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séduits, entraînés par l'exemple de leurs collègues, qui nous restent invariablement unis, ces amis de la constitution se séparent long-temps d'une société qui se glorifie d'avoir été son berceau, d'avoir été constamment son boulevard, qui persévère et persévérera toujours dans les mêmes principes. Non, nos frères ne croiront pas qu'une société qui a donné des preuves aussi frappantes de son patriotisme, les efface en un moment, et déchire son propre ouvrage. Nous vous conjurons donc, au nom de la patrie, de ne point précipiter votre décision sur ce schisme, d'attendre les lumières que l'avenir vous fournira, de comparer notre conduite, nos principes avec ceux de nos adversaires; nous vous conjurons de continuer une correspondance si nécessaire dans un temps où nos divisions peuvent relever les espérances des ennemis de la chose publique. Son salut tient à la réunion de tous, à la constitution. Que ce mot nous serve de ralliement; il ne peut nous égarer. Nous avons juré de mourir fidèles à cette constitution; vous avez prété le même serment. Des frères qui n'ont que le même objet ne peuvent long-temps rester désunis. ›

Adresse de la société des Amis de la constitution, séante aux Feuillans, aux sociétés qui lui sont affiliées.

Frères et amis, une circonstance importante, dont nous avons jugé nécessaire de vous informer sur-le-champ, nous a obligés de prendre hier (16 juillet) l'arrêté dont vous trouverez ci-joint copie. Son objet principal est de ramener la société des Amis de la constitution de Paris à sa formation originaire et pris mitive; de lui assurer les avantages que les députés ses fonda teurs avaient eu en vue en la formant; de conserver à cette institution la destination utile de préparer les travaux de l'as semblée nationale; de s'y borner à discuter les questions, sans rien arrêter par les suffrages; de propager les lumières, de servir de centre commun aux opinions constitutionnelles ; enfin de donner dans la capitale l'exemple, si glorieusement imité depuis dans toutes les parties de l'empire, de la plus entière

liberté d'opinion lors de la discussion des projets de loi, mais du plus profond, du plus inaltérable respect pour les lois faites.

› Ces principes ont été religieusement observés aux Jacobins, jusqu'au moment où, étant devenue extrêmement nombreuse par l'admission de personnes étrangères, même à l'empire, cédant à des influences exagérées, elle a combattu ouvertement les principes constitutionnels, s'est portée à des actes en opposition directe avec des décrets rendus, et s'est, par là, entièrement écartée de l'esprit de son institution..

› Dans ces circonstances pénibles, sans doute, les députés de l'assemblée nationale fondateurs de cette société, n'écoutant que leur devoir, et fidèles au titre d'amis de la constitution, n'ont cru avoir d'autre parti à prendre que de se réunir aux Feuillans, auprès de l'assemblée nationale, et de s'y rassembler sous la présidence du même député qui avait obtenu les suffrages dans la société des Amis de la constitution, séante aux Jacobins.

Ils ont conservé pour secrétaires et pour membres du comité de correspondance, ceux de leurs collègues qui l'étaient aussi dans la société des Jacobins, et les ont chargés de continuer avec les sociétés des Amis de la constitution affiliées, les relations fraternelles et intimes qui ont existé jusqu'à ce moment, et dont l'interruption, ne fût-elle que momentanée, serait, dans les circonstances actuelles, tout à la fois contraire au vœu des vrais amis de la constitution, et nuisible à la chose publique.

› Nous espérons, frères et amis, que cette communication franche de nos démarches, de nos sentimens, que cette déclaration authentique de notre dévoûment inaltérable pour une constitution que vous avez si utilement servie, établira entre nous des relations plus intimes que jamais, que nous nous ferons un devoir d'entretenir, et qui nous assurera de nos droits à votre estime.

Signé, BOUCHE, présid.; SALLE, F.-P.-N. ANTOINE, secrétaires. >P. S. Vous voudrez bien nous adresser vos lettres à la société des Amis de la constitution, séante aux Feuillans, rue SaintHonoré. ›

L'arrêté dont il est parlé dans cette lettre portait qu'il serait fait un scrutin préparatoire pour écarter de la société les étrangers connus pour ne pas professer sa doctrine. Les courriers extraordinaires dépêchés par Delessart pour l'envoi dans les provinces des décrets des 15 et 16 juillet, distribuèrent aussi l'adresse des Feuillans. Plusieurs sociétés des départemens en instruisirent les Jacobins, notamment celle de Tulle. Elle dit qu'étonnée de cette alliance et soupçonnant au ministre le projet de surprendre les affiliations, non-seulement elle restera unie aux Jacobins, mais qu'elle vient d'écrire à plusieurs sociétés du voisinage, afin de les avertir de ce piége. (Journal des débats des Jacobins, n° XXXIII.) Nous trouvons dans le n° 34 du même journal une raison qui nous explique pourquoi les Feuillans recurent pendant le mois de juillet plus de lettres que les Jacobins. Au commencement de la séance (29 juillet), le secrétaire s'était plaint que l'on interceptait la correspondance: il n'avait reçu la veille que cinq à six lettres. M. Hyon émit des doutes semblables, et les justifia ainsi : « La plupart de vos paquets partent sous le couvert de l'assemblée nationale; comme vous n'avez pas beaucoup d'amis de ce côté, il en résulte que vraisemblablement il n'y a pas une grande exactitude: d'ailleurs les sociétés affiliées ont arrêté de ne pas recevoir de lettres non affranchies. Souvent des sociétés nous écrivent sous le couvert de l'assemblée nationale; et ces lettres ne parviennent pas exactement, surtout depuis qu'un membre des Feuillans a prescrit à la poste de remettre aux Feuillans les lettres adressées aux Feuillans, et aux Jacobins celles adressées aux Jacobins ; mais de remettre aux Feuillans, comme à la société-mère, toutes celles adressées simplement aux amis de la constitution, sans désignation de local. >

Ces explications données, nous passons aux sociétés de province. Nous prendrons dans le Journal des débats le nom de celles qui n'ont écrit qu'aux Jacobins.

Séance aux Feuillans; correspondance jusqu'au 31 juillet.

Pour la prompte cessation du schisme et la réunion :

Artonne: Au nom de la patrie, nous vous invitons à retourner

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avec vos frères. › Versailles : « Nous avons appris avec autant de tristesse que d'inquiétude le schisme funeste qui vous a divisés, Les causes de ce grand malheur nous sont presque inconnues. Le remède à un si grand mal ne peut être que dans la réunion prochaine, Note de Feydel, La société de Versailles reprocha elle-même, il y a plusieurs mois, à la société de Paris, la légèreté avec laquelle celle-ci admettait les personnes qui lui étaient présentées. Elle lui proposa même un moyen de se garantir de toute surprise à cet égard. Ce moyen fut adopté d'abord par une délibération, et rejeté par la pratique. Voilà la véritable cause du malheur dont se plaint la société de Versailles, Melun; le Havre Est résolu d'épuiser, avant toute détermination, les moyens de conciliation, en proposant un scrutin épuratoire, Note de Feydel. Cette manière de régénérer la société a été proposée pendant huit à dix mois à la tribune des Jacobins par plusieurs membres, mais toujours en vain. Non-seulement on s'opposait à un scrutin épuratoire, mais encore on admettait trèslégèrement jusqu'à cinquante et quatre-vingts présentés à la fois, sous prétexte que la société avait besoin d'argent. Il a donc paru indispensable aux fondateurs de prendre enfin une mesure vigoureuse pour parvenir à une régénération. Ils se sont transportés aux Feuillans, et admettent parmi eux les Jacobins de la vieille roche qui se présentent. La partie qui est restée dans l'ancien local s'occupe maintenant d'un scrutin épuratoire. Les uns disent qu'elle conserve l'ivraie; les autres, qu'elle conserve le bon grain, C'est au temps à décider cette question. Au reste, ce sont moins les fourbes que les ignorans qui ont réduit les Jacobins au déplorable état où ils étaient depuis quelques mois. » Poitiers; Aire; Villeneuve-le-Roi; Rennes; Bernay; Beaune; Noyon; Beaugency; Riom; Semur; Louviers; Alençon; Verneuil; Dijon; Valence; Lorient; Saint-Sever; Vatan; Montauban; Huningue; Givry; Chartres; Orléans; Maubeuge; Autun; Saint-Malo; Troyes; Courtenay; Bordeaux; Angers; Bléré; Grenoble; Saint-Étienne; Beauvais; Sèvres; Faouet; Château-Renard; Argentan; Bergerac; VilleFranche (Rhône-et-Loire); Tournus; Saint-Denis; Bayeux; Nantes;

Beffort; Chinon; Port-Louis; Besançon; Mer; Pont-de-Vaux; Meyssac; Mugron; Montpellier; Romans; Saint-Servan; Charolles; Ornans; Guingamp; Turenne; Annonay; Saint-Brieux; SaintGengoux-le-National; Condrieux: C'est avec autant d'étonnement que de douleur que nous avons appris la séparation, pour ne pas dire la division qui a eu lieu dans la société des Amis de la constitution. Instruits de ce malheur pour la chose publique, ne soyez pas surpris que nous mêlions nos vœux à ceux de tous les bons patriotes, pour vous revoir au milieu de nos frères des Jacobins. C'est dans un moment où nous sommes persécutés au dedans, et près de l'être au dehors, qu'il faut lier plus fortement que jamais le faisceau déjà trop relâché des patriotes et du patriotisme. Puissions-nous apprendre bientôt que vous ne faites comme auparavant, qu'une même société, et que vous vous occupez tous à prouver votre civisme, en décidant l'assemblée à faire nommer tout de suite les nouveaux représentans, et a donner à la nouvelle législature les droits d'une convention, afin qu'elle puisse examiner et changer tous les décrets qui sont blåmés par l'opinion publique. >

Note de Feydel. Puisque l'occasion s'en présente déja, puisque la société de Condrieux met elle-même le doigt sur le mal qui nous menace, en le désignant comme un bien; puisque cette société a la bonne foi de demander dès à présent que la législature prochaine soit constituante, nous allons indiquer hautement à la société de Condrieux la cause première des divisions qui agitent la société de Paris.

› A peine l'assemblée nationale eut-elle posé quelques-uns des fondemens de notre constitution, que les aristocrates, les courtisans, les ministres, les ministériels, les évêques, firent des efforts inconcevables pour répandre dans le public que cette assemblée ne décrétait rien que l'assemblée qui la remplacerait ne pût annuler; que toutes les assemblées nationales auraient des droits égaux; que celle-ci ne devait ni ne pouvait gêner les opinions de l'assemblée qui viendrait après elle; et ainsi de suite.

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