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CHAPITRE XCVIII.

CONTRAVENTIONS AUX ARRÊTÉS DE POLICE.

(Commentaire de l'art. 471, n° 15, du Code pénal.)

2795. Objet de l'art. 471, n. 15: sanction aux règlements administratifs ou municipaux sur le fait de la police.

2796. Compétence des préfets et du pouvoir exécutif en cette matière. 2797. De la force obligatoire des anciens règlements.

2798. Distinction entre les dispositions réglementaires et les dispositions pénales de ces règlements.

2799. De l'application des anciens règlements spéciaux. Dans quels cas leurs pénalités sont demeurées applicables.

2800. Dispositions législatives qui fondent le pouvoir réglementaire des maires.

2801. Les arrêtés municipaux ne peuvent, sauf les attributions exceptionnelles des préfets, émaner que des maires.

2802. Quelle est la nature et quelles sont les conditions de ce pouvoir réglementaire ?

2803. L'autorité des règlements de police est limitée au territoire de chaque commune.

2804. Ils ne sont obligatoires que lorsqu'ils ont été régulièrement publiés. 2805. Les règlements temporaires sont exécutoires au moment de cette publication; les règlements permanents ne le sont qu'un mois après la remise au sous-préfet.

2806. Les maires ne peuvent procéder que par voie de règlement général. 2807. Doit-on considérer comme des règlements de police les dispositions des baux ou cahiers des charges relatifs à l'éclairage et au nettoiement des villes et qui obligent les entrepreneurs.

2808. Examen de la jurisprudence sur ce point.

2809. Les règlements ne sont réguliers que lorsqu'ils ont été pris dans l'exercice de l'autorité légale de qui ils émanent.

2810. Droit des tribunaux de police d'examiner la légalité et le sens des

règlements.

2811. Cas dans lesquels il a été reconnu que les règlements avaient été

pris en dehors du pouvoir municipal ou administratif.

2812. Cas dans lesquels il a été reconnu que les règlements avaient été pris en opposition avec les lois existantes.

2813. Droits de l'autorité judiciaire à l'égard de ces règlements. 2814. Les tribunaux de police ne peuvent, dans tous les cas, prononcer d'autres peines, en statuant sur des infractions à ces règlements, que celles portées par l'art. 471.

2795. Le no 15 de l'art. 471 punit des peines portées par cet article «< 15° ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits par l'autorité administrative, et ceux qui ne se seront pas conformés aux règlements ou arrêtés publiés par l'autorité municipale 1, en vertu des articles 3 et 4, titre 11, de la loi du 16-24 août 1790, et de l'article 46, titre 1er, de la loi du 19-22 juillet 1791 2. »

Cette disposition, introduite dans le Code par la loi du 28 avril 1832, a pour but de donner aux règlements administratifs et aux arrêtés municipaux sur la police. une sanction qu'il fallait péniblement chercher antérieurement dans les articles 605 et 606 du Code du 3 brumaire an IV, et qu'on n'y rencontrait pas toujours d'une manière satisfaisante.

Il résulte de là que les règlements forment une branche véritable des lois de police, et que les contraventions énumérées par le Code ne sont qu'une partie des contraventions générales qui sont déférées aux tribunaux de police. Nous ne pouvons donc nous dispenser de jeter un coup d'œil rapide sur la nature de cette classe de contraventions, sur les matières qui peuvent en faire l'objet, et sur la compétence de l'autorité administrative ou municipale.

2796. La loi distingue les règlements faits par l'autorité administrative et les règlements publiés par l'autorité municipale. Elle a voulu dire les règlements faits par le pouvoir central ou départemental, et ceux faits par les maires; car l'autorité municipale ressort évidemment de l'autorité administrative.

Les règlements faits par le pouvoir central ou départemental émanent soit du chef du pouvoir exécutif, soit des ministres, soit des préfets. Il est hors de notre sujet d'exa

1. * * Il faut bien entendu que ces règlements ou arrêtés existent et soient représentés pour que le tribunal de police soit tenu de réprimer les contraventions qui peuvent y avoir été commises (Cass., 7 mars 1874; Bull. n. 78).

2. ** Aujourd'hui, les pouvoirs de l'autorité municipale sont déterminés par la loi du 5 avril 1884.

miner les divers cas dans lesquels l'autorité administrative supérieure peut user de ce pouvoir qui lui appartient de faire des règlements pour l'exécution des lois. Nous avons examiné ailleurs cette compétence spéciale d'une manière détaillée. Il est cependant utile d'établir sommairement ici, à côté du pouvoir réglementaire des maires, qui va être défini plus loin, les principaux caractères du pouvoir réglementaire des préfets et du pouvoir exécutif.

Il faut noter, d'abord, que les arrêtés des consuls des 12 messidor an VIII et 3 brumaire an IX ont délégué au préfet de police, dans le département de la Seine, le pouvoir que les lois des 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791 (voy. infrà, no 3801) ont attribué aux corps municipaux. Le préfet de police exerce donc seul, à Paris, le droit de prendre des arrêtés de police. La loi du 19 juin 1851 a conféré au préfet du Rhône des pouvoirs analogues 2; et cette attribution nouvelle a été étendue par la loi du 5 mai 1855 aux principales villes de France. L'art. 50 de la loi du 5 mai 1855 « portait » : Dans les communes chefs-lieux de département dont la population excède 40,000 âmes, le préfet remplit les fonctions de préfet de police, telles qu'elles sont réglées par les dispositions actuellement en vigueur de l'arrêté du 12 messidor an VIII 3. » Les préfets ont reçu ensuite une délégation expresse et directe pour faire des règlements: - par la loi du 12-20 août 1790, en matière de police de cours d'eau; par le décret du 23 prairial an XII, en ce qui touche la police des inhumations; par le décret du 13 janvier 1815 et l'ordonnance du 9 février 1825 sur les établissements insalubres, incommodes ou dangereux; par la loi du 24 avril 1810 sur les mines et carrières; par le décret du 16 décembre 1811, article 182, sur les plantations sur les routes; par la loi du 21 mai 1836, art. 21, sur les chemins vicinaux ; par la loi du

1. V. notre Traité de l'instruction criminelle, t. 6, n. 2480 et suiv. 2. ** Cette loi est abrogée, à l'exception de l'art. 5, par l'art. 168 de la loi du 5 avril 1884, sur l'organisation municipale.

3. * * La loi du 5 mai 1855 est abrogée par l'art. 168 de la loi du 5 avril

4 juillet 1837 et l'ordonnance du 17 avril 1839, sur les poids et mesures; par la loi du 3 mai 1844, en ce qui concerne la chasse; par les lois des 19 juin 1849 et 6 juin 1850, relativement aux réunions publiques; par le décret du 29 décembre 1851 sur les cafés et cabarets 1. En dehors des cas où ils ont reçu une délégation spéciale 2, les préfets ne peuvent exercer le pouvoir réglementaire 3.

Le pouvoir exécutif exerce, en général, les mêmes droits que les préfets. La loi lui a délégué, dans des cas nombreux, le droit de faire des règlements sur les matières qu'elle a désignées. Ainsi la loi du 8 mars 1822 délègue au pouvoir exécutif le droit de prendre des mesures extraordinaires pour la police sanitaire, et l'art. 7 attache des pénalités à la violation de ces mesures. La loi du 4 juillet 1837 lui délégue également le droit de faire des règlements en matière de poids et mesures. On trouve des dispositions de même nature dans l'art. 21 de la loi du 15 juillet 1845, sur la police des chemins de fer; dans la loi du 19 juillet 1845, sur la vente de substances vénéneuses; dans l'art. 57 de la loi du 19 juillet 1850, sur les salles d'asile; dans la loi du 30 mai 1851, sur la police du roulage; dans l'art. 30 de la loi du 8 juillet 1852, sur l'affichage sur les murs.

2797. Il est, en outre, un assez grand nombre d'anciens règlements dont les dispositions prévoyantes peuvent être utiles encore. Ces anciens règlements peuvent-ils être appliqués, peuvent-ils, dans certains cas, être considérés comme des règlements administratifs dans le sens de l'article 471 ?

1. * * Jugé en conséquence, qu'un maire ne peut dispenser les débitants de boissons, même pour un seul jour, de l'exécution d'un arrêté préfectoral prescrivant une heure de fermeture réglementaire (Cass., ier février 1873; Bull. n. 35).

2. ** Il faut ajouter à la liste qui précède l'art. 99 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale (V. infra, p. 400).

3. V. notre Traité de l'instruct. crim., t. 6, n. 2466 et suiv. V. Cass., 14 déc. 1867, Bull. n. 258; 27 janv. 1866, Bull. n. 27; 6 juill. 1866, Bull. n. 171; 6 nov. 1863, Bull. n. 257; 10 juin 1869, Bull. n. 63; Devill. et Car., 70. 1. 48; J. P. 70. 78; D. P. 70. 1. 238.

On doit, en premier lieu, distinguer entre les règlements généraux, émanant d'une autorité souveraine, tels que les édits, les ordonnances, les arrêts de règlement, et les règlements locaux, émanant d'une autorité subalterne, tels que les arrêtés des lieutenants de police, des juges, des prévôts, des sénéchaux. Les règlements de cette dernière classe n'ont plus aucune puissance; disposant sur des intérêts temporaires, ils ont cessé d'exister dès que ces intérêts ont changé. Ces règlements n'étaient investis, d'ailleurs, que d'une force restreinte; ils n'ont pu survivre aux circonstances qui les ont fait naître. Enfin, ils ne disposent, en général, que sur des matières de police municipale; or la loi n'accorde qu'aux maires le droit de prendre des arrêtés sur ces matières.

Les règlements généraux eux-mêmes ne conservent d'autorité qu'autant qu'ils statuent sur des objets qui n'ont été réglés ni par le Code pénal, ni par aucune loi postérieure à 1789; et, même en admettant cette double condition, il faut encore que leurs dispositions ne soient contraires, directement ou indirectement, à aucune disposition de la législation générale.

2798. Nous ajouterons quelques observations sur ce point. L'art. 9 de la loi des 19-20 avril 1790, l'art. 1, titre 2, de la loi du 16-24 août 1790, et l'art. 20, titre 1, de la loi du 19-22 juillet 1791, ont maintenu, en thèse générale, les anciens règlements non abrogés, et spécialement les règlements sur quelques matières particulières 1. Il faut induire d'abord de

1. ** Mais l'art. 168 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale déclare abrogés: 1o Le titre 11, art. 3 de la loi du 16-24 août 1790; 2o Les art. 1er, 2, 3 et 5 de la loi du 20 messidor an III; 3o Les titres 1er, 4 et 5 de la loi du 10 vendémiaire an IV; 4o La loi du 29 vendémiaire an V; La loi du 17 vendémiaire an X; L'arrêté du 21 frimaire an XII; 5o Les art. 36 n° 4, 39, 49, 92 à 103 du décret du 30 décembre 1809; la loi du 14 février 1810; 6o La loi du 18 juillet 1837; 7° L'ordonnance du 18 décembre 1838; 8° L'ordonn. du 15 juillet 1840: 9° L'ordonn. du 7 août 1842; 10o La loi du 19 juin 1851, à l'exception de l'art. 5; 11o Le décret du 4-11 sept. 1851; 12° L'art. 5, n. 13 et 21 du décret du 25 mars 1852; 13o La loi du 5 mai 1855; 14o Le décret du 13 avril 1861, tableau A, n. 42, 48, 50, 51, 56, 59; 15° La loi du 24 juillet 1867, à l'exception de la

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