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rience. Cependant les années, en affaiblissant sa vigueur, augmentent celle de ses jeunes rivaux sous les coups desquels il finit par succomber. Quelquefois on lui fait grace de la vie; mais il perd son pouvoir, son sérail, tout ce qui constituait ses attributs souverains; monarque dépossédé, il va cacher sa déchéance dans les rangs de la bande; son heureux vainqueur lui succède, et commande à son tour.

Survient-il un ennemi? Des animaux carnassiers attaquent-ils la tribu nomade?

Soudain les chevaux se forment en cercle, plaçant leur tête au centre, et repoussant l'agression par des ruades.

L'ordre de bataille change dès que le cercle est forcé et que les adversaires y pénètrent; alors les têtes se dessinent à la circonférence, et les ruades continuent à l'intérieur.

La passion de l'amour peut seule exciter des combats entre les chevaux qui ne sont pas portés comme les animaux carnassiers à se disputer des lambeaux de chair, et dont les besoins sont très-faciles à satisfaire. Que leur faut-il? Un peu d'herbe, la mousse qui tapisse le tronc des arbres, l'écorce de ces mêmes arbres, ou de jeunes rameaux d'arbustes. Ils supportent la privation de nourriture avec beaucoup de résignation; mais il n'en est pas de même de la soif.

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On voit souvent des bandes de chevaux qui errent à travers d'arides solitudes, saisies tout-à-coup d'une sorte de démence provoquée par le manque absolu d'eau. La contagion les frappe et se communique avec la rapidité de l'étincelle électrique; tous en sont atteints. Plus d'éclaireurs; plus de précautions; nulle discipline; le

chef a perdu son autorité. Chaque cheval galope au hasard, entraîné par sa furie. Si, à l'horizon se dessine un filet d'argent, indiquant un fleuve, toute la bande se précipite vers ces ondes qui bientôt rouleront dans leur cours de nombreuses victimes, noyées par l'impétuosité de leur élan. Mystérieux décret de la Providence de Dieu qui amène le retour de semblables accidents, sans doute afin de mettre des bornes à l'excès d'une production que rien n'entrave!

Ce cheval sauvage des steppes, appelé Tarpan dans la langue tartare, a une portée de vue extraordinaire, une finesse d'ouïe et d'odorat non moins remarquable; mais avec sa petite taille, sa grosse tête oreillarde au chanfrein droit, avec les longs poils qui lui garnissent le pourtour de la bouche et des naseaux, avec sa robe ordinairement isabelle ou gris de souris, parfois blanche, il est loin d'égaler le cheval domestique sous le rapport de la pureté, de l'élégance des formes, de la vigueur et de la vitesse, de la variété de robes, enfin de la longévité, toutes choses qui constituent autant de conquêtes obtenues par l'homme.

Un éloquent écrivain, Buffon, a méconnu ces différences si profondément tranchées. A l'entendre, le cheval sauvage l'emporte en beauté, en force, en grace, en vitesse. Voyez, dit Buffon, ces chevaux qui se >>sont multipliés dans les contrées de l'Amérique espa»gnole, et qui vivent en chevaux libres. >>

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Le terme de comparaison n'est pas heureusement choisi. Les chevaux des pampas sont aussi dégénérés des magnifiques coursiers barbes, andaloux, arabes, amenés dans ces contrées par Cortès et Pizarre, ils en sont aussi dégénérés que les Gaouchos qui leur jettent le

lasso (1) sont éloignés du degré de civilisation et de prospérité dont jouissaient leurs ancêtres dans ces admirables établissements du Paraguay, fondés par les Jésuites sous le nom de Redemptions, et qui réalisaient la république chrétienne. L'esprit philosophique du dixhuitième siècle a traversé les mers pour aller frapper cette société-modèle; les hommes sont retournés à la Barbarie; les animaux à la Nature; les uns et les autres sont aujourd'hui sur la même ligne.

Le cheval des pampas, malgré la noblesse de sa récente origine, avec sa robe baie-chatain, ne vaut guère mieux que le Tarpan du cosaque; on retrouve chez lui le sang Arabe au degré d'altération qu'offre le cheval à demi sauvage de la Camargue (2).

Le cheval en état de domesticité.

Il est difficile de préciser le jour où l'homme dompla le cheval pour le soumettre à ses caprices, pour en faire son compagnon de chasse et de guerre, pour le rendre l'auxiliaire de ses travaux; à dater de ce jour, l'éduca

(1) Le lasso est une longue courroie de cuir que le Gaoucho fixe par une extrémité à la selle de son cheval, et qui, de l'autre côté, est terminée par un nœud coulant; il lance ce nœud autour du cou d'un cheval sauvage qui a été enfermé dans un coral, enclos circulaire; au moyen d'une autre corde on renverse le cheval, on lui met dans la bouche une courroie en guise de bride, on le selle, et un Gaoucho armé de longs éperons le monte; après une vaine résistance l'animal obéit, galope pendant plusieurs heures, et son cavalier ne le ramène qu'épuisé de fatigue mais parfaitement dompté, au coral d'où il ne cherche plus à sortir.

(2) Voyez plus loin les différentes races de chevaux avec leur histoire et leur description spéciales.

tion perfectionna constamment les instincts et les formes de la race chevaline.

Le Scythe et l'Arabe en Asie, le Numide en Afrique, tels furent les premiers écuyers, ceux qui, avant des peuples beaucoup plus civilisés plus civilisés, eurent l'idée toute simple, toute naturelle d'enfourcher le cheval. Ils le montèrent d'abord à poil, en le gouvernant avec un mors en bois, puis ils jetèrent sur son dos une couverture de laine.

Il paraît que les nations les plus florissantes de l'antiquité n'eurent pas, comme les Scythes, les Arabes et les Numides, la pensée d'enfourcher le cheval. Cependant, cet animal était très-répandu en Ethiopie, en Egypte, en Grèce, en Phénicie; mais les vieux monuments de l'architecture nous montrent dans leurs basreliefs des chars de guerre attelés de deux chevaux.

Ces chars, de forme basse, et extrêmement légers, étaient armés de faulx, dont les lames, disposées horizontalement de chaque côté de l'essieu, faisaient leur moisson sanglante à travers les rangs pressés des troupes ennemies. Deux hommes montaient ordinairement sur ces chars, l'un pour combattre de loin avec le javelot, de près avec la lance et l'épée; l'autre pour diriger les coursiers à l'aide d'un cavesson.

La Bible et les historiens les plus anciens s'accordent tous à signaler cette manière de combattre comme antérieure à la cavalerie proprement dite; pourtant nous trouvons chez les Grecs la fable des Centaures, monstres moitié homme, moitié cheval, que l'ignorance populaire considéra d'abord comme un seul être. Sans doute, les Scythes y avaient donné lieu en ravageant à cheval les frontières de la Thrace d'où la renommée porta dans toute la Grèce le bruit de l'apparition des Centaures.

On comprend que l'emploi des chars de guerre entraîna nécessairement l'usage des charriots appliqués aux voyages, au transport des récoltes, des marchandises exploitées par le commerce, des produits de l'industrie, des bagages d'une armée, en un mot à tous les genres de services auxquels pouvait se prêter le système des roues et des essieux.

Eh bien! par une anomalie assez difficile à expliquer, les mêmes peuples qui avaient des charriots de transport et des chars de guerre, n'attelaient pas le cheval à la charrue; ils se servaient exclusivement du bœuf adoré en Egypte, sous le nom d'Apis, par la reconnaissance du laboureur, et que les poésies d'Hésiode nous représentent comme l'espoir de la moisson, comme le compagnon et l'auxiliaire de l'homme des champs.

Toutefois le cheval grandit en importance avec les progrès de la civilisation, et surtout avec les services que cet animal rendait à la guerre. L'usage des chars continua, mais peu à peu la tactique changea, et on finit par leur préférer la cavalerie (1).

Les Perses avaient donné l'exemple, les Grecs le suivirent à leur tour. Mais chez les Grecs, le cheval vainqueur dans les jeux olympiques fut l'objet des hymnes de Pindare; ce cheval était toujours attelé à un char.

Ce qui contribuait à maintenir l'usage des chars, à les faire préférer à l'exercice de l'équitation, c'était le manque de selle et d'étriers qui, à ce qu'il paraît, furent ignorés des Grecs et des Romains ainsi que de tous les

(1) Voyez plus loin à l'article du cheval destiné à la cavalerie un tableau historique des différents corps de cavalerie dans l'antiquité, au moyen-âge, dans les temps modernes et de nos jours, chez les principaux peuples civilisés.

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