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INTRODUCTION.

L'agriculture est le premier des arts; sans agriculture point de société possible, à moins de condamner les hommes à l'existence incomplète de ces tribus nomades n'ayant que des tentes pour abri, et réduites à vivre de la chair de leurs troupeaux, ou du produit de leur chasse et de leur pêche.

On peut mesurer le degré de civilisation auquel un peuple est parvenu, d'après la prospérité de son agriculture; c'est un thermomètre infaillible. Aussi les sociétés qui n'ont pas approfondi leurs racines dans le sol, qui ont dédaigné de manier la bêche et le hoyau du labou-, reur, ont pu devoir au commerce maritime un éclat passager, comme Carthage, par exemple; mais elles n'ont rien fondé pour l'avenir; et dès le commencement de la lutte engagée, entre les Romains et cette république de marchands, il était facile de prévoir de quel côté se rangerait la victoire.

C'est

que l'agriculture identifie l'homme au sol qui le nourrit; pour le laboureur, la patrie n'est pas un vain mot, une abstraction; elle devient une réalité ; il mourra avec joie en la défendant; car il combat pour ses foyers,

pour le tombeau de ses pères, pour le berceau de ses jeunes enfants. Des mœurs plus pures, une constitution plus robuste, les travaux qui l'enveloppent de toutes parts, l'éloignent de ces plaisirs factices ou frivoles, presque toujours dangereux, que les villes vendent à leurs habitants au prix de la paix du cœur, de la santé du

corps.

L'homme des champs est plus rapproché de Dieu. Les merveilles de la nature, le retour mesuré des saisons, les bienfaits d'une terre infatigable, les touchantes cérémonies de la religion qui, par la prière, détourne les fléaux et appelle la fécondité, tout se réunit pour faire de la campagne un sanctuaire immense où le travail dispose à la foi, à la vertu, au patriotisme.

Malgré les voiles de l'idolâtrie qui les enveloppaient, tous les peuples antiques prétendaient tenir de révélations surnaturelles les procédés qui forcent la terre à répondre aux vœux du laboureur. Les Égyptiens attribuaient à Osiris l'invention de l'agriculture; les Grecs en faisaient honneur à Cérès et à Triptolème; les habitants du Latium, à Saturne et à Janus.

Les tribus d'Israël offraient au Dieu vivant les prémices des moissons et les fruits de la terre; et dans la nouvelle loi, la protection constante de l'Éternel plane sur tous les travaux de la campagne. Ainsi, religion, morale, bien-être, prospérité, tout contribue à faire de l'agriculture la sécurité du présent, l'espoir de l'avenir.

Là se trouvent en effet, pour les nations et pour les familles, les meilleures garanties d'ordre, de bonheur, de repos et de durée. Le commerce et l'industrie ne peuvent

exister que par le développement de l'agriculture, qui fournit les produits que le commerce exporte, la matière première dont l'industrie décuple la valeur, en lui faisant subir dans ses manufactures mille transformations diverses.

L'agriculture ne se borne donc pas au labourage, au pâturage, au jardinage, à l'horticulture, aux soins que réclament les vignes, les arbres, les arbustes, etc.; elle comprend encore le vaste cercle de l'économie rurale proprement dite, où rentrent l'écurie, l'étable, la bergerie, la laiterie, la porcherie, la basse-cour, le chenil, les garennes, les ruches, les volières, le colombier, la magnanerie avec tous les hôtes qui les peuplent.

Ces hôtes, si bien appelés animaux domestiques, constants auxiliaires du cultivateur auquel ils donnent leurs services, leurs produits, leurs engrais, leur dépouille, ces animaux domestiques, par leur nombre, leur beauté, leurs mérites, représentent la prospérité de l'agriculture, comme celle-ci marque le degré de civilisation auquel un peuple est parvenu.

Lorsque l'Angleterre a voulu asseoir sur des bases solides et durables l'édifice de sa fortune, qu'a-t-elle fait? Elle a commencé par multiplier en les améliorant, en les rénovant, ses divers animaux domestiques. A tous les pays du globe, elle a demandé des reproducteurs, elle a croisé les races, obtenu des variétés, créé des tribus nouvelles, fabriqué des types exceptionnels qu'elle a su rendre constants. Aussitôt son territoire a changé de face, il s'est couvert d'abondantes moissons, toutes les productions du sol ont subi une véritable révolution ;

plaines, montagnes, vallons, tout a été conquis à la culture; un royaume entier est devenu une vaste ferme ex

périmentale qui n'a eu pour limites que les vagues de l'Océan. Alors, l'Angleterre a pu devenir manufacturière et commerciale, alors son pavillon a flotté sur toutes les mers, et ses produits ont inondé tous les marchés du globe.

C'est la voie dans laquelle il faut entrer avec courage, avec persévérance pour atteindre au même but, pour obtenir le même triomphe: triomphe qui ne coûte à l'humanité pas une seule larme, pas une goutte de sang. Voilà ce qui m'a inspiré la première idée du Livre des Campagnes sur les animaux domestiques, livre où m'occupe spécialement des besoins, des intérêts, des ressources de la Belgique, mais dont les principes trouveront à s'appliquer chez tous les peuples civilisés, dans tous les climats; car la vérité est une; et j'ai toujours basé mon travail sur l'observation des faits, sur l'autorité de l'expérience, sur les découvertes et les conquêtes des savants.

Il y a donc une connexion intime entre les destinées de l'agriculture et l'amélioration des animaux domestiques, connexion qui conduit naturellement à considérer la médecine vétérinaire comme la garantie de la richesse de nos campagnes.

En effet, tout animal malade devient à charge à son propriétaire qui, par la mort de cet animal, éprouve une perte réelle. Si de ces maladies et de ces morts isolées, on passe à l'examen des épizooties qui moissonnent le bétail d'une province, quelquefois d'un royaume, on

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