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2801. Maintenant nous allons essayer de tirer de ces différents textes quelques règles qui puissent en faciliter l'application. Les unes concernent la forme des règlements, les autres leur force obligatoire.

Une première règle est que les arrêtés municipaux ne peuvent émaner que des maires. L'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837 a consacré cette attribution; la discussion qui en a précédé l'adoption en révèle l'esprit.

Il existe toutefois quelques exceptions à cet égard, en ce qui concerne le préfet de police à Paris et les préfets dans les départements. L'art. 16 de la loi du 28 pluviôse an VIII ne charge les maires de la ville de Paris que de la partie administrative et des fonctions relatives à l'état civil; et l'art. 21 de l'arrêté du gouvernement du 12 messidor an VIII attribue au préfet de police le pouvoir conféré aux corps municipaux par les lois de 1790 et 1791. Nous avons vu que les mêmes pouvoirs, avec quelques restrictions néanmoins, « avaient » été accordés, par les lois des 19 juin 1851 et 5 mai 1855, d'abord au préfet du Rhône, ensuite aux préfets des villes de plus de 40,000 âmes 1. Enfin la jurisprudence a admis, par induction du n° 3 de l'art, 9 de la loi du 18 juillet 1837, qu'il appartient aux préfets de pourvoir par des arrêtés aux mesures qui intéressent la sûreté générale 2.

2802. Le droit d'ordonner des mesures locales sur les objets que les lois ont confiés à la vigilance de l'autorité municipale est une véritable délégation du pouvoir législatif. En

cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne pourra être exercé par le préfet à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat. » - Cet article consacre une innovation, qui n'a passé dans la loi qu'après d'assez vives discussions (V. Sirey, Lois annotées de 1884, p. 576, n. 180).

1. ** Mais on a vu aussi que ces deux lois ont été abrogées par l'article 168 de la loi du 5 avril 1884.

2. Cass., 19 (D.P.56.1.140) et 26 janv. 1856, Bull. n. 29 et 28; Devill. et Car., 66.1.697; J.P.57.155; D. P.56.5.347. **Ce droit résulte formellement aujourd'hui pour les préfets de l'art. 99 de la loi du 5 avril 1884. 26

TOME VI.

effet, les arrêtés qui portent la sanction d'une peine doivent être considérés comme des lois pénales qui ont, dans le cercle des localités pour lesquelles ils sont pris, et quant aux matières qui en sont l'objet, toute l'autorité et les effets des lois générales. La Cour de cassation a reconnu cette règle en déclarant << qu'un arrêté de police est, lorsqu'il est légalement pris dans le cercle du pouvoir réglementaire, une véritable loi locale; qu'il a les effets et l'autorité de la loi, puisqu'il oblige tous les citoyens ». Le législateur, ne 1 pouvant régler lui-même les intérêts variables, différents et instantanés de chaque commune, a délégué au maire, représentant naturel de ces intérêts, l'exercice de son propre pouvoir.

2803. L'autorité des règlements de police est limitée au territoire de chaque commune. En effet, il résulte des lois qui ont défini les attributions des corps municipaux, que le pouvoir conféré aux maires est nécessairement limité au territoire respectif de chaque commune. Ainsi les arrêtés de police sont sans force en dehors de ce territoire; autrement ces arrêtés troubleraient les maires des autres communes et l'autorité administrative dans l'exercice de leurs pouvoirs respectifs.

Quelques maires avaient pensé que ce principe pouvait recevoir une exception : 1° lorsque l'empiétement avait lieu, non sur une commune entière, mais sur une portion minime de son territoire; 2o lorsqu'il y a communion d'intérêts entre deux territoires voisins; 3° enfin, lorsqu'une assimilation a été établie par le préfet entre deux communes sur une certaine matière. La Cour de cassation a répondu à ces objections: «< qu'une extension partielle de l'autorité municipale au delà des limites de la commune n'est pas moins illégale et indéterminée que celle de cette même autorité sur le territoire limitrophe; que la similitude d'intérêt et la proximité n'autorisent ni le maire, ni le juge de police de la commune voisine, à suppléer des formalités nécessaires pour réunir à

1. Cass.. 23 sept. 1853, Bull. n. 482; Devill. et Car., 54.1.221; J.P. 54.2. 502; D. P.54.5.576.

ladite commune une portion de ce territoire étranger ; qu'enfin il n'existe aucune parité entre ce cas et celui où le préfet, en vertu de l'attribution municipale qu'il exerce sur le département tout entier, soumet simultanément deux localités différentes à une même mesure 1. » La même Cour a étendu cette décision à une autre espèce où l'on prétendait faire dériver l'exception de la nature de l'objet auquel s'appliquait le règlement. L'arrêt porte « qu'il est impossible d'admettre une exception pour les arrêtés relatifs à l'approvisionnement des marchés, lesquels intéressent la liberté de la circulation et du commerce 2. »

2804. Une troisième règle est que les arrêtés municipaux doivent, pour être obligatoires, être publiés 3. Quel est le mode de cette publication? La loi n'en «< traçait » aucun 4. L'avis du Conseil d'Etat du 25 prairial an XIII dispose que • les décrets qui ne sont point insérés au Bulletin des lois ne sont obligatoires que du jour où il en est donné connaissance aux personnes qu'ils concernent, par publication, affiche, notification ou signification ». La jurisprudence a dû faire l'application de cette règle générale à la publication des arrêtés; il a donc été reconnu « que l'avis du Conseil d'Etat doit, par raison d'identité et d'analogie, s'appliquer également aux règlements municipaux de police; qu'il suffit, dès lors, pour les rendre pleinement obligatoires, que ces règle

1. Cass., 20 août 1814, Bull. n. 255; Dall., vo Commune, n. 651, 895. 2. Cass., 14 juill. 1838, Bull. n. 219; 20 août 1841, Bull. n. 253. 3. Cass., 5 nov. 1842, Bull. n. 295; 28 nov. 1845, Bull. n. 350; 27 fév. 1846, Bull. n. 49; 18 sept. 1847, Bull. n. 229; 27 avril 1849, Bull.n. 99; 3 mai 1850, Bull. n. 146; Devill. et Car., 50.1.765; D.P.51.5.46.

4. ** L'art. 96 de la loi du 3 avril 1884 porte: « Les arrêtés du maire ne sont obligatoires qu'après avoir été portés à la connaissance des intéressés, par voie de publications et d'affiches, toutes les fois qu'ils contiennent des dispositions générales, et, dans les autres cas, par voie de notification individuelle. La publication est constatée par une déclaration certifiée par le maire. - La notification est établie par le récépissé de la partie intéressée, ou, à son défaut, par l'original de la notification conservée dans les archives de la mairie. Les arrêtés, actes de publication et de notification sont inscrits à leur date sur le registre de la mairie. »>

ments aient été publiés ou affichés dans les communes soumises à leur observation ».

2805. Pour savoir quand un arrêté municipal doit être déclaré obligatoire, il faut distinguer entre les arrêtés permanents et les arrêtés instantanés. Les arrêtés temporaires sont exécutoires sur-le-champ 2. C'est ce qui résulte de l'article 11 de la loi du 18 juillet 1837 3, portant: « Les arrêtés pris par le maire sont immédiatement adressés au sous-préfet. Le préfet peut les annuler ou en suspendre l'exécution 4. » Si le préfet ne peut que les annuler ou les suspendre, et si aucun délai n'est stipulé pour leur mise a exécution, ils ne sont donc assujettis à aucune approbation préalable 5. Les arrêtés permanents ne sont point, au contraire, susceptibles d'une exécution immédiate. Le 3° § de l'art. 11 porte : « Ceux de ces arrêtés qui portent règlement permanent ne seront exécutoires qu'un mois après la remise de l'ampliation constatée par les récépissés donnés par le sous-préfet. » Ce délai, nécessaire pour l'examen de l'utilité du règlement, est suspensif de toute exécution 6.

1. Cass., 24 juill. 1852, Bull. n. 226; Devill. et Car., 53.1.47; J.P.53.2. 67; D.P. 52.5.469.

2. ** Et le recours à l'autorité supérieure ne saurait en suspendre l'exécution (Cass., 10 mars 1881; Bull. n.66; - 27 mars 1886; Bull. n.136). 3. ** Disposition reproduite littéralement dans l'art. 95 de la loi du 5 avril 1884.

4. ** Jugé que, si les préfets ont le droit d'annuler les arrêtés des maires ou d'en suspendre l'exécution, ils n'ont pas celui de les modifier ou d'y déroger au profit de telle ou telle individualité (Cass., 29 août 1876; Bull. n. 113).

5. Cass., 17 nov. 1849, Bull. n. 306; 1er avril 1841, Bull. n. 80; 24 sept. 1847, Bull. n. 234; 15 avril et 22 déc. 1842, Bull. n. 89 et 337; Dall., v Commune, n. 1024; et Règl. adm., n. 136-4°; 18 juin 1846, Bull. n. 149.

6. Cass., 7 juill. 1838, Bull. n. 196; 20 juill. 1838, Bull. n. 235; Devill. et Car., 48. 1. 412; J. P. 48. 2. 271; 17 mars 1848, Bull. n. 71; Devill. et Car., 39. 1. 206; J. P. 39. 1. 416; 14 mars 1851, Bull. n. 19. ** Et les règlements permanents ne sont exécutoires qu'après le délai d'un mois dans le cas même où l'approbation du préfet intervient avant l'expiration de ce délai (Cass., 6 février 1880; Bull. n. 27; 21 janvier 1885; Bull. n. 31).

2806. Une quatrième règle est que les maires ne doivent procéder que par voie de règlement général. En effet, les règlements de police sont de véritables lois dans le cercle des matières qui en sont l'objet, et il est de l'essence des lois de s'appliquer à la généralité des citoyens. Ils ne peuvent donc statuer que par voie de disposition réglementaire, lors même que des arrêtés, quoique pris dans un intérêt général, ne s'appliqueraient en définitive qu'à un seul citoyen 1. La conséquence de cette règle est qu'il n'est pas permis aux maires de dispenser momentanément certains individus, par des actes particuliers, de l'observation des règlements, car de telles dispenses auraient pour effet de créer des priviléges. La Cour de cassation a jugé : « qu'il n'est plus au pouvoir de l'autorité municipale de suspendre ou de modifier l'exécution de ses arrêtés au profit de certains individus, tandis qu'ils resteraient rigoureusement obligatoires pour les autres citoyens, et que ces actes particuliers de faveur, qui créeraient des priviléges, ne sauraient constituer pour les tribunaux une excuse légale des contraventions >>>. Il faut ajouter que les règlements sont obligatoires pour tous les individus, même étrangers à la commune, qui se trouvent sur son territoire 3.

Cependant, si de leur nature les arrêtés doivent avoir un intérêt général et public pour objet, et ne peuvent statuer uniquement dans l'intérêt privé, il ne s'ensuit pas que les arrêtés ne puissent, dans un intérêt général et public, contenir des prohibitions particulières, ou des dispositions spéciales exclusivement applicables à un établissement, à un bâtiment, à un individu. C'est ainsi que, dans l'intérêt de la sûreté publique, un arrêté peut enjoindre à un particulier de réparer les édifices menaçant ruine; c'est ainsi que, dans

1. Cass., 19 déc. 1833, J. P. 25. 1086; Dall., vo Commune, n. 681-4o; 12 déc. 1846, Bull. n. 315; Devill. et Car., 47. 1. 478. ** Adde Cass., 1er février 1873; Bull. n. 35; 19 février 1887; Bull. n. 70.

2. Cass., 19 déc. 1833, Devill. et Car., 34. 1. 262; Bull. n. 512; 30 juin 1832, Bull. n. 289; 27 avril 1843, Bull. n. 89; Devill. et Car., 43. 1. 752; J. P. 43. 1. 542; Dall., vo Contrav., n. 142; 12 déc. 1846, Bull. n. 315, 3. Cass., 27 fév. 1842, Bull. n. 46; Dev., 47. 1. 553.

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