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2818. Cette disposition a dû être rarement appliquée, et les motifs qui l'ont dictée ont cessé. La contravention qu'elle établit se compose, au surplus, de deux éléments distincts: le refus de recevoir les espèces, et la nature des espèces refusées. Le refus doit être exclusivement fondé sur la nature des monnaies; car s'il était fondé sur toute autre cause étrangère aux monnaies elles-mêmes, ce ne serait plus la contravention. Il faut ensuite que les monnaies aient cours légal en France; qu'elles ne soient ni fausses ni altérées; enfin, qu'elles soient proposées pour la valeur pour laquelle elles ont cours 1.

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Il a été décidé qu'il y avait lieu d'appliquer ce paragraphe : à la personne qui refuse une monnaie par le motif qu'elle la croit fausse, lorsqu'il est constaté qu'elle était bonne 2; au marchand qui refuse de recevoir une somme de 1 franc 20 centimes en monnaie de billon 3; à celui qui refuse de recevoir des centimes pour une somme minime comme appoint d'un paiement".

Il a été reconnu, au contraire, qu'il n'y avait pas lieu de l'appliquer à celui qui a refusé d'accepter un papier-monnaie créé par le commandant d'une ville en état de siége, parce qu'une telle création ne peut être faite qu'en vertu d'une loi, qu'un tel papier est dénué de toute force légale et que l'état de siége n'attribue nullement à l'autorité militaire le pouvoir d'émettre un papier-monnaie avec cours forcé 5.

1. ** La Cour de cassation a jugé que le refus de recevoir en paiement un billet de banque de 20 fr. pour une somme inférieure à la valeur nominale et de rendre la différence, ne constitue pas la contravention prévue par l'art. 475-11° (Cass., 6 janv. 1872; Bull. n. 7). Les billets de la Banque de France ont reçu cours légal et cours forcé par la loi du 12 août 1870; le cours forcé a cessé depuis 1878, et tout porteur d'un billet de banque a le droit d'en réclamer le remboursement à la Banque; mais les billets de banque ont conservé cours légal et ne peuvent être refusés en paiement, la disposition de la loi de 1870 n'ayant pas été abrogée. 2. Cass., 29 déc. 1836, n. 399; J. P. 37.2.32; 8 juill. 1843. J. P. à sa date.

3. Cass., 13 juill. 1860; Bull. n. 163; Devill. et Car., 60.1.1020.

4. Cass., 9 nov. 1861, Bull. n. 224.

5. Cass., 9 nov. 1872, Bull. n. 266; D. P. 72.1.474.

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§ XII. Refus de prêter secours en cas d'accidents.

2849. « 12° Ceux qui, le pouvant, auront refusé ou négligé de faire les travaux, le service, ou de prêter le secours dont ils auront été requis, dans les circonstances d'accidents, tumultes, naufrages, inondations, incendies ou autres calamités, ainsi que dans le cas de brigandages, pillages, flagrants délits, clameurs publiques ou exécutions judiciaires. »

Cette disposition existait déjà dans la loi des 19-22 juillet 1791; l'art. 17 du titre 2 portait : « Le refus des secours et services requis par la police, en cas d'incendie ou autres fléaux calamiteux, sera puni par une amende du quart de la contribution mobilière, sans que l'amende puisse être audessous de 3 livres. »

Mais notre Code, mû par un sentiment d'humanité, a étendu à des cas nouveaux la sanction imposée à des actes qui sont de véritables devoirs.

Quatre conditions sont exigées pour l'existence de la contravention. Il faut : 1° qu'il y ait une réquisition régulière adressée par un fonctionnaire compétent à des particuliers; 2o que cette réquisition soit faite pour un cas urgent ; 3° que le délinquant ait pu prêter le secours qui faisait l'objet de la réquisition; 4o enfin, qu'il ait refusé de le prêter.

2850. Il ne s'agit que d'un concours matériel; les exemples cités par la loi le démontrent suffisamment : c'est pour éteindre un incendie, sauver des naufragés, défendre des propriétés attaquées, arrêter un coupable, protéger l'exécution d'un jugement: dans tous ces cas, il y a urgence d'un secours immédiat ; il peut y avoir impossibilité de se procurer surle-champ les secours organisés par l'administration on invoque l'aide et l'appui des simples particuliers; la loi leur

que la convention du 23 décembre 1865, qui a constitué à l'état d'union la France, la Belgique, l'Italie et la Suisse (union latine), n'a pas eu pour effet d'établir en France, pour les relations entre particuliers, le cours légal et obligatoire des monnaies étrangères sous la sanction' de l'art. 475-11° (Cass., 29 décembre 1882; Bull. n. 293).

fait un devoir de le prêter, elle punit leur refus comme une faute. Mais il n'en serait plus ainsi d'un concours intellectuel ou moral. Supposons qu'un avocat, un médecin, un expert, soient requis de procéder à une vérification, à une opération chirurgicale, à une expertise; leur refus ne motiverait nullement l'application de l'article, car il serait peut-être absurde, et certainement ridicule de contraindre, par une pénalité, un jurisconsulte à examiner un point de droit, un médecin à faire une autopsie, un maître d'écriture à vérifier une pièce fausse. Quelle confiance pourraient inspirer des experts contraints par la force à expertiser ? Quel bénéfice la justice retirerait-elle d'un pareil concours? D'ailleurs, les opérations qui exigent un concours intellectuel ont rarement un caractère d'urgence tel qu'elles ne puissent être ajournées. La Cour de cassation a paru adopter cette distinction, qui est évidemment dans le texte et dans l'esprit de la loi, en décidant « que les refus faits par une sage-femme de se rendre auprès d'une indigente qui réclamerait son secours pour accoucher, ne rentre, sous aucun rapport, dans la disposition de l'art. 475, no 12, du Code pénal; qu'il n'existe d'ailleurs dans notre législation aucune peine qui puisse être appliquée à un tel refus, tout inhumain et blâmable qu'il soit, et que le jugement attaqué, en déclarant qu'il ne constituait pas la contravention prévue par le no 12 de l'art. 475, en a fait une juste application 1. »

2851. Il a cependant été jugé quand il s'agit de la constatation d'un crime : « que les officiers de police judiciaire peuvent, en vertu de l'art. 42 du Code d'instruction criminelle, se faire accompagner, s'ils le jugent nécessaire, d'une ou de deux personnes présumées, par leur art ou par leur profession, capables d'apprécier la nature et les circonstances du crime ou du délit à constater; que ces personnes encourent la peine prononcée par l'art. 475, no 12, du Code pénal, lorsqu'elles négligent ou refusent d'obtempérer à leurs

1. Cass., 4 juin 1830, Bull, n. 156; J. P. 30.537; Dall., yo Contrav. n. 389.

réquisitions; qu'il ne leur suffit point, pour échapper à cette condamnation, d'alléguer qu'elles n'ont pas pu y obéir; qu'elles doivent justifier de ce fait devant le tribunal saisi de la prévention; d'où il suit, que celui-ci est tenu d'apprécier la preuve produite, et de déclarer expressément, s'il les relaxe de la poursuite, qu'elles se sont réellement trouvées dans l'impossibilité qui peut seule rendre leur refus ou leur négligence excusables » Cet arrêt ne prouve point que l'article 475 doive s'étendre à un concours intellectuel; il ne prouve point que l'expertise destinée à constater un crime soit une de ces circonstances urgentes, calamiteuses, qui appellent instantanément le concours de tous les citoyens, et leur fassent un devoir de porter aide au magistrat. Autre chose est l'arrestation du coupable, la défense ou les services donnés à la victime; autre chose est la constatation même du crime. Cette obligation n'est pas d'une telle urgence, que tous les citoyens doivent être forcés d'y concourir; il n'y a danger de mort pour personne; l'humanité n'est pas compromise par un défaut de constatation immédiate. L'esprit de l'art. 475 est d'apporter une sanction à la loi sociale qui veut que les citoyens se portent réciproquement secours dans les périls qui les menacent; et quand le crime est commis, quand il ne s'agit que d'en recueillir les traces, il n'y a plus de péril, plus d'urgence; et peut-être est-ce détourner cet article de son sens légal, que de l'appliquer au refus d'obtempérer à des réquisitions qui n'ont pour objet que cette constatation.

Il y a lieu, en général, de distinguer entre les soins de l'art médical, qui sont laissés à l'humanité et à la conscience de l'homme de l'art, et la constatation du flagrant délit qui, rentrant dans les termes mêmes de ce paragraphe, a paru devoir

1. Cass., 8 août 1836, Journ. du dr. crim., t. 9, p. 81. -** Jugé, d'une manière plus formelle encore, que le refus par un médecin d'obtempérer à la réquisition qui lui est régulièrement adressée, en cas de flagrant délit, pour procéder à la visite d'un cadavre, constitue, lorsqu'il n'est pas justifié par un empêchement personnel, la contravention prévue par l'art. 475-12° (Cass., 17 décembre 1875; Bull. n. 353, 24 juill. 1884; Bull. n. 246).

en motiver l'application, Deux arrêts ont jugé en dernier lieu « que la réquisition faite en vertu des art. 43 et 50 du Code d'instruction criminelle, et dans l'un des cas prévus par l'article 475, no 12, impose à l'homme de l'art auquel elle est adressée l'obligatiou de prêter son concours, dans l'intérêt de la justice, aux opérations qui en sont l'objet, à moins qu'il ne justifie d'une impossibilité personnelle d'y obtempérer 1.

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2852. Il ne faut pas cependant étendre l'art. 475, no 12, au delà de sa portée. Un arrêt décide: « que la signification légale du mot accident qui se trouve dans ce paragraphe est fixée et limitée par les autres événements qu'il dénomme, et que le refus d'obéir à la réquisition faite à l'occasion de ces accidents ne peut, dès lors, entraîner l'application de la peine édictée contre les personnes qui n'étaient pas dans l'impossibilité absolue d'y obtempérer incontinent, que dans le cas où ils étaient, comme les tumultes, naufrages et autres événements y spécifiés, susceptibles de compromettre la paix ou la sûreté publique, si les travaux, le service ou le secours requis n'étaient pas immédiatement effectués ou prêtés 2. » Cet arrêt déclare, en conséquence, que le prévenu, docteur en médecine, n'était passible d'aucune peine pour n'avoir pas obtempéré à la réquisition d'un commissaire de police de venir constater le décès d'un individu qui avait été tué par la chute d'un ballot de marchandises; en effet, dans ce cas, il n'y avait point de flagrant délit. Dans une autre espèce, il a été également décidé que l'article ne peut s'entendre du cas où un homme ivre, arrêté dans la rue par mesure de police, résiste à l'agent qui veut le conduire en lieu de sûreté; car le flagrant délit auquel se réfère la loi ne peut s'entendre de ce cas 3. Dans une troisième espèce, un individu avait refusé son concours à l'effet de transporter sur un brancard le

1. Cass., 20 fév. 1857, Bull. n. 74 et 75; Devill. et Dar., 57.1.392; J. P. 57.125; D.P. 57.1.133. ** V. la note à la page précédente.

2. Cass.. 18 mai 1855, Bull. n. 170; Devill. et Car., 55.1.480; J. P. 55, 2.448; D. 55.1.233.

3. Cass., 22 mars 1862, Bull. n. 92; Devill. et Car., 62.1.909; J. P. 63.387.

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