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PRÉFACE DE L'ÉDITEUR.

EN FRANCE, plus que partout ailleurs, chacun se montrant jaloux d'exercer ses droits civils et politiques, la science des lois est devenue un besoin général. Autrefois, les magistrats et les membres du barreau étaient seuls initiés aux règles de la jurisprudence; aujourd'hui, tous les citoyens veulent apprendre les lois, les consulter afin de se juger eux-mêmes, et de connaître toute l'étendue de leurs droits et de leurs devoirs.

Pour bien comprendre la législation actuelle, il est nécessaire de remonter à sa source. C'est dans les lois romaines que nous avons puisé nos codes, c'est là aussi qu'il faut chercher les principes qui doivent éclairer notre inexpérience, ou dissiper nos doutes.

Mais si l'on consulte les recueils de Justinien, on voit qu'ils étaient principalement faits pour conserver le dépôt des lois et des règles, et que l'ordre naturel qui doit les lier entre elles n'a pas été le but qu'on s'y est proposé.

L'utilité des livres du droit romain, et les difficultés de bien apprendre la science des lois dans ces livres, tels sont les motifs qui ont engagé Domat à mettre les lois civiles en leur ordre naturel, dans l'espérance d'en rendre l'étude plus facile, plus utile et plus agréable.

Près de deux siècles se sont écoulés depuis que ce savant jurisconsulte a doté la France de ses travaux, et il est encore le guide le plus sûr qu'on puisse rencontrer dans la vaste carrière du droit.

<< Personne n'ignore, disait-il, quel est en toutes choses l'usage de l'ordre, et que si dans les choses mêmes qui ne sont que l'objet des sens, le juste assemblage des parties qui forment un tout est nécessaire pour les mettre en vue, l'ordre est bien plus nécessaire pour faire entrer dans l'esprit le détail infini des vérités qui com

posent une science. Car, c'est leur nature, qu'elles aient entre elles des rapports et des liaisons, qui font qu'elles n'entrent dans l'esprit que les unes par les autres; que quelques-unes qui doivent s'entendre par elles-mêmes, et qui sont les sources des autres, doivent les précéder; et que les autres doivent suivre, selon qu'elles dépendent de ces premières, et qu'elles sont liées entre elles, et qu'ainsi l'esprit devant se conduire des unes aux autres, doit les voir en ordre; et c'est de cet ordre qui fait l'arrangement des définitions, des principes et du détail, d'où il est facile de juger combien il y a de différence entre la manière de voir le détail des vérités qui composent une science mise en confusion, et la vue de ce même détail rangé dans son ordre; puisqu'on peut dire qu'il n'y en a pas moins qu'entre la vue d'un tas confus de matériaux destinés pour un édifice, et la vue de l'édifice élevé dans sa symétrie.

« Le dessein qu'on s'est proposé dans ce livre est donc de mettre les lois civiles dans leur ordre naturel; de distinguer les matières du droit, et les assembler selon le rang qu'elles ont dans le corps qu'elles composent naturellement; diviser chaque matière selon ses parties; et arranger en chaque partie le détail de ses définitions, de ses principes et de ses règles, n'avançant rien qui ne soit ou clair par soi-même, ou précédé de tout ce qui peut étre nécessaire pour le faire entendre. Ainsi, ce n'est pas un abrégé qu'on s'est proposé de faire, ou de simples institutions; mais on a tâché d'y comprendre tout le détail des matières dont on doit traiter.

. On s'est proposé deux premiers effets de cet ordre, la briéveté par le retranchement de l'inutile et du superflu, et la clarté par le simple effet de l'arrangement. Et on a espéré que, par cette briéveté et cette clarté, il serait facile d'apprendre les lois solidement, et en peu de temps, et que même l'étude en devenant facile serait agréable. Comme la vérité est l'objet naturel de l'homme, c'est la vue de la vérité qui fait son plaisir; et ce plaisir est plus grand à proportion que les vérités sont naturelles à notre raison, et qu'elle les voit dans leur jour sans peine. »

Voilà le dessein de son livre, ce n'est pas un abrégé, c'est un cours complet de droit. Tout y est bref par le retranchement de l'inutile et du superflu, tout y est clair et précis par le simple effet de l'arrangement.

J'emprunterai encore ici les paroles de l'auteur pour expliquer comment il a cité sur chaque article les textes des lois.

« Il est facile de juger, dit-il, par les remarques qui ont été faites sur la manière dont les lois sont recueillies dans le droit romain, qu'il n'a pas été possible de citer sur chaque article un texte unique qui y répondît, et qu'il a été nécessaire en plusieurs endroits d'assembler divers textes pour former le sens d'une règle ; comme au contraire on a été obligé en d'autres de donner à la règle plus d'étendue que n'en a le texte, pour le faire entendre. Mais on n'a pas laissé de garder partout une exacte fidélité, pour ne détourner aucun texte hors de son sens, et pour ne rien avancer sans autorité; parce qu'encore que les règles qu'on a tirées des textes des lois portent le caractère de la vérité par l'équité naturelle qui en est l'esprit, il est nécessaire de les affermir par l'autorité de ces textes des lois du droit romain, qui ajoute à leur certitude, que l'esprit se met en repos, voyant déja la vérité par luimême, et s'assurant encore que son jugement est soutenu de celui de tant de personnes habiles qui ont été les auteurs de ces lois, et de l'approbation universelle qu'elles ont depuis tant de siècles. »

Mais cette autorité sur laquelle s'appuyait Domat ne suffit plus aujourd'hui. Les notables changemens apportés par la législation nouvelle ont introduit dans les œuvres de notre illustre auteur une lacune que personne peut-être n'eût osé remplir, si le plan n'eût été tracé d'avance.

A l'exemple de Domat, j'ai retranché le superflu pour placer le nécessaire. L'esprit sera encore en repos par l'autorité du droit romain qu'il pourra vérifier à son gré. Les retranchemens que j'ai faits, sont les abrégés des articles qui se trouvent à la tête de chaque section des anciennes éditions, de même que la législation nouvelle et la jurisprudence du royaume me dispensent aujourd'hui de rapporter des fragmens des textes du droit romain, à la fin de la plupart des articles.

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Ainsi, je me suis contenté dans les notes de renvoyer à la loi romaine avec l'indication nécessaire, sans faire précéder ce renvoi du texte même de la loi.

Cette abréviation m'a permis de faire aux œuvres de Domat une addition importante: à la suite de chaque question traitée par l'auteur, j'ai placé l'indication des articles de nos codes, ainsi

que toutes les dispositions législatives et réglementaires qui s'y rapportent, de manière qu'on trouvera à la suite du texte de l'ancien droit, la corrélation ou conférence de toutes les dispositions du droit nouveau qui s'y rattachent. En sorte que, par les applications que j'ai faites, on reconnaîtra facilement la liaison et l'explication mutuelle que se donnent les deux législations.

Ce travail est accompagné d'un autre dont l'utilité est incontestable, je veux parler de la citation des lois, arrêtés, sénatusconsultes, décrets, ordonnances du Roi, avis du conseil d'état, décision des ministres, et des arrêts rendus sur chaque matière depuis la promulgation des codes.

Les divers éditeurs de Domat n'avaient point encore fait payer par la nouvelle magistrature ce tribut de reconnaissance à la mémoire de l'illustre auteur des lois civiles; et cependant personne ne méritait plus un tel honneur qué celui qui, après avoir fait les beaux jours de l'ancien barreau, est encore la plus ferme autorité du barreau moderne.

Enfin, de tous les anciens et modernes jurisconsultes, Domat est celui dont l'ouvrage s'est acquis le plus de célébrité, et par la profonde sagesse qui règne dans son plan, et par la supériorité de la méthode neuve et ingénieuse avec laquelle il développe tout le système de la législation civile des divers peuples qui ont eu des institutions.

Ainsi, l'étude du droit romain est aussi indispensable que celle de la législation actuelle; cependant les modernes s'occupent presque exclusivement du droit nouveau, et négligent l'ancien, soit qu'ils y trouvent plus d'embarras pour l'expliquer, soit qu'ils le regardent comme moins utile. Mais les lois civiles de Domat ont été la base de nos codes, il était donc nécessaire d'aplanir les difficultés qui séparaient les deux législations; c'est ce que j'ai essayé de faire, en les mettant continuellement en présence et en montrant leurs différences et leurs rapports. Pour démontrer la nécessité de connaître l'une et l'autre, j'ai dû chercher, recueillir et classer sous les articles des lois civiles et du droit public de Domat, toutes les dispositions législatives et réglementaires qui nous gouvernent aujourd'hui, concurremment avec les lois et réglemens anciens, qui ne sont plus en vigueur, mais qui sont encore consultés avec fruit.

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