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pas trop fort; car dans ce dernier cas il durcirait la viande.

L'exposition à un courant d'air dans un lieu obscur est encore un moyen usité chaque jour dans l'intérieur des familles.

Mais pour une conservation durable, réclamée par les be→ soins des armées, des marins, et pour les intérêts du commerce d'exportation comme pour les convenances domestiques, on a recours à des procédés plus complets, tels que la salaison, le boucanage, la dessiccation, l'emploi du bain-marie, et l'usage de l'acide pyroligneux (1).

(1) En m'occupant de l'espèce bovine, j'avais le projet de décrire les procédés employés pour la castration des vaches, dans le but de perpétuer la sécrétion laiteuse, et de favoriser leur développement ainsi que leur engraissement. Cette précieuse découverte, due à M. Winn, propriétaire dans l'Amérique septentrionale, exige pour être pratiquée avec succès des explications très-étendues qui auraient occupé trop d'espace; et les présenter d'une manière sommaire, c'est exposer les propriétaires à des erreurs funestes à leurs intérêts.

J'ai du aussi ajourner la publication relative à la fabrication et à la conservation des fromages. Cette branche si importante de l'industrie agricole réclame des développements complets; et le nombre des divers fromages est tel qu'il exigerait presque un volume. Je ferai connaitre plus tard, dans une autre publication, les procédés employés pour fabriquer des fromages de Neufchâtel, de Brie, de Gruyères, de Roquefort, de Schabsieger, de Wiltshive, de Stilton, de Norfolk, de Dunlop, de Chester, de Gloucester, de Parmesan, de Westphalie, de Hollande, etc., que l'on peut fabriquer en Belgique tout comme on y fait du fromage de Herve.

RACE OVINE.

MOUTON.- BÉLIER.- BREBIS.-AGNEAU.

HISTOIRE DU MOUTON.

Le mouton, classe des mammifères (1),"est herbivore, et ap→ partient à l'ordre des ruminants (2). Tous les naturalistes s'accordent à regarder le mouflon comme la souche de notre mouton domestique. Il existe pourtant une assez grande différence entre eux. Le mouflon que Strabon et Pline l'ancien appelaient musmon, et que l'on trouve aujourd'hui à l'état sauvage sur les montagnes de la Corse, de la Sardaigne, de la Grèce, ainsi que dans plusieurs cantons du royaume de Murcie en Espagne, le mouflon a une taille plus haute, des cornes autrement disposées, car elles se touchent par la base; au lieu de laine, il est couvert de poils fins d'un fauve brunâtre, qui sont un peu laineux; sa queue est courte. Du reste, sa course l'emporte en rapidité sur celle du mouton; et sans qu'on puisse les classer parmi les animaux courageux qui savent se défendre au besoin en suppléant par leur agrégation intelligente à la force que Dieu leur a refusée, les mouflons n'ont pas la timidité des bêtes ovines.

Ces dernières, il est vrai, ne peuvent rien faire sans le se cours et la direction de l'homme; on dirait qu'elles sont dépourvues de tout instinct, tellement elles ont besoin d'un maître. Cette complète nullité résulte sans doute de l'état constant de domesticité où elles se sont trouvées, état qui pour elles a devancé la soumission du boeuf et du cheval.

(1) Voir page 2.

(2) Voir page 407, et pages 424, 426.

On peut s'en convaincre en lisant, dans les premières pages de la Genèse, la qualification de pasteur de brebis donnée au second fils d'Adam, à l'innocent Abel, tandis que son frère Caïn s'appliquait à l'agriculture.

Tous les deux consacraient des offrandes au Seigneur; Abel présenta les premiers-nés de son troupeau; Caïn, les fruits de la terre. Dieu regarda favorablement Abel et ses dons; cette préférence excita la colère jalouse de Caïn qui tua son frère.

Plus tard, toujours dans le monde antédiluvien, un descendant de Caïn, Jabel, devint le père d'un peuple de pasteurs résidant sous la tente; ainsi tout ce qui touche à l'éducation des béliers, des brebis, des moutons et des agneaux, occupa les premières sociétés humaines.

Noé abrita dans l'arche les animaux sauvages, les animaux domestiques, tout ce qui se meut sur la terre, tous les oiseaux qui volent dans l'air; et lorsque les eaux ne couvri rent plus la surface du globe, il dressa un autel pour offrir au Seigneur un holocauste de reconnaissance; dans ce but, il sacrifia des animaux et des oiseaux purs, parmi lesquels dut se trouver un agneau.

La terre se repeupla rapidement de troupeaux, comme le prouvent les nombreuses richesses que possédaient en ce genre Abraham et Loth son neveu. Les brebis figurent toujours au premier rang des troupeaux de ces patriarches, et ce sont encore des brebis qu'Abraham reçoit en présents de Pharaon, roi d'Égypte, d'Abimelech, roi de Gérara. C'est qu'en effet les bêtes ovines étaient bien précieuses pour l'homme auquel elles fournissaient leur chair pour sa nourriture, leurs toisons pour ses vêtements; enfin le lait présentait une ressource agrandie par la confection du beurre et du fromage.

Je ne m'arrêterai pas à dénombrer les richesses que possédaient en troupeaux ces patriarches que l'on peut se représenter comme autant de rois pasteurs; mais dans la houlette du berger, devenant ensuite le sceptre emblême de la royauté, on peut comprendre l'importance de ce genre de vie. Jacob, pour obtenir la main de la belle Rachel, ne dédaigna pas de garder pendant sept ans les troupeaux de son oncle Laban; et Moïse veilla durant quarante années sur les brebis de son beau-père Jethro, prêtre-roi de Madian, dont il avait épousé la fille Séphora. Ce fut même en conduisant son troupeau dans le désert qu'il arriva à la montagne sainte appelée Horeb; là il aperçut le buisson embrasé, et la voix de Dieu lui ordonna de retourner en Égypte pour y délivrer de la captivité les descendants de Jacob.

Avant de quitter la terre inhospitalière des Pharaons, Moïse, d'après l'injonction de Dieu, institua le banquet de l'agneau pascal, âgé d'un an, à la toison sans tache, que les Hébreux mangèrent à la hâte, avec une corde autour des reins, tenant dans la main un bâton, les pieds chaussés de sandales, en mémoire du passage du Seigneur. Les enfants d'Israël dispersés conservent encore de nos jours, après des milliers d'années, cet antique usage, que la venue du Christ a modifié et empreint d'une sainteté nouvelle en le rattachant au triomphe de l'Église célébrant la résurrection du Sau

veur.

Après de pareils souvenirs, est-il besoin de suivre les pasteurs de la Chaldée, de l'Assyrie, de l'Égypte à travers les pâturages où ils gardaient leurs troupeaux, en charmant leurs loisirs par des chants qui les font considérer comme les inventeurs de la musique? L'astronomie aussi doit sa naissance aux observations de ces mêmes pasteurs qui passaient la nuit dans la campagne; favorisés par l'admirable sérénité du ciel,

ils examinaient les étoiles, les planètes, les constellations, et longtemps avant les découvertes de la science, avant l'inven tion du télescope, ils donnaient à ces astres resplendissants des noms empruntés à l'existence pastorale. C'étaient l'étoile du berger, le capricorne (bouc), le charriot, le bélier, le taureau, dénominations naïves que la science a respectées en les adop

tant.

Mais la houlette ne servait pas seulement à combattre les loups et les autres animaux féroces, la terreur du troupeau, elle se changeait en lance aux mains de ces hycksos, à la fois pasteurs et cavaliers, qui soumirent l'Assyrie et l'Égypte; depuis quarante siècles leur existence n'a pas changé; demandez à leurs descendants, aux Arabes du désert.

Toutes les théogonies antiques attestent le rôle important qu'ont joué dans les sociétés naissantes les bergers et les troupeaux. Vichnou, le dieu de l'Hindoustan, parut sur la terre sous la forme d'un berger noir, Quichena; il inventa la flûte de bambou, dont les sons mélodieux charmaient les monstres les plus sauvages. Osiris, le souverain du ciel, était adoré par les Égyptiens comme roi pasteur et roi agriculteur. Ces mêmes Égyptiens désignaient sous le nom du cocher porteur d'une chèvre, la constellation qui précède le lever du soleil. A l'exemple du berger qui, obéissant à son étoile (1), rassemble son troupeau et le conduit aux pâturages, le cocher portant sa chèvre s'avance suivi du taureau, derrière lequel vient le bélier.

Ainsi les sociétés primitives retrouvaient dans les évolu tions des astres, quelque chose des travaux de la terre.

Ces observations astronomiques devinrent la source d'une espèce d'almanach champêtre que les bergers se transmet

(1) L'étoile de Vénus ou du berger.

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