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vaste et spacieux, il contiendra des étables pour y loger les animaux qui doivent servir à l'approvisionnement; on y trouvera des échaudoirs, des fondoirs, des triperies; il faut pouvoir le laver à grande eau plusieurs fois par jour.

Ces établissements, dont l'utilité est si hautement reconnue, offrent les moyens, à la fois certains et faciles, de s'assurer de l'état de santé des animaux et de la qualité de la viande qui doit être livrée à la consommation. Le bien-être des populations urbaines, leur sécurité réclament impérieusement la construction d'abattoirs dans toutes les villes. Et cependant Liége, Tournai, Bruxelles sont jusqu'à présent les seules cités de la Belgique qui possèdent de semblables établissements.

Certes, aucune administration communale ne doit reculer devant l'érection de ces édifices dont la dépense est bientôt compensée par le droit d'abattage que payent les bouchers. D'ailleurs parmi les dépenses de première utilité, celle-là tient un rang que je n'ai pas besoin d'assigner.

La viande est la partie molle et fibreuse du corps des animaux, c'est l'aliment par excellence, le plus propre à soutenir la vie de l'homme, à en réparer les forces, à lui donner de l'énergie morale et physique.

La viande de boucherie constitue après le pain la nourriture la plus ordinaire, ou du moins la plus nécessaire; elle agit donc essentiellement sur la santé; à ce titre, l'autorité ne saurait exercer trop de soins et de surveillance pour que les animaux destinés à la consommation soient sains, qu'on les ait tués, et qu'ils n'aient pas succombé à des maladies (1).

(1) En 1834, la consommation de Bruxelles, en fait de viande, s'est élevée à 3,263 bœufs et taureaux, 5,808 vaches et génisses;

Il faut que la viande soit rouge avec la fibre ferme et exempte d'odeur. La graisse la plus blanche est la plus estimée.

Un œil exercé peut seul apprécier les qualités de la viande; il est très-difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer toujours à l'inspection de la viande si l'animal a succombé à une maladie. Seulement, dans ce cas la putréfaction marche plus rapidement.

Au milieu de cette incertitude, l'autorité devrait prohiber l'introduction dans les villes de toute viande dépécée hors du ressort de la commune (1). Il faudrait avant de les

veaux 15,125, moutons et agneaux 20,569, porcs 2,900; viandes dépécées 693,531 kilogrammes.

En 1835, la ville de Paris a consommé 72,452 bœufs, 16,458 vaches; 75,993 veaux, 567,549 moutons.

En 1830, Londres avait consommé : bêtes bovines 159,907; moutons 1,287,070; veaux 20,300.

La ville de Liége en 1841 a consommé 1,241 bœufs et taureaux; 5,073 vaches et génisses; 17,000 moutons et agneaux; 5,747 porcs et 577,995 kilogrammes de viandes dépécées.

Je regrette vivement de ne pouvoir donner à ces relevés de la consommation de la viande, tous les développements que comporte un pareil sujet. Les rapports entre la consommation comparée à l'étendue du territoire et au chiffre de la population, sont en effet le meilleur moyen d'apprécier l'état de l'agriculture d'un pays et la somme de bien-être départie à ses habitants.

(1) Le règlement de l'administration cominunale de Liège, en date du 24 mars 1825, défendait le colportage des viandes fraîches dans l'intérieur de la ville; mais cette utile disposition a été abrogée par décision du conseil, le 8 novembre 1834. Il serait à désirer que l'administration revint sur cette abrogation; les nombreuses et fréquentes maladies épizootiques qui exercent tant de ravages depuis quelque temps, commandent d'apporter à l'inspection des viandes l'attention la plus scrupuleuse; et pour cela il faut recourir aux lumières d'hommes spéciaux,

abattre soumettre à l'inspection d'un médecin vétérinaire tous les animaux réservés à la boucherie; et après l'abattage un second examen serait indispensable pour constater les lésions internes, et pour délivrer ou refuser le permis de vente.

Ces fonctions d'inspecteurs près les abattoirs sont extrêmement importantes; on ne peut les confier qu'à des hommes spéciaux, seuls capables de les remplir et de se prononcer sur des organes sains ou des organes malades.

Les médecins vétérinaires, par la nature de leurs études, apprécieront l'importance des lésions pathologiques existant chez les animaux qui ont été soumis au régime de l'engraissement. Seuls ils peuvent rendre compte du trouble causé par ces lésions, des modifications subies par la viande.

Cette garantie, l'autorité communale la doit aux populations dont elle dirige les destinées.

Toutefois en réclamant la prohibition des viandes provenant d'animaux abattus hors de la commune, je n'ai pas l'idée de condamner les habitants des campagnes à manger des aliments douteux ou dangereux.

D'abord, la surveillance est plus nécessaire dans les cités populeuses que dans les champs. Une grande agglomération d'hommes, le défaut d'air et d'espace, les travaux des ateliers et des manufactures, l'extrême misère, conséquence inséparable de l'excès de l'opulence, et puis une plus grande consommation de viande autant de causes qui rendent l'action de l'autorité un besoin de tous les jours, un devoir de tous les instants. D'ailleurs, comment l'habitant des villes saura-t-il qu'un boucher cupide lui présente des aliments

sans quoi le règlement du 17 avril 1824 n'atteindra point le but proposé.

dangereux? Les traiteurs, les restaurateurs ne possèdent-ils pas l'art de déguiser la vérité au moyen d'assaisonnements plus ou moins ingénieux par lesquels ils trompent le goût sans pallier le danger?

Au contraire, dans les campagnes chacun sait la cause de la mort d'un animal; il est impossible de cacher la vérité. D'un autre côté, on y consomme fort peu de viande, à peine en mange-t-on une fois par semaine; et puis les conditions de santé sont bien meilleures pour toutes les classes.

Enfin si de petites communes rurales n'ont nullement besoin de construire un abattoir qui ne servirait qu'aux grandes fêtes de l'année, les magistrats peuvent toujours exercer une surveillance active sur les quelques animaux livrés au boucher du canton. Il y a aussi des médecins vétérinaires dans les campagnes; et leur double inspection avant et après l'abattage y opérerait comme dans les villes.

On objectera peut-être que cette espèce d'inquisition mettrait les bouchers dans le cas d'augmenter leurs prix (1);

(1) Si la défense d'introduire des viandes dépécées dans l'intérieur d'une ville risque d'amener le renchérissement de la viande, comment se fait-il que le prix n'en ait pas diminué depuis la tolérance dont jouit le colportage de cette denrée, en vertu de la décision de l'administration communale de Liége, du 8 novembre 1834 ?

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Au contraire, chaque année voit augmenter le prix de la viande et diminuer sa qualité. A l'appui de cette dernière assertion, je dirai qu'à Liége, en l'année 1841, on a abattu 822 bœufs seulement, et dans la même année on y consommait 412 taureaux, 3,633 vaches, 5,369 veaux, 1,440 génisses. Enfin le poids total des viandes dépécées introduites dans Liége, toujours en 1841, a été de 377,993 kilogrammes.

En comparant ces chiffres, on est forcé de convenir que la population liégeoise consomme peu de viande de première qualité; fait qui résulte de l'introduction de viandes dépécées; car les bouchers ne peuvent soutenir la concurrence qu'en abattant des bêtes de second et troisième

rien de plus facile à l'autorité que de tarifer la viande comme

le pain.

Dans la prohibition du colportage de la viande, il n'y a pas plus d'arbitraire que dans la défense de vendre aux enchères des marchandises neuves.

L'incertitude existe entre les savants au sujet de la transmission de diverses maladies par la consommation de viandes provenant d'animaux morts de certaines affections. Dans le doute on doit s'abstenir, d'autant plus que des aliments viciés entraînent toujours des inconvénients, ne fût-ce qu'une infériorité de qualité, amenant moins de réparation pour le consommateur.

La viande à l'état frais se conserve fort peu de jours, surtout sous l'influence d'une température chaude ou humide. Il a donc fallu chercher des procédés conservateurs. Ainsi on a enlevé le sang, et saupoudré la viande avec de la poudre de charbon ou de sucre pour en retarder l'altération pendant quelques jours de plus.

Dans le même but, on a employé les acides minéraux affaiblis dans l'eau, le lait caillé avec son sérum, l'eau-de-vie à dix ou douze degrés, et le vinaigre ordinaire quand il n'est

sans

choix. Aussi les bœufs ne figurent que pour le chiffre de 822, dans la consommation d'une année d'une ville qui renferme 70,000 âmes. L'abolition du colportage est une mesure de haute convenance, cela les bouchers iront abattre les animaux hors du rayon des taxes municipales, et par conséquent hors de la surveillance de l'autorité.

Outre l'abolition du colportage, il faudrait inspecter les animaux avant et après l'abattage, et tarifer les différentes espèces de viande avec cette indication spéciale: bœuf, génisse, vache. La fraude deviendrait alors impossible, et chacun pourrait choisir la viande selon ses moyens pécuniaires, et avec la certitude de trouver à des prix divers les principes d'une bonne alimentation.

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