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ce noble animal? Est-il nécessaire de le montrer attelé à la charrue, creusant avec effort le sillon duquel s'élancera l'épi doré, honneur de la moisson?

Suivrai-je pas à pas le charriot dont l'essieu gémit sous le poids des gerbes amoncelées? Accompagnerai-je ce charriot sur les divers marchés de nos villes, où il porte l'abondance? Montrerai-je ces engrais dont les substances fertilisantes, ranimant la terre épuisée, lui rendent une fécondité nouvelle?

Et les diligences des messageries avec leur triple cargaison de voyageurs, de ballots et de marchandises de luxe; et le roulage avec ses charrettes qui broient le pavé de nos grandes routes; et le halage des bateaux qui remontent le cours de nos fleuves, qui couvrent nos canaux; et ces voitures de l'opulence qui sillonnent les rues des cités, qui disparaissent rapides à travers les avenues des châteaux, qui volent au théâtre, aux fêtes, aux bals, activant, multipliant ces relations du monde, premier aliment du commerce de luxe et de goût; et ces parties de chasse où le cerf, le sanglier, le loup, le renard sont forcés, dans la profondeur de leurs retraites, poursuivis au fond des vallées, au sommet des montagnes; et ces brillantes cavalcades qui remplissent les loisirs des classes riches de la société, qui font vivre tant de milliers d'ouvriers, appartenant à cent industries différentes; et ces hippodromes qui rappellent, en les surpassant en utilité, les jeux olympiques de la Grèce; dans tout cela, dans ce mouvement, dans cette animation, dans ces ressorts qu'il suffit d'indiquer pour en révéler les bienfaits, partout nous rencontrons l'intervention du cheval, si bien secondé par les modestes services de l'àne et du mulet.

Certes, la prospérité publique, sociale, individuelle ne peut avoir, parmi les animaux domestiques, d'agent plus puissant, plus généreux, plus dévoué.

Et que serait-ce si tous les peuples européens, se conformant à l'exemple donné par les Arabes, reproduit par les Anglais, les Prussiens et les Wurtembergeois, élevaient leurs races équestres indigènes au degré de perfectionnement dont elles sont susceptibles, chacune selon sa nature et son essence, chacune selon les besoins et les ressources de son pays natal!

La conviction qui m'anime à cet égard est aussi sincère que profonde, elle repose d'abord sur des faits fournis par l'observation, ensuite sur des études médicales, dont j'ai indiqué les résultats généraux. Il n'est pas besoin pour cela de disposer des immenses fortunes des lords britanniques ou des magnats hongrois.

Sans entretenir de vastes haras comme lord Grosvenor, comme le prince Esterhazy, chaque fermier peut poursuivre avec persévérance ce but d'amélioration dont il recueillera les premiers avantages; il peut même se passer de l'intervention de l'État.

Alors l'agriculture atteindra le degré de prospérité auquel l'appellent les développements d'une civilisation avancée, et cette prospérité rejaillira à son tour sur le commerce, sur l'industrie, sur tous les intérêts, sur tous les détails de notre existence intérieure.

Souvenons-nous qu'ici-bas rien ne s'isole; au contraire, tout se lie, tout s'enchaine, chaque progrès est un pas de géant fait vers un autre progrés.

RACE BOVINE.

BOEUF.-TAUREAU.—VACHE.—GÉNISSE. —VEAU.

HISTOIRE DU BŒUF.

Le bœuf (bos domesticus), classe des mammifères, est herbivore; il appartient à l'ordre des ruminants, c'est-à-dire qu'il fait revenir dans sa bouche, pour les broyer une seconde fois, les aliments qui ont séjourné quelque temps dans son premier estomac.

L'histoire du bœuf n'a pas encore été faite de manière å dissiper l'espèce d'obscurité qui enveloppe les anciennes destinées de cet utile animal. Le célèbre Georges Cuvier a dit que le bœuf domestique était originaire de l'Europe, et qu'il descendait de ces grands taureaux, connus jadis sous les noms de urus ou aurochs, dont on trouve les crânes fossiles dans les tourbières de l'Allemagne, de la France, de l'Angleterre.

Telle serait donc la souche de notre race bovine; mais on retrouve également cet animal dans l'Asie et dans l'Afrique à une époque très-reculée; la Genèse en fait mention dès les siècles qui suivent le déluge; il n'y a que l'Amérique qui l'ait des importations espagnoles. Encore possédait-elle le bison et le buffle musqué qui tous les deux constituent des variétés de l'espèce.

reçu

Afin de mettre de l'ordre dans mon travail, je diviserai l'histoire du boeuf en deux parties, le considérant d'abord à l'état de nature, puis à l'état de domesticité.

Le bœuf en état de nature.

Pour étudier le boeuf sauvage, il faut examiner quelques

variétés de l'espèce que nous rencontrons telles dans l'Amérique septentrionale et dans d'autres contrées. En effet, les plus anciens documents historiques nous représentent le bœuf de nos étables réduit à l'état de domesticité; cet état a commencé pour lui avec les premières sociétés humaines. Tout autorise à penser que l'homme s'est conquis les services du bœuf avant de dompter le cheval.

Le bison qui erre dans les régions tempérées du nord de l'Amérique, et surtout entre le Missouri et le Mississipi, constitue, sous le rapport de la taille, une race intermédiaire entre l'aurochs et notre bœuf domestique, avec lequel il prouve sa proche parenté par des unions fécondes même dans leur postérité. Il porte basses ses cornes courtes et noires, entre lesquelles pend un long toupet de crins qui lui tombe sur les yeux; il a une barbe épaisse; son poitrail est ample, sa croupe effilée, sa queue courte et fournie; ses grosses jambes tournent en dehors; sur son garrot s'élève une bosse, masse de graisse dans le genre de celle des zébus (1) de l'Indoustan et couverte de poils roussâtres, tandis que sur son corps se trouve une laine, dont les sauvages font des couvertures et des sacs après l'avoir filée.

Cet animal vit en société avec ses congénères, différant à cet égard de l'aurochs qui se plaît dans l'isolement; il n'est

(1) Zébus, bœufs à bosse que l'on trouve dans l'Indoustan, à Madagascar et sur la côte orientale de l'Afrique. Leur taille et leur force varient depuis les dimensions du taureau d'Europe jusqu'à celles du cochon. Ils sont ordinairement gris cendrés, mais on en voit de bruns, de blancs, de noirs, et de rouges, avec ou sans cornes. A Surate, ils ont une double bosse, on les emploie à trainer et à porter, leur course est aussi rapide que soutenue. On les ferre, et on les garnit de harnais comme nos chevaux; pour les diriger on leur passe une petite corde dans la cloison des marines. Ils s'accouplent et produisent avec nos bœufs domestiques.

pas rare de rencontrer dans les prairies du Missouri des milliers de bisons voyageant de concert avec autant d'ordre que pourrait le faire une armée. Ils émigrent ainsi pour aller chercher une température plus douce, ou pour trouver de nouveaux pâturages; le sol tremble sous leurs pas, et souvent le défilé de ces innombrables bandes dure pendant plusieurs jours. En tète, marchent, comme éclaireurs, quelques bisons måles d'une taille gigantesque, puis viennent de longues files en colonnes derrière lesquelles se pressent des masses compactes. Hommes et animaux, tout fuit à l'approche de ces redoutables migrations.

Dans ces bandes, le chiffre des femelles l'emporte de beaucoup sur celui des mâles. Lorsqu'un bison veut appeler sur lui l'attention d'une génisse, et la disposer à l'amour, il se met à galoper en rond, rétrécissant le cercle au centre duquel la génisse immobile mugit d'une voix douce et plaintive. Les sauvages, dans leurs jeux sacrés, imitent fort bien ce manége qu'ils appellent la danse du bison.

On tanne la peau de ces animaux; quant à leur viande, on la coupe en tranches minces et larges qui, séchées au soleil, ou fumées au feu, se conservent comme des jambons. La bosse et la langue des vaches sont surtout très-recherchées; on les mange fraîches. La fiente du bison fait un foyer excellent, et remplace fort bien le bois, dont manquent les savanes. Enfin les sauvages trouvent dans sa peau des vêtements.

Auprès des rives de l'Ohio, des fermiers américains ont dompté des bisons, les ont soumis à un travail régulier, et les accouplent avec des vaches domestiques; de ces accouplements naissent des métis, susceptibles de se reproduire.

Le bison est très-doux malgré sa férocité apparente; sa force prodigieuse égale sa rapidité.

Le buffle musqué d'Amérique vit aussi en société; seule

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