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dre de ces engagemens natnrels, il a été nécessaire qu'il y eût une autre sorte de puissance d'une autorité plus générale et plus. étendue; et comme la nature qui distingue le mari de la femme, et les parens des enfans, ne distingue pas de même les autres hommes, mais les rend égaux* (1). Dieu en distingue quelques-uns pour leur donner une autre sorte de puissance, dont le ministère s'étend à l'ordre universel de toutes les espèces d'engagemens, et à tout ce qui regarde la société; et il donne différemment cette puissance dans les royaumes, dans les républiques et dans les autres états, aux rois, aux princes, et aux autres personnes qu'il y élève (2) par la naissance, par des élections, et par les autres manières dont il ordonne ou permet que ceux qu'il destine à ce rang y soient appelés. Car c'est toujours la conduite toute-puissante de Dieu qui dispose de cette suite et de cet enchaînement d'événemens qui précèdent l'élévation de ceux qu'il appelle au gouvernement. Ainsi, c'est toujours lui qui les y place; c'est de lui seul qu'ils tiennent tout ce qu'ils ont de puissance et d'autorité; et c'est le ministère de sa justice qui leur est commis (3); et comme c'est Dieu même qu'ils représentent dans le rang qui les élève au-dessus des autres, il veut qu'ils soient considérés comme tenant sa place dans leurs fonctions; et c'est par cette raison qu'il appelle lui-même des dieux ceux à qui il communique ce droit de gouverner les hommes et de les juger, parce que c'est un droit qui n'est naturel qu'à lui (4).

« Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs « leurs titres et leurs rangs (5). »

C'est pour l'exercice de cette puissance que Dieu met dans les mains de ceux qui tiennent la première place du gouvernement, l'autorité souveraine, et les divers droits nécessaires pour maintenir l'ordre de la société suivant les lois qu'il y a établies (6).

La personne du roi est inviolable et sacrée, ses ministres sont responsables. Au roi seul appartient la puissance exécutive (7).

C'est pour cet ordre qu'il leur donne le droit de faire des lois (8), et les réglemens nécessaires pour le bien public, selon les temps et les lieux; et la puissance d'imposer des peines aux crimes (9). La puissance législative s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs et la chambre des députés des départemens (10).

C'est pour ce même ordre qu'il leur donne le droit de communiquer et partager à diverses personnes l'exercice de cette autorité, qu'ils ne peuvent seuls exercer dans tout le détail, et qu'ils ont le pouvoir d'établir les différentes sortes de magistrats, de

(1) L. 32, ff. de reg. jur. 3. (2) Eccles. 17, 14. (3) Sap. 6, 4. Rom. 13, 1. Joan. 19. 11. Rom. 13, 4. Exod. 18, 15, 2. Paral. 29, 6. (4) Exod. 22, 28. Psalm. 82, 6. Joan. 10, 35. Exod. 22, 8. (5) Charte, art. 1. (6) Sap. 6, 5. Deuter. 17, 19. (7) Charte, art. 13. (8) Prov. 8, 15. (9) Rom. 13, 4. (10) Charte, art. 15.

juges et d'officiers nécessaires pour l'administration de la justice, et pour toutes les autres fonctions publiques (1).

Toute justice émane du roi. Elle s'administre en son nom par des juges qu'il nomme et qu'il institue (2). Les juges nommés par le roi sont inamovibles (3).

C'est pour ce même ordre qu'afin de soutenir au-dedans les pensées de l'état, et de le défendre au-dehors contre les entreprises des étrangers, les souverains ont le droit de lever les tributs nécessaires selon les besoins (4).

Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a été consenti par les deux chambres et sanctionné par le roi (5).

C'est pour affermir tous ces usages de l'autorité des puissances temporelles, que Dieu commande à tous les hommes d'y être soumis. (C. civ. 3, i. 5, s.) [6].

8. On doit enfin regarder la religion comme le fondement le plus naturel de l'ordre de la société. Car c'est l'esprit de la religion qui est le principe du véritable ordre où elle devait être. Mais il y a cette différence entre la religion et tous les autres fondemens de la société, qu'au lieu que les autres sont connus partout, la vraie religion n'est connue et reçue qu'en quelques états; et dans ceux mêmes où elle est connue, son esprit n'y règne pas de sorte que tous en suivent les règles. Mais il est vrai que, dans les lieux où l'on professe la véritable religion, la société est dans l'état le plus naturel et le plus propre pour être maintenue dans le bon ordre, par le concours de la religion et de la police, et par l'union du ministère des puissances spirituelle et temporelle.

Comme c'est donc dans l'esprit de la religion, qui est le principe de l'ordre, que devrait être la société, et qu'elle doit subsister par l'union de la religion et de la police, il est important de considérer comment la religion et la police s'accordent entre elles, et comment elles se distinguent pour former cet ordre, et quel est le ministère des puissances spirituelle et temporelle; et parce que cette matière fait une partie essentielle du plan de la société, et qui a beaucoup de rapport aux lois civiles, elle fera le sujet du chapitre suivant.

CHAPITRE X.

De la religion et de la police, et du ministère des puissances spirituelles et temporelles.

1. On ne peut douter que la religion et la police n'aient leur

(1) Exod. 18, 21, 22, 25. (2) Charte, art. 57. (3) Charte, art. 58. (4) Matth. 22, 21. Rom. 13, 6, 7. (5) Charte, art. 48. (6) Rom. 13, 1, 1. Petr. 2, 13. Lit. 3, 1.

fondement commun dans l'ordre de Dieu; car un prophète nous apprend que c'est lui qui est notre juge, notre législateur et notre roi, et que c'est aussi lui qui sauvera les hommes (1). Ainsi, c'est lui qui, dans l'ordre spirituel de la religion, établit le ministère des puissances ecclésiastiques (2). Ainsi, c'est lui qui, dans l'ordre temporel de la police fait régner les rois (3), et donne aux souverains tout ce qu'ils ont de puissance et d'autorité. D'où il s'ensuit que la religion et la police n'ayant que ce même principe commun de l'ordre divin, elles doivent s'accorder et même se soutenir mutuellement, et de telle sorte que les particuliers puissent obéir exactement et fidèlement à l'un et à l'autre; et que ceux qui sont dans le ministère de l'un ou de l'autre, puissent l'exercer dans l'esprit et les règles qui les concilient; et aussi est-il vrai que la religion et la bonne police sont toujours unies.

2, 3. On sait que l'esprit de la religion est de ramener les hommes à Dieu par la lumière des vérités qu'elle enseigne, et de les tirer des égaremens de l'amour-propre, pour les unir dans l'exercice des deux premières lois; et qu'ainsi l'essentiel de la religion regarde principalement l'intérieur de l'esprit et du cœur de l'homme, dont les bonnes dispositions devraient être le principe de l'ordre extérieur de la société. Mais, comme tous les hommes` n'ont pas cet esprit de la religion, et que plusieurs se portent même à troubler cet ordre extérieur, l'esprit de la police est de maintenir la tranquillité publique entre tous les hommes (4), et de les contenir dans cet ordre indépendamment de leurs dispositions dans l'intérieur, en employant même la force et les peines selon le besoin (p. 91, s. ), et c'est pour ces deux différens usages de la religion et de la police, que Dieu a établi dans l'un et dans l'autre des puissances dont il a proportionné le ministère à leur esprit et à leurs fins.

Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection (5).

Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'état (6).

4. Ainsi, comme la religion ne tend qu'à former les bonnes dispositions dans l'intérieur, Dieu donne aux puissances qui en exercent le ministère une autorité spirituelle, qui ne tend qu'à régler l'esprit et le cœur, et à insinuer l'amour de la justice, sans l'usage d'aucune force temporelle sur l'extérieur (7). Mais le ministère des puissances temporelles de la police, qui ne tend qu'à régler l'ordre extérieur, s'exerce avec la force nécessaire pour réprimer ceux qui, n'aimant pas la justice, se portent à des excès qui troublent cet ordre (8).

Ainsi, les puissances spirituelles instruisent, exhortent, lient (1) Is. 33, 22. (2) Joan. 20, 23. Matth. 10, 16, 1. Cor. 4, 1. (3) Prov. 2 Cor., 2, 23. 15. (4) Timoth. 2, 2. (5) Charte, art. 5. (6) Charte, art. 6. Voy. la déclaration du clergé du 19 mars 1682. (7) 1. Timoth. 4, 2. (8) Rom. 13, 4.

et délient dans l'intérieur, et exercent les autres fonctions propres à ce ministère; et les puissances temporelles commandent et dé fendent dans l'extérieur, maintiennent chacun dans ses droits, dépossèdent les usurpateurs (p. 258, s. 381 ), châtient les coupables, et punissent les crimes par l'usage des peines et des supplices proportionnés à ce que demande le repos public.

Ainsi, les puissances spirituelles de la religion, dont l'esprit demande que les plus méchans vivent pour devenir bons, n'ont pas d'autres voies pour unir les hommes, que d'imposer des peines propres à les ramener dans les devoirs qu'ils ont violés ; et les puissances temporelles qui doivent pourvoir au repos public, ordonnent les peines nécessaires pour le maintenir, et punissent même du dernier supplice ceux qui troublent l'ordre d'une manière qui mérite ce châtiment. (Cod. civ. 23, s. p. 12, s. )

Le Roi a le droit de faire grace, et celui de commuer les peines (1). 5. Mais ces différences entre l'esprit de la religion et l'esprit de la police, et entre le ministère des puissances spirituelles et celui des puissances temporelles, n'ont rien de contraire à leur union; et les mêmes puissances spirituelles et temporelles, qui sont distinguées dans leur ministère, sont unies dans leur fin commune de maintenir l'ordre, et elles s'y entr'aident réciproquement. Car c'est une loi de la religion et un devoir de ceux qui en exercent le ministère, d'inspirer et de commander à chacun l'obéissance aux puissances temporelles (p. 209, s.), non-seulement par un sentiment de crainte de leur autorité, et des peines qu'elles imposent, mais par un devoir essentiel et par un sentiment de conscience (2) et d'amour de l'ordre; et c'est une loi de la police temporelle et un devoir de ceux qui en exercent le ministère, de maintenir l'exercice de la religion, et d'employer même l'autorité temporelle et la force contre ceux qui en troublent l'ordre. Ainsi, ces deux ministères s'accordent et se soutiennent mutuellement; et, lors même que l'esprit du ministère spirituel paraît demander quelque chose de contraire à celui de la police temporelle, comme lorsque les ministres de la puissance spirituelle demandent la vie des plus criminels, qu'eux ne condamnent qu'à des pénitences, que la police condamne à la mort; ce même esprit du ministère spirituel de la religion, qui veut que les princes et les juges fassent leur devoir, ne les oblige pas à l'usage de cette clémence; et les juges temporels condamnent justement au dernier supplice ceux que les juges ecclésiastiques ne condamnent qu'à la prison, à des jeûnes et à d'autres œuvres de pénitence.

Seront punis d'une amende de 16 à 300 fr., et d'un emprisonnement de six jours à trois mois, ceux qui, par des troubles ou désordres commis, même à l'extérieur d'un édifice consacré à l'exercice de la religion de l'état, auront retardé, interrompu ou empêché les cérémonies de la religion. (Loi du Sacrilége, 20 avril 1825; art. 13.)

(1) Charte, art. 67. (2) Rom. 13, 1, 2. Rom. 13, 5, 1. Petr. 2, 13. Sap. 6, 4.

6. C'est à cause de ces différences entre l'esprit de la religion et celui de la police, que Dieu en a séparé les ministères, afin que l'esprit de la religion qui règle l'intérieur, et qui doit s'insinuer dans les cœurs des hommes par l'amour de la justice et par le mépris des biens temporels, fût inspiré par d'autres ministres que les puissances temporelles qui sont armées de la terreur des peines et des supplices pour maintenir l'ordre extérieur, et dont le ministère regarde principalement l'usage des biens temporels ; et il a été si essentiel à l'ordre de ces deux ministères qu'ils fussent distingués, et que la puissance spirituelle fût séparée de la temporelle, qu'encore qu'elles soient naturellement unies à Dieu, quand il s'est rendu visible pour établir son règne spirituel il s'est abstenu de l'exercice de sa puissance sur le temporel; et tout ce qu'il a mis en usage de sa grandeur et de sa puissance a été tout opposé à la grandeur et à la puissance qui convenaient au règne temporel. Car, en même temps qu'il a fait éclater la grandeur divine de ce règne spirituel par la lumière des vérités de sa doctrine (1), par la gloire de ses miracles (2), et par tout cet appareil des circonstances de sa venue qu'il avait fait prédire par ses prophètes, et qui devaient accompagner le règne d'un prince de paix (3) qui venait donner aux hommes d'autres biens que ceux qui les divisent (4), il n'a pris aucune des marques de la puissance temporelle, il n'en a fait aucune fonction, et il a même refusé de se rendre juge entre deux frères, dont l'un l'en priait (5); et pour marquer que l'usage de la puissance temporelle devait être séparé de son règne spirituel, il laissa cette puissance aux princes, et il voulut même leur obéir. Ainsi, dans sa naissance, il fit dépendre la circonstance du lieu où il devait naître de son obéissance à une loi d'un prince infidèle (6). Ainsi, pendant sa vie il apprit à rendre aux princes ce qui leur est dû, et il paya même le tribut, quoiqu'il ne le dût point, par la raison qu'il en dit dans le même temps qu'il fit un miracle pour avoir de quoi le payer (7); et dans le temps de sa mort, il apprit à celui qui exerçait la puissance temporelle, et qui en abusait si injustement, qu'il n'aurait pas eu cette puissance si elle ne lui eût été donnée de Dieu (8); et il lui marqua aussi la distinction entre son règne spirituel et l'empire temporel des princes (9).

Il est vrai que dans une occasion il a donné une marque visible de son empire sur le temporel (10), et d'un empire plus absolu que celui qu'il confie aux princes, en faisant un miracle qui causa quelque perte aux habitans du lieu où il le fit. Mais ce miracle même, qui faisait bien voir sa toute-puissance sur le temporel, servait de preuves qu'il ne s'abstenait de tout autre usage de cette puissance que pour marquer la distinction entre le règne spiri

(1) Joan. 6, 12. Isa. 49, 6. (2) Luc. 13, 17. (3) Is. 9. 6. (4) Hebr. 9, 11. (5) Luc. 12, 13. (6) Luc. 2, 1. (7) Matth. 17, 23. (8) Joan. 19, 11. (9) Joan. 18, 36. (10) Matth. 8, 28. Marc. 5. Luc. 8, 32.

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