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de douanes et d'octrois; aux tarifs pour le prix de certaines denrées ou de certains salaires; aux calamités publiques, comme épidémies, épizooties, contagions, disettes, inondations; aux entreprises de services publics, comme coches, messageries, voitures publiques de terre et d'eau, voitures de places, numéros ou indications de noms sur voitures, postes aux lettres et postes aux chevaux ; à la formation, entretien et conservation des rues, chemins, voies publiques, ponts et canaux; à la mer, à ses rades, rivages et ports, et aux pêcheries maritimes; à la navigation intérieure, à la police des eaux et aux pêcheries; à la chasse, aux bois, aux forêts; aux matières générales de commerce, affaires et expéditions maritimes, bourses ou rassemblements commerciaux, police des foires et marchés; aux commerces particuliers d'orfévrerie, bijouterie, joaillerie, de serrurerie et des gens de marteau, de pharmacie et apothicairerie, de poudres et salpêtres, des arquebusiers et artificiers, des cafetiers, restaurateurs, marchands et débitants de boissons, des cabaretiers et aubergistes 1; à la garantie des matières d'or et d'argent; à la police des maisons de débauche et de jeu ; à la police des fêtes, cérémonies et spectacles; à la construction, entretien, solidité, alignement des édifices et aux matières de voiries; aux lieux d'inhumation et de sépulture; à l'administration de police et discipline des hospices, maisons sanitaires et lazarets; aux écoles, aux maisons de dépôt, d'arrêt, de justice, et de peines de détention correctionnelle et de police; aux maisons ou lieux de fabrique, manufactures ou ateliers à l'exploitation des mines et des usines; au port d'armes, au service des gardes nationales, à l'état civil, etc.>> Tels sont les exemples donnés par le législateur lui-même des nombreuses matières sur lesquelles les lois et les règlements spéciaux continuent d'exercer leur empire. Il distingue par là les règles qui forment le droit commun, de celles qui sont établies par des Codes et des lois d'exception. Le Code pénal réunit tous les principes généraux sur les peines et

1. ** Des brocanteurs (Ord. du lieutenant de police du 8 sept. 1780). Cass., 1er février 1878; Bull. n. 31.

les délits, et la sanction des lois qui sont communes à tous ; mais il est un ordre de lois qui n'intéressent qu'une classe de citoyens, ou qui se rapportent à un objet particulier, et il fallait que ces lois portassent avec elles leur sanction. C'est d'après cette distinction que l'art. 484 réserve seulement les matières qui ne sont pas réglées par le présent Code. Or le Code a réglé toutes celles qui appartiennent au droit commun; il ne reste donc que celles qui font exception par ellesmêmes, et qui ont été jugées susceptibles d'être régies par des lois et des règlements particuliers.

2880. La difficulté se réduit donc à savoir quels sont les règlements particuliers et les lois spéciales qui sont restés en vigueur à côté du Code. L'exposé des motifs a cité de nombreux exemples, dont quelques-uns même ne sont plus applicables, ainsi qu'il est facile de s'en apercevoir. Nous pourrions, à côté de ces matières spéciales, citer également les délits militaires et maritimes, les attroupements, la détention d'armes et de munitions de guerre, l'exercice de la médecine et de la chirurgie, la vente des médicaments, la police sanitaire, la police de l'enseignement, les délits forestiers et de pêche fluviale, les délits commis par voie de publication, les contraventions aux poids et mesures, etc.; mais toutes les nomenclatures peuvent être incomplètes; il faut donc se reporter à la règle malheureusement trop vague posée par le Code, pour déterminer l'abrogation ou la non-abrogation des lois et règlements en général.

Cette règle, c'est qu'on doit considérer comme abrogés toutes les lois et tous les règlements qui tiennent à des matières que le Code a réglées; ce principe est la conséquence immédiate de l'art. 484. En effet, cet article maintient les lois et les règlements relatifs aux matières qui n'ont pas été réglées par le Code; il les abroge donc dans les matières qu'il a réglées.

2881. Mais que faut-il entendre par matières réglées par le Code? Il faut entendre les matières sur lesquelles le Code renferme un système complet de législation. S'il ne fait que toucher à ces matières, s'il ne renferme à cet égard que quelques dispositions éparses et détachées, s'il ne les considère

que dans un seul de leurs rapports, on ne doit pas les regarder comme réglées dans le sens de l'article 484, et les lois antérieures peuvent encore être appliquées dans les cas non prévus par le Code: Derogatur legi quùm pars detrahitur 1.

Ces deux points ont été consacrés par un avis du Conseil d'État approuvé le 8 février 1812. Cet avis décide : « que l'article 484, en ne chargeant les Cours et tribunaux de continuer d'observer les lois et règlements particuliers non renouvelés par ce Code, que dans les matières qui n'ont pas été réglées par ce Code même, fait clairement entendre que l'on doit tenir pour abrogés toutes les anciennes lois, tous les anciens règlements qui portent sur des matières que le Code a réglées, quand même ces lois ou règlements prévoiraient des cas qui se rattachent à ces matières, mais sur lesquels le Code est resté muet ; qu'à la vérité on ne peut pas regarder comme réglées par le Code pénal, dans le sens attaché à ce mot réglées par l'art. 484, les matières relativement auxquelles ce Code ne renferme que quelques dispositions éparses, détachées, et ne formant pas un système complet de législation; et que c'est par cette raison que subsistent encore, quoique non renouvelées par le Code pénal, toutes celles des dispositions des lois et règlements antérieurs à ce Code qui sont relatives à la police rurale et forestière, à l'état civil, aux maisons de jeu, aux loteries non autorisées par la loi, et autres objets semblables, que ce Code ne traite que dans quelques-unes de leurs branches. >>

2882. Le Conseil d'État a fait l'application de la première de ces deux règles d'interprétation à la loi du 22 floréal an IX, qui étendait les peines prononcées par le Code pénal de 1791 à « quiconque emploierait, même après l'exécution des actes émanés de l'autorité publique, soit des violences, soit des voies de fait pour interrompre cette exécution ou en faire cesser l'effet ». Il s'agissait de savoir si cette loi doit être considérée comme abrogée par l'art. 484. L'avis du Conseil d'État déclare : « que la loi du 22 floréal an IX rentre par son

1. L. 102, Dig. de verb. signif.

objet sous la rubrique résistance, désobéissance et autres manquements envers l'autorité publique; que, si elle ne se retrouve pas dans cette section, qui règle véritablement et à fond toute la matière comprise dans sa rubrique, et si elle n'est pas remplacée par une disposition correspondante à ce qu'elle avait statué, c'est une preuve que le législateur a voulu l'abroger, et ne faire à l'avenir dériver du fait caractérisé et qualifié de crime qu'une action purement civile 1. »

L'application de la même règle a été faite par la Cour de cassation. Un accusé de menaces d'incendie avait été absous parce que les menaces n'avaient pas les caractères déterminés par le Code pénal; un pourvoi formé par le ministère public fut fondé sur ce que ces menaces, indépendamment des conditions exprimées par le Code, étaient punissables d'après les lois antérieures. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi: «< attendu que le Code pénal n'ordonne, par son article 484, l'exécution des lois et des règlements en vigueur, qu'en tout ce qui n'a pas été réglé par le présent Code en matière de crimes, délits et contraventions; que tout ce qui concerne les menaces d'attentat contre les personnes, et d'incendie des propriétés, est réglé par les art. 305, 306, 308 et 436 de ce Code; que les menaces ne peuvent donc être aujourd'hui punies qu'autant qu'elles ont les caractères de crime ou de délit déterminés par ledit Code, et sont ainsi susceptibles de l'application des différentes espèces de peines qu'il prononce 2. »

2883. Nous avons dit, au contraire, que les matières sur lesquelles le Code n'avait que des dispositions éparses et détachées devaient être considérées comme maintenues dans les dispositions auxquelles il n'a pas touché. Nous allons citer quelques cas d'application de cette seconde règle. En ce qui concerne d'abord les délits ruraux, la Cour de cassation a décidé : « que, d'après l'art. 484 et l'interprétation qui en a été donnée par l'avis du Conseil d'Etat, des 4-8 février 1812, les

1. Avis du Conseil d'Etat du 8 fév. 1812, Locré, 31, p. 296. 2. Cass., 9 janv. 1818, Bull. n. 5; Devill, et Car., 4. 309,

Cours et tribunaux sont tenus d'observer les lois anciennes dans les matières non réglées par le Code pénal, et que les matières non réglées par le Code sont celles sur lesquelles il ne renferme que quelques dispositions détachées, qui ne forment pas un système complet de législation; que dans ce même avis du Conseil d'Etat, les lois relatives à la police rurale sont rappelées comme un exemple des lois anciennes conservées par l'article 484; qu'il s'ensuit que, le Code pénal n'ayant point établi un nouveau corps de législation sur la police rurale, la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, qui en avait réglé les différentes parties, est nécessairement maintenue pour tous les délits qu'elle a prévus et sur lesquels le Code pénal ne contient pas de dispositions particulières 1. »

Dans une autre espèce, la Cour de cassation a jugé que le no 5 de l'art. 605 du Code du 8 brumaire an IV, qui punit l'exposition en vente des comestibles gâtés, corrompus ou nuisibles, était resté en vigueur 2. « Le Code pénal, a dit le réquisitoire adopté par l'arrêt, n'a abrogé que les anciennes lois pénales relatives à des matières sur lesquelles il contient un système complet de législation, et non celles sur les matières desquelles il ne renferme que des dispositions particulières et éparses. Or le Code pénaline renferme, relativement aux comestibles, que les dispositions sur la vente ou le débit de boissons falsifiées contenant des mixtions nuisibles à la santé (art. 318), et sur le commerce des grains que pourraient faire des fonctionnaires publics (art. 176). Ces dispositions particulières ne peuvent être considérées comme formant un système de législation sur la vente de comestibles; elles n'abrogent pas les lois antérieures sur cette matière 3. » Il est inutile de faire remarquer que cette décision, parfaite

1. Cass., 19 fév. 1813, Bull. n. 33; Devill. et Car., 5. 228. Le 26 juillet 1842, la Cour de Montpellier a appliqué un arrêt du conseil du 12 oct. 1756, relatif au défrichement des garigues communales.

2. Nous avons rapporté suprà, n. 2191, le texte de la loi du 27 mars 1851, sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises.

3. Cass., 20 fév. 1829, Bull. n. 49; Dall., vo Vente de subst. fals., n. 109.

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