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il statuait n'étaient pas ceux que la loi du 16-24 août 1790 a prévus; les arrêtés n'avaient pour but d'assurer ni la sûreté, ni la salubrité, ni la tranquillité, ni la propreté des rues et des lieux publics. Les termes de la loi, quelque généraux qu'ils fussent, ne pouvaient comprendre des matières évidemment étrangères à la police municipale; l'excès de pouvoir était évident.

Il est moins facile de le discerner lorsque la matière du règlement appartient à la police municipale, et que le règlement n'est illégal que parce qu'il contrarie quelques dispositions de la loi. Nous allons citer quelques exemples de cette illégalité.

L'arrêté par lequel un maire oblige, non-seulement les aubergistes, les logeurs, mais tous les habitants d'une commune à tenir des registres pour y inscrire les personnes qui auraient passé une nuit chez eux, est illégal, parce qu'il ajoute à la disposition de l'art. 475, no 2, du Code

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forains de vendre ailleurs qu'au marché les denrées par cux apportées les jours de marché, et aux habitants d'acheter ces denrées en dehors du marché, sur la voie publique ou même à leur domicile (Cass., 24 décembre 1880; Bull. n. 245); mais le droit des maires ne s'étend pas aux denrées destinées à la consommation extérieure et traversant seulement la commune à l'état de transit (Cass., 17 juin 1881; Bull. n. 156).

Est encore légal et obligatoire l'arrêté qui défend d'allumer du feu dans les rues, cours et jardins de la ville, à une distance de moins de 100 mètres des maisons (Cass.. 11 nov. 1881; Bull. n. 237); — qui fixe le nombre de passagers que les bacs établis sur une rivière navigable pourront contenir à chaque passage (Cass., 9 décembre 1882; Bull. n. 276); qui interdit aux cafetiers et autres débitants de boissons d'employer des femmes ou des filles étrangères à leur famille pour servir les consommateurs (Cass., 21 juillet 1883 ; Bull. n. 189); —mais cette prohibition ne saurait comprendre les personnes de la famille du débitant (Cass., 22 mai 1885; Bull. n. 155); l'arrêté qui prescrit que les marchandises qui se corrompent rapidement, comme le poisson et le gibier, soient apportées sur le marché avant d'être vendues, afin d'être soumises à l'examen des inspecteurs (Cass., 3 janv. 1885; Bull. n. 7); — qui interdit dans la commune les processions et toutes autres manifestations extérieures du culte (Cass., 19 février 1887; Bull. n. 69); qui interdit les bals publics (Cass., 1er juill. 1887; Bull. n. 250).

pénal, qui n'impose cette mésure qu'aux aubergistes et aux logeurs 1.

Le maire qui défend, par un arrêté, de déposer des matériaux dans les rues sans en avoir obtenu l'autorisation, commet une violation de l'art. 471, no 4, du Code pénal, parce que cette disposition n'impose nullement la condition de cette autorisation 2. Il en est de même de l'arrêté qui prescrit aux sages-femmes de déclarer les femmes enceintes qui viendraient chez elles faire leurs couches, car l'art. 378 du Code pénal leur défend cette déclaration 3.

L'arrêté qui confère à certaines personnes, à l'exclusion de toutes autres, le droit exclusif de faire la vidange des fosses d'aisances, ne constitue pas seulement une mesure de surveillance, il établit un véritable monopole de l'industrie, au mépris de l'article 7 de la loi des 9-17 mars 1791 4.

L'arrêté qui défend aux maîtres de poste, dans le lieu d'une section de relais, de faire conduire à l'abreuvoir quatre chevaux par un postillon, est un empiétement sur la loi, attendu qu'il résulte de la déclaration du roi du 28 avril 1782 une autorisation formelle aux maîtres de poste de faire conduire aux sections de relais ce nombre de chevaux par un seul postillon 5.

1. Cass., 14 déc. 1832, Devill. et Car., 33. 1. 197; Dall., vo Commune. n. 1188-1°.

2. Cass., 16 fév. 1833, Devill. et Car., 33.1.318; V. aussi Cass., 28 sept, 1827, J. P. 21. 810; Dall., vo Commune, n. 948.

3. Cass., 30 août 1833, Deviil. et Car., 33. 1. 874; ibid., t. 5, p. 319. 4. Cass., 18 janv. et 19 oct. 1838, ibid., 10. 154 et 384; 4 janv. 1839, Bull. n. 10; Devill. et Car., 38. 1. 319; 39. 1. 709; Dall., v° Commune, n. 953.

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5. Cass., 3 sept. 1808, Bull. n. 187. **De même encore, un arrêté municipal ne peut valablement obliger les citoyens à recourir au bureau du pesage public, si ce n'est dans les marchés, aux heures où ils se tiennent, et en cas de contestation entre le vendeur et l'acquéreur; parce que cela est contraire aux dispositions de l'arrêté des consuls du 7 brumaire an IX et de la loi du 29 floréal an X (Cass., 24 février 1872; Bull. n. 48).. Mais l'arrêté municipal qui prescrit aux vendeurs et acheteurs TOME VI. 27

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Dans ces diverses hypothèses, l'arrêté constitue moins un excès de pouvoir qu'une violation de la loi. L'objet du règlement appartient à la police municipale, mais la disposition réglementaire contrarie une disposition légale. L'arrêté est donc nul, parce que l'autorité municipale ne peut ni ajouter ni retrancher à la loi, qui borne sa mission à publier de nouveau les lois et à rappeler les citoyens à leur observation.

Ainsi les arrêtés municipaux sont en général frappés de nullité: 1o lorsqu'ils ne reposent pas sur l'un des objets qui sont confiés à l'autorité des maires; 2° lorsque, bien que se rattachant à ces objets, leurs dispositions sont contraires aux dispositions des lois. Ce sont là les deux règles qui doivent servir à résoudre la question de leur légalité si ces deux conditions sont remplies, les règlements de police sont nécessairement réguliers.

2813. Lorsque les règlements ne sont pas réguliers, ils cessent d'être obligatoires, et les tribunaux de police ne doivent pas en faire l'application. Ces tribunaux ne doivent donc pas se borner à examiner si les contraventions qui leur sont déférées sont constantes : ils doivent pousser plus loin leurs investigations; ils doivent examiner si l'arrêté dont l'infraction leur est dénoncée n'a point excédé les limites du pouvoir administratif ou municipal, s'il ne déroge à aucune disposition de la législation. Le droit de l'autorité judiciaire a été consacré par un grand nombre d'arrêts de la Cour de cassation, qui tous déclarent : « que l'autorité judiciaire a toujours le droit d'examiner si les dispositions réglementaires qu'elle est appelée à sanctionner par l'application d'une peine, ont été prises, par l'autorité de laquelle elles émanent, dans les limites légales de sa compétence 1. >>

de recourir au peseur public pour tout pesage fait dans l'enceinte du marché, qu'il y ait ou non contestation, est légal et obligatoire (Cass., 13 février 1877; Bull. n. 61).

1. V. Cass., 19 nov. 1829, Journ. du dr. crim., t. 2. p. 40; 11 mars 1830, 23 juill. et 12 nov. 1830, ibid., t. 2, p. 210; t. 3, p. 85 et 177; 29

Ce droit d'examen est inhérent au pouvoir judiciaire, mais il doit se circonscrire dans les limites posées par la loi 1; le juge de police ne peut se rendre juge de l'utilité, de l'opportunité des mesures prises par l'autorité municipale 2. Pouvoirs indépendants l'un de l'autre, le tribunal de police et le maire ne peuvent contrôler leurs actes; le premier seulement doit refuser le concours de la justice, toutes les fois que les actes. du maire sortent de ses attributions ou sont contraires à la loi. Toute la théorie de la matière peut se résumer dans cetté double règle faculté pour les maires de prendre des arrêtés sur des objets de police que la loi a confiés à leur surveillance; faculté pour les tribunaux de police d'examiner si les arrêtés se rapportent à cela et ne blessent pas la législation générale; mais, si ces tribunaux reconnaissent la légalité des arrêtés, ils sont astreints à prononcer les peines de police.

2814. Dáns aucun cas, et c'est la sixième et dernière règle de notre matière, les tribunaux de police, statuant sur des infractions à des arrêtés administratifs et municipaux, ne peuvent prononcer d'autres peines que celles portées par l'art. 471. En effet, le § 15 de cet article soumet à ces seules peines toutes les contraventions, quelles qu'elles soient, aux

avril 1831, ibid., t. 3, p. 252; 13 mars 1832, ibid., t. 4, p. 82; 19 juill. 1833, ibid., t. 5, p. 344; 7 nov. 1833, ibid., t. 6, p. 59; 15 fév., 12 et 24 avril, 3 mai et 21 nov. 1834, ibid., t. 6, p. 104, 151, 253, 284 et 302; 16 oct. 1835, ibid., t. 8, p. 93; 5 janv., 5 et 18 mars 1836, ibid., t. 8, p. 183 et 265; 20 janv. 1837, ibid., t. 9, p. 171, etc., Devill. et Car., 33. 1. 879; 34. 1. 285, 555, 587 et 802; 36. 1. 597; 37. 1. 989, etc. Dall., vo Commune, n. 658 et suiv.

Bull.

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n.

156;

1. ** Sur l'interprétation des règlements, V. Cass, 14 mai 1875; 2 fév. 1878, Bull. n. 33; 5 nov. 1881, Bull. n. 233; 21 nov. 1884; Bull. n. 314; - 27 fév. 1886; Bull. n. 80. Le juge de police serait incompétent pour statuer sur l'exception tirée de ce que l'arrêté municipal auquel l'inculpé aurait contrevenu porterait atteinte à l'exercice libre d'un culte reconnu par l'État, ainsi qu'à la liberté garantie à ses ministres : il y a là une question d'abus dont la connaissance appartient exclusivement au Conseil d'Etat (Cass., 5 décembre 1878; Bull. n. 234, 2 arrêts; - 23 mars 1880, Bull. n. 70).

2. ** Cass., 10 mars 1887; Bull. n. 95.

règlements faits par l'autorité administrative ou municipale : il n'est donc possible de faire aucune exception 1.

Deux hypothèses peuvent se présenter: ou les règlements ne portent aucune énonciation de peines, ou ils portent des peines autres que celles qui sont établies par la loi. Dans le premier cas, le juge doit suppléer au silence de l'arrêté, en appliquant les peines établies par l'art. 471; c'est ce que la Cour de cassation a décidé en déclarant : « que l'absence de toute énonciation de peines, dans les règlements que fait l'autorité administrative dans l'ordre de ses attributions, ne dispense pas les tribunaux de chercher dans les lois et d'appliquer les peines qui se rattachent aux contraventions; qu'il n'y a même que ces lois qui puissent servir de base et de texte aux condamnations 2. >>

Si le règlement porte des peines particulières, il arrive de deux choses l'une ou que ces peines sont contraires à l'ordre légal des pénalités établies par le Code pénal 3, et, dans

1. ** C'est ce que décide en termes formels un arrêt de la Cour su prême du 9 juin 1877 (Bull. n. 135) : « attendu que l'art. 5, titre XI, de la loi du 16-24 août 1790 porte que les contraventions à la police ne pourront être punies désormais que des peines de simple police; que cette disposition s'applique indistinctement à tous les règlements de police locale, à ceux qui étaient en vigueur lorsqu'elle a été promulguée et à ceux qui ont été pris depuis, aux matières confiées par les art. 3 et 4 de la loi de 1790 à la vigilance du pouvoir municipal et à celles que des lois postérieures ont placées dans les attributions réglementaires d'autres pouvoirs administratifs ; qu'à son tour la disposition finale ajoutée en 1832, sous le no 15, à l'art. 471 du Code pénal, interprétant les dispositions de l'art. 5 précité et les complétant en tant que de besoin, a puni uniformément d'une amende de 1 à 5 francs toute contravention à un règlement administratif légalement pris ; que cette expression est générale; qu'elle embrasse tous les règlements de police locale sur des matières attribuées par la législation actuelle au pouvoir réglementaire de l'administration, quels que soient leur objet, leur date, l'autorité dont ils émanent; que, par conséquent, la peine prononcée par l'art. 471 abroge, en les remplaçant, les pénalités édictées par ceux de ces règlements qui sont antérieurs à 1790. »

2. Cass., 17 janv. 1829; Journ. du droit crim., p. 155; Devill. et Car., 9. 216.

3.** V. suprà l'arrêt du 9 juin 1877 (Bull. n. 135).

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