin, il est l'un des plus ardens à s'opposer au départ du roi pour Saint-Cloud. Nous avons vu une note écrite et signée de sa main, dans laquelle il accuse Bailly et la Fayette d'avoir plusieurs fois repété l'ordre de protéger par la force armée ce voyage de Louis XVI. 2o La motion de Laclos aux Jacobins, le 15 juillet, n'avait pas pour objet une pétition que l'on dût signer en place publique. Il proposait une adresse que chaque société signerait, non comme société, mais comme rassemblement de tous les bous citoyens. Il avait calculé le mode qu'il indiquait, de manière à éluder complétement la loi sur les pétitions. Ce fut cette motion que Danton appuya. On la discuta long-temps, et on allait la mettre aux voix lorsque les quatre mille personnes venues du Palais-Royal, la firent changer en celle d'une pétition qu'on porterait le 16 au Champde-Mars à la signature du peuple. 5° La pétition, préparée par les commissaires Danton, Brissot, etc., et rédigée par ce dernier, ne fut pas celle que le peuple signa le 17, au Champ-deMars. 4° Enfin, deux mille patriotes ne furent point massacrés, s'il faut entendre par ce mot qu'ils y perdirent la vie. Le rapport officiel de la municipalité évaluerait à douze le nombre des morts, et au même chiffre celui des blessés. Prudhomme dit là-dessus : Nous croyons avec tous ceux qui étaient sur le champ du mas

sacre, que le nombre des morts est à peu près de cinquante; et qui sait ce que la cavalerie en a sabré dans la campagne? » (Révolutions de Paris, n° CVI.) - Dans ce paragraphe du rapport de Saint-Just, un seul chef d'accusation, au prix duquel, d'ailleurs, les circonstances historiques que nous avons redressées ne sont rien, reste dans toute sa force. La fuite de Danton est inexcusable. Ses amis ont eu beau alléguer plus tard qu'il avait été averti de bonne heure des projets de vigueur concertés entre les autorités, des mauvaises intentions qu'on avait contre lui personnellement, et contre quelques-uns de ses affidés. Devait-il céder au sentiment de sa propre sécurité dès la matinée du 17, et aller dîner à la campagne, avec Desmoulins, Legendre, Fréron, etc.? Si ces hommes, convaincus qu'il y avait danger pour eux, à aller signer une pétition provoquée par toute leur conduite depuis le 20 juin, eussent rempli leurs moindres obligations en cette journée fatale, ils auraient accouru au milieu du peuple réuni au Champ-de-Mars; là ils auraient clairement énoncé les bonnes raisons qui leur avaient commandé à euxmêmes le parti de la prudence, et l'alarme jetée par des meneurs revêtus de la confiance populaire eût épargné bien des malheurs.

Ce que nous affirmons ici ressortira pleinement de l'histoire du 17 juillet, telle que de nombreuses et difficiles recherches nous ont mis en possession de la produire. L'usage que les contemporains ont fait de certaines pièces, l'incomplet des détails dans toutes les narrations, soit officielles, soit individuelles, exigeaient un travail d'ensemble qui coordonnât, en les suivant de leur principe à leur terme, des actes qui se confondirent, pour les témoins de l'époque, dans le bruit de la même explosion.

Le récit de Prudhomme (n° CVI) est certainement le plus exact de tous ceux que les journalistes donnèrent. Celui de Desmoulins, que nous citerons en entier parce qu'il est explicatif et systématique, parce qu'il renferme sa démission de journaliste (1),

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́(1) M. Deschiens', dans sa bibliographie, dit que les Révolutions de France et de Brabant ont eu 104 numéros, 8 volumes. Il y a là une erreur de 18 numéros qui n'ont jamais existé. Ce journal se compose de 86 numéros.

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