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Cette disposition intéresse au plus haut degré la sûreté publique; le législateur a donc dû adopter pour l'exécuter les formes les plus brèves. Une simple sommation suffit et n'admet aucun recours qui soit suspensif 4; la Cour de cassation a même jugé qu'il suffit que cette sommation ait été faite par une lettre sur les registres de la mairie, et remise par le garde champêtre 2; mais il faut cependant qu'elle soit régulièrement notifiée 3.

L'autorité administrative est seule compétente pour apprécier si les édifices menacent ruine, si la sûreté publique est exposée; la sommation est l'expression de cette appréciation. Le tribunal de police ne peut la contredire; il ne peut qu'apprécier la négligence ou le refus d'exécution. Cette distinction a été consacrée par la Cour de cassation; elle a décidé, dans une espèce où le propriétaire n'avait obéi que partiellement à la sommation: «< qu'il est du devoir des tribunaux de police de réprimer les contraventions aux sommations faites aux particuliers par l'autorité municipale dans l'intérêt de la sûreté publique et conformément aux lois; qu'il résulte des faits constatés que le mur intérieur n'a été démoli qu'en partie, tandis qu'aux termes de la sommation il devait l'être tout entier, comme tombant en ruine; qu'en décidant que le pignon qui subsiste encore ne tombe pas en ruine et ne présente aucun danger, puisqu'il ne penche nullement sur la voie publique, le tribunal de police s'est attribué l'examen d'un fait dont la connaissance lui était interdite et restreinte exclusivement dans le domaine de l'administration 4. »

Les deux éléments de la contravention consistent donc, d'une part, dans une sommation administrative de réparer ou démolir 5; de l'autre, dans la négligence ou le refus d'obéir.

1. Cass., 15 janv. 1873, Bull. n. 28.-Adde Cass., 12 janv. 1882; Bull. n. 13. 2. Cass., 13 oct. 1820, Bull. n. 5.

3. Cass, 27 avril 1849, Bull. n. 97; 4 fév. 1858, Bull. n. 30; 28 nov. 1868, Bull. n. 240; Devill. 70. 1.42; J. P. 70.67; D.P. 69. 1.437.

4. Cass., 28 avril 1827, J. P.21.394; Dall., vo Contrav., n. 340-1o; 12 août 1845, Bull. n. 259; 28 fév. 1846, Bull. n. 65.

5. Cass., 27 avril 1849, Bull. n. 97; Journ. du dr. crim. 1849, p. 159.

Le premier n'est qu'un fait matériel que le juge doit se borner à constater. Le second est l'inexécution même de l'ordre administratif. Le juge peut-il accorder un délai pour l'exécution? Non, car en mesurant ce délai il apprécierait l'urgence de la démolition, le danger de la ruine; il se mettrait à la place de l'administration et usurperait son pouvoir. Il ne peut que constater l'infraction; c'est à l'administration à apprécier si la sûreté publique lui permet d'accorder un délai pour la démolition 1.

§ VI.

2771. « 6o Ceux qui auront jeté ou exposé au devant de leurs édifices des choses de nature à nuire par leur chute ou par des exhalaisons insalubres. »

Cette disposition n'a fait que reproduire le § 3 de l'art. 605 du Code du 3 brumaire an IV, qui punissait de peines de police « ceux qui contreviennent à la défense de rien exposer sur les fenêtres ou au devant de leurs maisons sur la voie publique, de rien jeter qui puisse nuire ou endommager par sa chute, ou causer des exhalaisons nuisibles. »

Il faut distinguer cette contravention du jet d'immondices sur quelque personne, prévu par le § 12 du même article. Dans le § 6, l'exposition ne menace et le jet n'atteint personne; seulement les choses exposées ou jetées sont de nature à nuire par leur chute ou leurs exhalaisons.

Il faut également la distinguer du jet volontaire d'immondices ou de corps durs sur quelqu'un, contravention prévue par le § 8 de l'art 475. Le § 6 suppose qu'il n'y a pas de volonté, il ne punit qu'une imprudence. Il faut même admettre qu'aucun dommage n'a été causé; c'est l'imprudence qui pouvait causer un dommage, c'est la possibilité de ce dommage

1. Cass., 1er mars 1856, Bull. n. 90; Cass., 3 janv. 1863, Bull. n. 5; 20 juin 1863, Bull. n° 173; 10 août 1866, Bull. n. 207; 25 janv. 1871. ** Jugė aussi que le recours des intéressés à l'autorité supérieure ne peut avoir d'effet suspensif, et que le jugement par lequel le juge de police surseoit à statuer jusqu'à décision de l'autorité administrative sur la légalité de l'arrêté municipal est entaché de nullité (Cass., 25 janv. 1873; Bull. n. 28).

qui fait l'objet de la disposition de la loi. Il a été jugé dans ce sens « que, d'après le principe général admis par la loi en matière de contravention de police, une telle disposition ne subordonne à aucune condition constitutive, ni à la recherche de la bonne ou de la mauvaise intention, l'existence de la contravention qu'elle prévoit et punit; que, d'un autre côté, elle n'admet pour excuse ni la difficulté pour le contrevenant de procéder autrement qu'il ne l'a fait, ni les précautions qu'il a pu prendre pour empêcher que la chute de la chose jetée ne pût nuire à autrui 1. »

Ainsi la Cour de cassation a reconnu avec raison que le fait change de caractère quand la chose jetée a causé une blessure à une personne qu'elle a atteinte accidentellement. Les motifs de cet arrêté sont : « que les blessures qu'un individu quelconque cause par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, sont punies par l'art. 320 du Code pénal; que le § 6 de l'art. 471 n'est applicable qu'au jet de choses qui par leur chute auraient pu nuire, mais qui n'ont causé ni blessures ni coups; qu'il résulte du § 12 du même article 471 que c'est la véritable etseule interprétation à donner audit § 6, vu que le § 12 punit ceux qui imprudemment auraient jeté des immondices sur quelque personne, de la même amende, depuis un franc jusqu'à cinq francs, dont sont punis ceux qui auraient contrevenu à la disposition du susdit § 6; que ce serait contrarier évidemment l'esprit de la loi que de juger qu'elle a voulu ranger dans la même classe et punir de la même amende tous ceux qui imprudemment auraient jeté des immondices sur quelque personne, ou une chose quelconque de nature à nuire, mais qui n'ont nui à personne, que ceux qui, en jetant imprudemment une chose, auraient causé un meurtre ou des blessures 2. >>

2772. L'article 471, no 6 ne s'applique qu'au jet ou à l'exposition au devant des édifices, et par conséquent sur la voie

1. Cass., 13 mars 1852, Bull. n. 90; et conf. 10 fév. 1848, Bull. n. 36; 22 fév. 1844, Bull. n. 59; Dall., v. Contrav., n. 279.

2. Cass,, juin 1811, Bull. n. 150.

publique. Si cet article n'a pas conservé ces dernières expressions du Code du 3 brumaire an IV, il n'a nullement modifié le sens de l'art. 605 de ce Code; c'est l'exposition aux fenêtres donnant sur la voie publique, ou le jet par ces fenêtres d'objets de nature à nuire par leur chute; c'est enfin l'exposition sur la voie publique elle-même d'objets de nature à causer des exhalaisons nuisibles, que la loi a voulu prévoir et punir. Ainsi il faudrait juger encore, comme la Cour de cassation l'a fait sous l'empire du Code du 3 brumaire an IV : « que les mots de rien jeter se rapportent visiblement aux fenêtres et au devant des maisons donnant sur la voie publique; que cette disposition n'est que le corollaire de l'article 3 du titre 11 de la loi du 16-24 août 1790, qui comprend dans ce qui est confié à la vigilance de la police tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues et voies publiques, ce qui renferme l'interdiction de rien. jeter qui puisse causer des exhalaisons nuisibles, ne porte que sur les rues, quais, places et voies publiques 1. L'art. 474, no 6 a été appliqué à celui qui jette par la fenêtre un seau d'eau 2, alors même que cette cau n'est ni malpropre ni insalubre 3, et que la pluie en aurait fait disparaître les traces; à celui qui a suspendu à ses fenêtres des peaux tannées 5; - à celui qui laisse s'écouler sur la voie publique les eaux d'une écurie 6, ou d'autres eaux infectes 7.

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1. Cass., 18 germ. an x, S. 7.2 984; Devill. et Car., 1.622: Dall, vo Contrav., n. 164; 15 mai 1856, Bull. n. 181; Dall., vo Voirie par terre, n. 1901-3°.

2. Cass., 30 août 1860, Bull. n. 214.

3. Cass., 24 nov. 1855, Bull. n. 375.-** Cass., 25 janv. 1883; Bull. n. 18. 4. Cass., 8 fév. 1856, Bull. n. 57.

5. Cass., 2 juin 1842, Bull. n. 133; Dall., vo Contrav., n. 161.

6. Cass., 2 avril 1848, Bull. n. 97; 6 fév. 1866, Bull. n. 34,

7. Cass., 31 juill. 1863, Bull. n. 214; 29 août 1867, Bull. n. 205. ** Jugé que la disposition de l'art. 471-6° cst générale et prohibe l'exposition au devant des édifices de tons objets de nature à nuire par leur chute, quand même il y aurait eu quelques précautions prises pour y mettre obstacle (Cass., 27 janv. 1877; Bull, n. 30). Il semble bien cependant que, si les précautions sont telles que l'objet ne puisse pas tomber, le texte cesse littéralement d'être applicable.

TOME VI,

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2773. Si les exhalaisons nuisibles étaient produites par la stagnation d'immondices ou autres objets hors de la voie publique et sur une propriété privée, le § 6 de l'art. 471 ne serait plus applicable 1; mais l'autorité municipale ne serait point néanmoins désarmée; l'art. 3 du titre 11 de la loi du 16-24 août 1790, «de même que la loi du 5 avril 1884 », confie à sa vigilance le soin de prévenir par des précautions convenables les épidémies, les épizooties; le maire pourrait prescrire l'enlèvement des immondices par un arrêté qui trouverait sa sanction dans le § 15 de l'art. 471 2. Cela a lieu surtout relativement aux dépôts de fumier 3 ou aux eaux sales et stagnantes devant les habitations 4. L'autorité municipale peut prohiber ces dépôts, ainsi que les amas de boues et d'immondices. Elle peut prescrire aussi les précautions nécessaires pour prévenir la chute de choses dangereuses; c'est ainsi qu'elle peut ordonner que les pots de fleurs soient retenus ou scellés sur les fenêtres 5, ou défendre de secouer et battre les tapis par les fenêtres 6; ces arrêtés se concilient avec l'art. 471 n° 6, et doivent être observés, pourvu qu'ils n'aillent pas jusqu'à gêner la liberté de l'industrie et le droit de propriété, dans le cas, par exemple, où le fait de vanner du blé dans un magasin en ferait sortir la poussière à l'extérieur 7.

Dans tous les cas, les contraventions prévues par ce paragraphe ne sauraient être excusées par l'allégation des usages locaux. Dans une espèce où l'existence d'un cloaque avait été excusée par ce motif « que les usages établis à la Ciotat ne permettent pas d'y faire l'application du no 6 de l'art. 471, le jugement a été cassé, «< attendu qu'il n'est pas possible d'admettre que les usages, quels qu'ils soient, d'une localité puissent autoriser une dérogation à une loi générale; que le

1. Cass. 2 juin 1865, Bull. n. 125.

2. Cass., 7 fév. 1823 et 11 fév. 1830, S. 23.1.175 et 30.1.268.

3. Cass., 8 fév. et 19 juin 1857, Bull. n. 57 et 237; 17 déc. 1864, Bull. n. 296.

4. Cass., 18 fév. 1864, Bull. n. 46; Devill. 64.1.375; D.P. 64.1.451.

5. Cass., 17 juin 1853, Bull. n. 216.

6 et 7. Cass.. 9 janv. 1857, Bull, n. 18.

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