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étaient livrés, pàture vivante, à des centaines d'animaux féroces, amenés des déserts pour déchirer leurs victimes palpitantes sous les yeux des impitoyables descendants de Romulus.

On peut dire que sans le secours des écrits de Xénophon et d'Aristote, les Gaulois, les Belges, les Germains, les Bretons et les Franks, comprirent toute la poésie de la chasse qu'ils faisaient en grand aux aurochs, aux sangliers, aux ours, aux loups, aux cerfs et aux chevreuils.

Aussi lorsque ces peuples, obéissant à la voix de Dieu, se précipitèrent sur le monde romain pour infuser un sang jeune et fort dans les veines taries du cadavre qui succombait aux raffinements d'une civilisation corrompue, le plus grand bonheur des conquérants fut de se livrer à la chasse, et dans leurs bois ils se montrèrent tellement jaloux de ce droit que bien souvent ils l'interdirent aux vaincus sous peine de mort.

Cet exercice joue un très-grand rôle dans l'existence des monarques chevelus de la race mérowingienne, jusqu'au jour où la dynastie de Clovis ne se reproduit plus que dans ces rois fainéants pour lesquels le trône ressemblait à un lit de repos. A ces jeunes hommes dégénérés, dont le bras pliait sous le poids du sceptre, qui n'apparaissaient aux regards des peuples que de loin en loin trainés sur des chars attelés de bœufs pacifiques, à leurs jarrets qui semblaient coupés ne pouvaient convenir les rudes fatigues de la chasse.

En revanche, les maires du palais, providence du présent, espoir de l'avenir, continuaient les grandes chasses des rois mérowingiens, auxquelles s'associaient les leudes, les antrustions, les propriétaires des terres allodiales, en un mot tous les représentants de la conquète.

Quand la seconde dynastie monta sur le trône des Franks dans la personne de Pepin le Bref, on vit de véritables chasses

royales que compléta encore Charlemagne, lequel consacrait une partie de ses loisirs à ce noble exercice. Tels étaient les délassements de cet homme extraordinaire qui ressuscita l'empire romain sans cesser d'appartenir à la Germanie par les mœurs, le langage et les goûts. Ce fut en chassant qu'il découvrit la source d'eaux thermales auprès de laquelle il bâtit cette cité d'Aix-la-Chapelle, dont il fit la capitale de ses vastes États et qui se glorifie de posséder son tombeau.

Sous les indignes successeurs de Charlemagne, l'instinct de chasseur et de guerrier se perdit à la fois parmi ces princes énervés qui virent démolir pièce à pièce l'édifice de leur puissance; mais la noblesse féodale s'organisait en face du trône, et la chasse lui faisait une éducation belliqueuse, commune à toute l'Europe. D'ailleurs les invasions des Normands et leur colonie sur le sol neustrien ravivèrent la passion pour la chasse, si chère aux sectateurs d'Odin, aux habitants de la Scandinavie. Ces Normands portèrent leur goût en Angleterre.

Au milieu de l'organisation féodale qui enveloppa l'Europe de son réseau de fer, le droit de chasse devint le privilége exclusif des barons, des comtes, des marquis, des ducs, des princes, des rois, des empereurs. On l'interdit aux malheureux serfs, dont les champs étaient dévastés par le gibier sans qu'ils pussent défendre l'espoir de leur moisson, la ressource de leurs pauvres familles. Le pilori et le gibet punirent les braconniers.

A côté de ces rigueurs que l'on déplore au nom de l'humanité, on ne peut s'empêcher d'admirer les progrès de la chasse qui devint, sous le régime féodal, une science plus complète qu'aux temps des Xénophon et des Aristote.

Chroniqueurs, trouvères, troubadours, empereurs s'en mêlèrent pour en tracer les principes; il y eut un joyeux art de la vénerie avec sa langue spéciale, ses habitudes, son cos

tume, ses lois, art que l'on peut considérer comme le frère du blason; car ainsi que le blason il était défendu à tous les profanes.

Aux chiens on joignit alors les oiseaux que l'on rendit les auxiliaires du chasseur. Chaque castel eut sa fauconnerie où l'on dressait des oiseaux de proie à monter dans les airs pour aller attaquer le milan, le héron, le faisan, la perdrix. Les châtelaines prirent part à cet exercice; montées sur un blanc palefroi, elles portaient sur leur poing ganté un faucon enchaperonné, et à peine le chien braque avait-il fait lever le gibier que la noble dame enlevait le chaperon à l'oiseau qu'elle lançait en amont.

Des veneurs, des fauconniers, des piqueurs, vingt autres professions naquirent de cette passion pour la chasse, et conduisirent ceux qui y excellaient aux plus grandes charges de la cour, aux plus hautes dignités de l'État.

Alors les appels du cor, les trompes, les clairons avec leurs fanfares, les cris des chasseurs, les aboiements des chiens, le vol des faucons, l'éclat des costumes, l'éducation des chevaux dressés pour cet exercice, la curée aux flambeaux, tout devint un jeu et un spectacle dans ces chasses dont les descriptions ont de quoi étonner nos mœurs actuelles si éloignées de tant de poésie.

Les empereurs d'Allemagne, les rois d'Angleterre et de France mirent surtout leurs soins à avoir les plus splendides équipages de chasse. Presque tous les châteaux royaux qui constituent aujourd'hui les plus beaux fleurons de la couronne de France, presque tous ces châteaux n'ont été dans le principe que des pavillons de halte pour la chasse. Ainsi se sont agrandis Chambord et Fontainebleau à la voix de François I, le roi poëte et chevalier qui confiait l'érection de ces magnifiques monuments au génie du Primatice. Versailles,

ce pavillon de chasse où se plaisait Louis XIII, offrit à Louis XIV l'anagramme (ville seras) que ce grand monarque devait réaliser en le transformant en un palais de fées, avec une grande cité pour ceinture.

Les traditions relatives à la chasse subsistèrent dans toute l'Europe monarchique; et après la révolution française lorsque Napoléon releva le trône, il s'empressa de rétablir un train de chasse, il donna à Berthier, l'Éphestion d'un nouvel Alexandre, la charge de grand veneur. Napoléon eut ses jours fixés pour la chasse à courre et à tir.

Nous avons vu Charles X cultiver la chasse avec transport; mais le dernier représentant du grand art de la vénerie a été ce duc de Bourbon, prince de Condé, dans lequel s'est éteinte l'héroïque race du vainqueur de Rocroy.

Aujourd'hui, la décadence est partout dans les différents genres de chasse; pourtant quelques hommes d'activité conservent encore les souvenirs du passé, et sont demeurés fidèles à ce noble exercice placé sous le patronage de saint Hubert, dont la fête est célébrée chaque année avec ferveur par les joyeux chasseurs de la Belgique (1).

(1) Un volume ne suffirait pas à traiter ce sujet pour lequel il faudrait passer en revue tous les pays du globe et leurs chasses spéciales. M. Jacques Arago dans son beau Voyage autour du monde, a décrit plusieurs chasses du plus haut intérêt. J'y renvoie mes lecteurs qui comprendront que j'ai dù me borner à un précis historique sur la chasse proprement dite.

DÉLITS DE CHASSE ET DE PORT D'ARMES.

(LOIS.)

S'il est vrai que les animaux sauvages sont rangés parmi les choses appartenantes au premier occupant, il est également vrai que la loi politique a pu et dû restreindre une faculté naturelle, dans l'intérêt social. En effet, la liberté illimitée du droit de chasse entraînerait les plus graves abus.

Ce droit est régi par la loi du 30 avril 1790 qui en a fait une condition de la propriété. Cette loi a pourvu en outre à l'intérêt de l'agriculture en autorisant l'administration à tracer les limites de l'époque durant laquelle la chasse est ouverte.

L'ouverture de la chasse est fixée par le ministre de l'intérieur sur l'avis des gouverneurs de province, qui consultent ordinairement la commission d'agriculture.

et

Il est défendu à toutes personnes, même aux propriétaires et possesseurs, de chasser dans les terres non closes, même en jachères, avant l'ouverture de la chasse, et ce sous peine de vingt francs d'amende (loi du 30 avril 1790, art. 1er). Il est aussi défendu à toute personne de chasser, en quelque temps et de quelque manière que ce soit, sur le territoire d'autrui sans son consentement, à peine de vingt francs d'amende envers la commune du lieu, d'une indemnité de dix francs envers le propriétaire des fruits, sans préjudice de plus amples dommages-intérêts s'il y a lieu (loi du 30 avril 1790, art. 1er). En conséquence, toute action dont le but est de prendre ou tuer, sur le terrain d'autrui, du gibier, quelle qu'en soit l'espèce, poil ou plume, fût-il indigène ou exotique, oiseau de passage ou autre, est un délit punissable.

Ainsi celui qui tire une corneille dans son nid établi dans un bois appartenant à un particulier, est punissable (cass., 13 novembre 1818); et même il a été jugé que le fait d'avoir tué dans une forêt un faisan à coups de bâton, constituait un délit de chasse (cass., 2 juin 1817). D'après les mêmes principes, il n'est pas per

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