Page images
PDF
EPUB

>Ils ont rapporté que les deux meurtres commis avaient été accompagnés de circonstances atroces, qu'on avait mutilé ces malheureux, qu'on leur avait tranché la tête, et qu'on se disposait à les porter au bout d'une pique dans Paris, et spécialement au Palais-Royal, lorsque la garde nationale est arrivée : que la garde avait été insultée, et qu'un de ses principaux officiers avait couru du danger. Que l'autel de la patrie était couvert de personnes de l'un et l'autre sexe, attroupées pour présenter, à ce qu'elles ont dit, une pétition contre le décret du 13 juillet. Qu'eux, commissaires, ont fait diverses représentations, mais comme elles insistaient, il a été convenu qu'une députation de douze personnes les accompagnerait à la maison commune. Cet incident a donné lieu à une nouvelle délibération, et le corps municipal considé rant que tous les différens rapprochemens annonçaient une conjuration contre la patrie, que des étrangers récemment arrivés dans la capitale y fomentaient des mouvemens; que les officiers municipaux, étant responsables, ne pouvaient pas différer la proclamation de la loi martiale, dont le but était d'arrêter les soulèvemens, et d'assurer la liberté des délibérations de l'assemblée nationale a arrêté que sa précédente délibération serait exécutée.

>Il était six heures, et le corps municipal se préparait à entendre les pétitionnaires, lorsqu'il a appris qu'ils s'étaient retirés, sans doute, pour apprendre aux personnes attroupées que la loi martiale venait d'être publiée (1). Le corps municipal s'est

(1) Selon Prudhomme, les commissaires ne disparurent pas sans remplir leur mission. Voici les détails qu'il dit tenir de l'un d'eux : « Nous parvenons, dit-il, à la salle d'audience à travers une forêt de baionnettes; les trois municipaux nous avertissent d'attendre; ils entrent, et nous ne les revoyons plus. Le corps municipal sort. Nous sommes compromis, dit un des membres; il faut agir sévèrement. Un d'entre nous, chevalier de Saint-Louis (1), annonce au maire que l'objet de notre mission était de réclamer plusieurs citoyens honnêtes, pour qui les trois officiers municipaux avaient promis de s'intéresser. Le maire répond qu'il n'entre pas dans ces promesses, et qu'il va marcher au champ de la fédération pour y mettre la paix. Le chevalier de Saint-Louis veut répondre que tout y est calme; il est interrompu par un

(1) Le chevalier de la Rivière, l'un des signataires de la pétition.

(Note des auteurs).

mis en marche, précédé d'un détachement de cavalerie, de trois pièces de canon, du drapeau rouge, et suivi d'un détachement nombreux de gardes nationales. Il était 7 heures et demie lorsque le corps municipal est arrivé au champ de la fédération. Son intention était de se porter d'abord à l'autel de la patrie (1); mais à peine entrait-il, que des particuliers placés autour des glacis, ont crié : A bas le drapeau rouge! à bas les baïonnettes! Cependant le corps municipal poursuivait sa marche, lorsque les attroupés ont jeté des pierres, et qu'un d'eux a tiré un coup de feu, dirigé sur les officiers municipaux (2); la garde nationale a

municipal qui lui demande d'un ton de mépris quelle était la croix qu'il portait, et de quel ordre était le ruban qui l'attachait (c'était le ruban tricolore). C'est une croix de Saint-Louis, répond le chevalier, que j'ai décorée da ruban national; je suis prêt à vous la remettre, si vous voulez la porter au pouvoir exécutif pour savoir si je l'ai bien gagnée. M. le maire dit à son collègue qu'il connaissait ce chevalier de Saint-Louis pour un honnête citoyen, et qu'il le priait, ainsi que les autres, de se retirer. Sur ces entrefaites, le capitaine de la troupe du centre du bataillon de Bonne-Nouvelle vint dire que le Champ-de-Mars n'était rempli que de brigands. Un de nous lui dit qu'il en imposait. Là-dessus la municipalité ne voulut plus nous entendre. Descendus de l'Hôtel-de-Ville, nous aperçûmes à une des fenêtres le drapeau rouge, et ce signal du massacre, qui devait inspirer un sentiment de douleur à ceux qui allaient marcher à sa suite, produisit un effet tout contraire sur l'âme des gardes nationaux qui couvraient la place. A l'aspect du drapeau, ils ont poussé des cris de joie, en élevant en l'air leurs armes qu'ils ont ensuite chargées. Nous avons vu un officier municipal en écharpe aller de rang en rang, et parler à l'oreille des officiers. Glacés d'horreur, nous sommes retournés au champ de la fédération avertir nos frères de tout ce dont nous avions été les témoins. Sans croire qu'ils en impo

saient, ajoute Prudhomme, on pensa qu'ils étaient dans l'erreur sur la destination de la force de la loi, et l'on conclut qu'il n'était pas possible que l'on vint disperser des citoyens qui exerçaient paisiblement les droits qui leur sont réservés par la constitution. » (Révolutions de Paris, no CVI, p. 64.)

(Note des auteurs.)

(1) Il y a de plus dans le procès-verbal : « qui était couvert de personnes des deux sexes. » (Note des auteurs.)

(2) Ce coup de feu était « un coup de pistolet dirigé contre la municipalité, et dont la balle, après avoir passé devant M. le maire, a été percer la cuisse d'un dragon de la troupe de ligne qui s'était réuni à la garde nationale. » (Procès-verbal manuscrit.) Il paraît que les jours d'émeute, des hommes de bonne volonté venaient prendre rang dans la garde nationale pour concourir à la répression. Le fait de ce dragon fut commun, le 17 juillet, à un grand nombre d'individus. Carra s'en plaint amèrement dans les Annales patriotiques du 20. Il est important, dit-il, que dans les occasions critiques, aucun bataillon n'admette ces auxiliaires qui viennent se présenter tout à coup, sous prétexte de renforcer la garde nationale. » Plusieurs hommes, furieux contre la révolution, s'empressaient de la châtier toutes les fois

fait aussitôt une première décharge en l'air, et beaucoup des attroupés se sont dissipés. Mais bientôt, se réunissant sur la partie du glacis située du coté du Gros-Caillou, ils ont recommencé leurs cris et lancé des pierres. Alors la garde nationale a usé du droit qui lui est attribué par l'article VII de votre décret, atteudu que les violences exercées ont rendu impossibles les sommations des officiers municipaux (1).

>On a évalué le nombre des morts à onze ou douze, et celui des blessés à dix ou douze. Plusieurs officiers et soldats de la garde nationale ont été frappés de coups de pierre. Un d'eux a été renversé de dessus son cheval, et quelques-uns ont été victimes des séditieux; deux chasseurs volontaires ont été assassinés; l'un revenantseul, et l'autre étant à son poste; un canonnier a été massacré à coups de couteau. Quelques séditieux ont été arrêtés et conduits à la Force. A dix heures du soir, le corps municipal était de retour à la maison commune, et il est allé sur-le-champ rendre compte au département.>

M. le président. L'assemblée nationale a appris avec douleur

qu'ils le pouvaient impunément. On doit se rappeler la pétition des maîtres perruquiers de Paris à l'assemblée nationale. Eh bien! un contemporain digne de toute confiance nous a affirmé avoir vu, le 17 juillet au soir, une troupe nombreuse de maîtres perruquiers courant au Champ-de-Mars, armés en guerre par-dessus leur costume du métier, si remarquable alors. » (Note des auteurs.)

(1) La minute du procès-verbal ne renferme, pas plus que l'analyse du Moniteur, des détails sur l'attaque de l'autel. Or, Prudhomme expose ainsi ce qui suivit l'échauffourée des glacis : « On connaît le champ de la fédération; on sait que c'est une plaine iminense, que l'autel de la patrie est au milieu, que les glacis qui entourent la plaine sont coupés de distance en distance, pour faciliter des passages. Une partie de la troupe entre par l'extrémité du côté de l'École-Militaire, une autre par le passage qui se trouve un peu plus bas, un troisième par celui qui répond à la grande rue de Chaillol: c'est là qu'était le drapeau rouge. A peine ceux qui étaient à l'autel, et il y en avait encore plus de 15 mille, l'eurent-ils aperçu, que l'on entend une decharge: Ne bougeons pas, on tire en blanc ; il faut qu'on vienne ici publier la loi. Les troupes s'avancent; elles font feu pour la deuxième fois : la contenance de ceux qui entouraient l'autel est la même. Hélas ! ils y ont payé cher leur courage et leur aveugle coufiance en la loi. Des hommes, des femmes, un enfant, y ont été massacrés, massacrés sur l'autel de la patric! Ah! si désormais nous avons encore des fédérations, il faudra choisir un autre lieu; celui-ci est profané. » (Révolutions de Paris, no CVI, p. 65.) (Note des auteurs.)

que les ennemis du bonheur et de la liberté de la France avaient forcé les dépositaires de la force publique à substituer aux mesures de douceur la sévérité. L'assemblée nationale approuve votre conduite; elle voit avec une grande satisfaction que les gardes nationales, soldats de la liberté, soutiens de la loi, ont continué à justifier la haute estime que leur avait déjà méritée leur zèle infatigable. L'assemblée ne vous invite point à assister à sa séance; elle sait combien il est nécessaire que vous retourniez à vos fonctions.

M. Barnave. Comme je pense que la réponse de M. le président a été l'expression du vœu de l'assemblée, je demande qu'elle reçoive la plus grande publicité. Le courage, la fidélité de la garde nationale, sont d'autant plus estimables, que depuis les troubles on tente de la séduire. Elle doit obtenir de l'assemblée l'approbation la plus éclatante. Il est temps enfin que la loi exerce un pouvoir absolu; il est temps que l'on sache que le caractère de l'homme libre est dans le culte de la religion de la loi. Le moment est venu où des hommes, après avoir été longtemps le tourment de leur patrie, doivent enfin être voués au mépris universel; le moment est venu où ceux qui, dans les circonstances, n'auraient cherché que des vengeances individuelles, doivent devenir les victimes de la loi, qui mettra à découvert leurs infâmes menécs. Je demande donc que la réponse de M. le président soit imprimée et affichée dans toutes les rues ; que les tribunaux poursuivent les auteurs des mouvemens et les chefs des émeutes. Dans des momens plus calmes, lorsque les événemens seront mieux connus, nous nous occuperons du sort des familles de ceux qui sont morts à leur poste avec l'habit de la loi. Nous leur dirons que la nation adopte leurs enfans, et que leurs veuves lui appartiennent par la reconnaissance.

L'assemblée ordonne à l'unanimité l'impression et l'affiche du discours de son président.

Le corps municipal se retire.

M. Legrand. M'est-il permis de reprocher en ce moment, au commandant de la garde nationale, son action généreuse? Sa

valeur lui a fait oublier ses devoirs. Un délit a été commis contre sa personne: ce n'est point à lui qu'il appartenait d'absoudre. Je demande que l'assemblée décrète que le coupable sera poursuivi.

M. Treilhard. Nous admirons tous l'action du commandant de la garde nationale; et si la loi pouvait avoir des égards, ce serait un motif de plus pour poursuivre le coupable.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. La mesure que l'on propose à l'assemblée est hors de sa compétence : c'est aux tribunaux à poursuivre les délits.

L'assemblée charge les tribunaux de faire arrêter et de poursuivre celui qui a voulu attenter aux jours de M. la Fayette. L'assemblée décide que le comité des rapports est identifié avec celui des recherches.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. Vous avez ordonné à vos comités de constitution et de jurisprudence d'examiner le projet de décret que je vous ai soumis dans la séance d'hier contre ceux qui provoquent les attentats et la résistance à la loi. Voici les articles qu'ils m'ont chargé de vous présenter:

L'assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de constitution et de jurisprudence criminelle, décrète :

Art. 1er. Toutes personnes qui auront provoqué le meurtre, l'incendie, le pillage, ou la désobéissance à la loi, soit par des placards, des affiches, soit par des écrits publics et colportés, soit par des discours tenus dans les lieux ou assemblées publics, seront regardées comme séditieux et perturbateurs; et en conséquence, les officiers de police sont tenus de les faire arrêter sur-le-champ, et de les remettre aux tribunaux pour être punis suivant la loi.

II. Tout homme qui, dans un attroupement ou émeute, aura fait entendre un cri de provocation au meurtre, sera puni de trois ans de la chaîne si le meurtre ne s'est pas commis, et comme complice du crime s'il a cu lieu. Tout citoyen présent est tenu de s'employer ou de prêter main-forte pour l'arrêter.

III. Tout cri contre la garde nationale ou la force publique en

« PreviousContinue »