ner de la réalité. L'archevêque de Bordeaux qui n'étoit pas sans mérite, eut-il réuni tout celui de l'Hôpital et de Séguier, ne pouvoit s'attendre qu'à une très-foible partie de la considération qui, dans d'autres circonstances, suivoit l'homme le plus ordinaire, appelé à la garde du sceau de l'état; et le Comte de la Tour Dupin, ministre de la guerre, ne dût pas se croire, long-temps, à la place du Duc de Choiseul.

Il en fut de ce ministère comme des précédens; et finalement on ne vit plus qu'une foule d'ambitieux imprévoyans, se précipiter les uns sur les autres, à la suite des partis éphémères qui les avoient protégés, et dont il étoit naturel et juste, qu'ils suivissent le sort. La raison de ces élévations et de ces chutes soudaines, dont toutes les révolutions populaires ont fourni tant d'exemples, se trouve dans la nature des choses. que tout ce qui peut tenter l'ambition ou la cupidité des hommes, est mis à la portée de tous; le premier qui s'empare de la fortune, ou de la place de celui qu'il vient de renverser, donne, par cet exemple, le mouvement à toutes les prétentions, et le signal à tous les efforts. Or, la force d'attaque

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Lors

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d'attaque a toujours, en pareil cas, plus d'effet que celle de résistance: car fous les moyens sont égaux à celui qui n'a rien à risquer: mais ils ont cessé de l'être à celui qui, par un retour sur luimême, en connoit le danger; et qui a changé d'idées et de principes en changeant de fortune.

A combien d'hommes de nos jours n'auroiton pas pu appliquer ce mot: Jacobin pour acquérir, et honnéte homme pour conserver.

Le respect des peuples peut être comparé à ce ciment que le laps des temps durcit, et qui reçoit sa force de sa vétusté. Plus l'origine de l'autorité est ancienne, plus la source du pouvoir est éloignée; et plus solidement il y demeure attaché. S'il est difficile de le détruire, il est impossible de le remplacer subitement. C'est au temps seul, qu'il appartient de lui donner de la consistance. Voilà pourquoi ceux qui excitent les révolutions, rarement en profitent, et que ceux qui en recueillent les avantages, sont en proie à tant d'inquiétudes, à tant de tourmens secrets; et sont forcés de se consumer en veilles et en efforts, pour les conserver: car il n'y a qu'une' tension continuelle de soins et de forces, qui puisse sup

pléer

pléer au cours insensible de l'habitude. C'est une voûte nouvellement construite qui doit être soutenue par des étais, jusqu'à ce que le temps ait affermi toutes ses parties ensemble.

Aussi, le ministère cessa-t-il d'être envié par les personnes qui avoient encore quelque considération pour eux-mêmes: et si l'on en excepte, ainsi que cela doit être, le général Dumourier *, les ministres

* Je n'ai jamais connu personnellement le général Dumourier. Mon jugement à son égard, sera d'autant plus impartial, que j'ai été loin d'être le partisan des mesures qui ont paru l'avoir porté d'abord, à la tête des affaires, et ensuite à celle des armées. Mais toute opinion de parti, mise de côté, on ne peut pas refuser de convenir que sa conduite militaire, et ses écrits, n'ayent manifesté l'homme de beaucoup d'esprit et de talens supérieurs. Son plan, pour renverser la convention, et pour sauver la France et l'Europe, étoit parfaitement calculé ; et quoiqu'il ait échoué dans une partie de l'exécution, il en avoit assez fait pour obtenir la fin qu'il se proposoit. Sa part a été remplie : mais ceux qui avoient un intérêt si pressant de le seconder, n'ont pas fait la leur; et cette circonstance est une des fautes les plus graves qui ayent été commises dans le cours d'une guerre, où on a comme pris plaisir à les accumuler. Il n'y a pas de doute, qu'à cette époque décisive, la plupart des généraux et des officiers, non-seulement mécontens, mais indignés, et frémissant sous le joug de quelques misérables qui, à la honte éterpelle de la France, s'étoient partagé le pouvoir, avoit les yeux fixés sur le sort de Dumourier et sur le traitement qu'il

recevroit.

ministres ne furent, à proprement parler, que les commis des différentes assemblées; bornés durant

les deux premières, au rôle du jeune page, compagnon de l'enfance de Louis XVI, pour être les plastrons des injures et des outrages, qu'un reste de honte n'avoit pas encore permis d'adresser directement au Roi; et à celui de bourreaux, dans le cours de la troisième.

Ce

recevroit au dehors. S'il eût été accueilli et honoré comme la politique, je dirai plus, comme la justice l'exigeoit, son exemple auroit été suivi par un grand nombre. Et il ne faut pas être bien pénétrant, pour sentir de quel avantage cela eut été, pour la cause commune. En agissant différemment, on devoit s'attendre à ce qui est arrivé; on devoit savoir que les François préfèrent la mort aux humiliations, et que placés, même, entre la certitude de tomber sous le couteau de leurs tyrans, et la perspective de mener une vie errante, chez des étrangers qui ne sauroient pas apprécier leurs services, le choix ne seroit pas douteux.

On peut compter aussi ceci, pour une des causes plus qu'indirectes, des défaites si multipliées des alliés; et on ne risque rien d'avancer que le traitement, qu'ont éprouvé les généraux et les officiers réfugiés, a été vengé plus d'une fois sur ses auteurs, par ceux qui avoient secrètement, et même sans accord, partagé leurs desseins, dont l'indignation a redoublé le courage et l'activité; et qui, forcés de concentrer en eux-mêmes, tous les moyens d'exécution, n'ont plus songé, depuis ce moment, qu'à agir par eux seuls, et pour eux seuls, comme la suite l'a prouvé.

Ce prince trop bon ne s'en tint pas à toutes les condescendances qu'il avoit crues propres à dissiper les préventions, et à rétablir la confiance. Il se détermina, de lui-même, à une démarche qui a dû prouver que ce n'étoit point au défaut de courage qu'on devoit attribuer la répugnance qu'il a constamment montrée pour les mesures violentes.

Personne n'ignore quelle étoit le lendemain de la prise de la Bastille, la situation de Paris ; quelles étoient la méfiance et les fureurs que l'on avoit soufflées à une populace séditieuse et en armes. Sa Majesté se décida à s'y rendre seule et sans gardes. Il espéroit que cet abandon généreux lui rameneroit le cœur de ses sujets: il ne l'avoit pas perdu. Mais qu'importe l'amour d'un peuple égaré, quand il n'est plus soutenu par le respect, que le pouvoir, sans lequel il n'est plus de majesté, est seul capable de maintenir. Ses effets peuvent être aussi redoutables, que ceux de sa haine.

Le 16 Juillet, au soir, le Roi fit part de sa résolution à l'assemblée nationale, et l'engagea à en prévenir la capitale, par une députation.

Je fus l'un des membres nommés pour l'or

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