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vues par le Code lui-même; les autres sont celles qui sont prévues par les règlements administratifs, dans le cas où la loi autorise ces règlements pour assurer sa pleine et entière exécution. Le Code s'est borné à mentionner dans les §§ 5 et 15 de l'art. 471 le droit de l'administration: il a confondu les infractions à ses règlements avec les contraventions qu'il prévoyait; il les a soumises à la même classification, aux mêmes règles, aux mêmes peines.

2718. Nous avons cru devoir nous astreindre, dans ce chapitre, à suivre l'ordre adopté par le Code, quoique cet ordre. nous ait paru défectueux. Il est évident notamment que les contraventions de police, qui prennent leur source dans les règlements administratifs, et qui auraient dû former une classe à part, ont été placées sans méthode à la suite des autres contraventions.

Notre première pensée avait été de rétablir l'ordre méthodique; mais nous avons craint de jeter une confusion nouvelle dans une matière déjà fort confuse par elle-même, et la pénalité distincte qui enlace chacune des trois classes de contraventions établies par la loi s'opposait à ce qu'elles fussent détachées les unes des autres. Nous examinerons donc les dispositions du livre 4 du Code dans l'ordre où elles se trouvent placées.

2719. Mais, avant de commencer cet examen, il importe d'établir quelques règles générales qui, dans le système du Code, dominent toutes les contraventions, quelles que soient leur source et leur nature, et qui doivent servir à l'interprétation de toutes les lois qui s'y rapportent.

Une première règle, qui n'est que l'expression du caractère commun de toutes les contraventions, est qu'elles sont constituées par le seul fait matériel de la désobéissance aux prescriptions ou de la négligence à les suivre, indépendamment de toute intention criminelle, de toute volonté malveillante. C'est là la différence radicale qui sépare le délit intentionnel de la contravention 1. Le délit n'existe pas par le seul

1. ** Nous avons bien des fois critiqué la théorie qui distingue les délits des contraventions d'après l'intention (V. notamm. tome 1er, p. 36

fait matériel; son élément essentiel est l'intention de nuire. Si cette intention coupable n'a pas dirigé l'agent, le fait n'est plus un délit ; il cesse d'être punissable à ce titre. La contravention, au contraire, saisit le fait matériel en faisant une complète abstraction de la pensée qui a pu l'animer; elle ne s'attache qu'à ce fait en lui-même; elle suppose qu'il est le résultat d'une négligence, d'une erreur, d'un oubli involontaire, de l'ignorance. Elle le punit néanmoins; car le fait commis par ignorance peut nuire, car la peine a précisément pour objet de punir la négligence, l'oubli, l'ignorance même. Ainsi la loi de police ne recherche et ne voit que l'acte luimême ; elle le punit dès qu'elle le constate; elle ne s'inquiète ni de ses causes ni de la volonté qui l'a dirigé. La contravention est toute matérielle.

2720. Aucune règle toutefois n'est absolue, 'et celle-ci admet quelques exceptions. D'une part, un assez grand nombre de faits, qualifiés délits parce qu'ils sont punis d'une peine correctionnelle, ont le caractère de simples contraventions, puisqu'ils consistent uniquement dans un acte matériel isolé de toute intention coupable. Nous en avons vu des exemples dans les art. 410, 411, 413, 457, 458, 459. Les lois spéciales offrent un nombre considérable de ces contraventions qualifiées abusivement délits. D'une autre part, on trouve rangés parmi les contraventions, à raison de la minimité du dommage qu'ils causent, quelques faits qui ne sont pas exempts d'une intention criminelle tels sont le maraudage et le vol des récoltes non détachées du sol, la tenue dans les lieux publics de jeux de hasard, le jet volontaire d'immondices, le refus de porter secours dans les cas d'accidents, les dommages volontaires aux propriétés mobilières, la lacération faite méchamment des affiches. Il résulte de ces exceptions, ainsi qu'on le verra plus loin, que, dans l'appréciation de ces faits, on doit,

et 495, en note). La preuve qu'elle n'est pas celle de la loi et que le principe posé au texte peut se trouver en défaut, c'est que dans plusieurs contraventions la loi exige positivement l'intention (V. notamm. art. 475-8°, 479-1°, 479-9°), tandis que certains délits se constituent sans la moindre intention de nuire, par exemple l'homicide par imprudence.

à côté de l'acte matériel, constater la volonté, et même, dans quelques cas, la méchanceté; mais la règle générale n'en conserve pas moins son autorité, et, ces cas exceptés, la constatation de l'acte matériel suffit pour justifier l'application de la peine.

2721. De ce principe découlent plusieurs conséquences. La première c'est que la bonne foi du contrevenant et l'absence de toute intention de nuire ne peuvent effacer la contravention, puisque l'intention de l'agent n'est pas un élément de cette contravention. La Cour de cassation a fréquemment appliqué cette règle; elle a décidé : « qu'en matière de contravention, la criminalité de l'intention n'est pas nécessaire pour entraîner l'application de la loi pénale.; qu'il suffit que le fait soit matériellement constaté 1. » Elle a décidé encore, dans une autre espèce, que l'évidente bonne foi du contrevenant n'est pas une raison pour le renvoyer de la poursuite 2. La même décision doit s'étendre à toutes les excuses. La loi ne recherche pas la cause des contraventions; ces contraventions n'admettent donc pas d'excuse. Qu'importe que le contrevenant prétende ne pas connaître le règlement, s'il a été régulièrement publié ; avoir réparé l'infraction, si cette infraction a été commise et constatée; avoir été induit en erreur, si l'erreur même est une faute; n'avoir pas eu la volonté de commettre la contravention, si la volonté n'est pas incriminée ? Aucune excuse n'est donc admissible; dès que le fait matériel de la contravention est constaté, le juge ne peut se dispenser d'appliquer la peine dans les limites prévues par la

1 Cass., 20 juill. 1838, Bull. n. 237; Dall., v. Peine, n. 376-1°; V. aussi Cass.. 28 vend, an x, Bull. n. 31; Dall., vo Contravention, n. 291; 11 déc. 1807, Bull. n. 261; Dall., vo Peine, n. 806-2° - 17 déc. 1828, Journ. du dr. crim., t. 1er, p. 119; 25 sept. 1834, Bull. n. 316 et 317. Dev. et Car., 30.1.68; 1.543, 2.458.

2 Cass., 13 juill. 1838, Bull. n. 213; Devill. et Car., 39.1.146; J.P. 39 1. 313; D. P. 38.1.467. ** Ainsi, le débitant de boissons, prévenu de contravention à un arrêté préfectoral fixant l'heure de la fermeture des débits, ne peut être excusé parce qu'il croyait qu'un arrêté du maire fixant une autre heure avait été approuvé par l'administration supérieure (Cass., 11 nov. 1875: Bull. n. 308).

TOME VI.

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loi. C'est aussi dans ce sens que la jurisprudence s'est toujours prononcée 1.

2722. Toutefois, en saisissant le fait matériel, la loi suppose que l'agent l'a volontairement accompli; elle lui impute comme une faute son ignorance, sa négligence, son inattention; mais elle admet dès lors qu'il a pu ne pas commettre cette faute, qu'il a été libre de se conformer à ses dispositions. La force majeure est donc ici, aussi bien qu'en toute matière, une excuse complète et nécessaire; si l'agent n'a fait qu'obéir à une force irrésistible, il n'a commis aucune infraction. Il convient d'insister sur ce point. L'intention et la volonté ne doivent pas être confondues l'intention est la perpétration du fait avec la connaissance que ce fait est illicite; la volonté est la perpétration de ce même fait avec la seule connaissance de sa nature. A la vérité, il y a des contraventions qui résultent d'un fait commis quoique prohibé; il y en a d'autres qui ne résultent que de l'omission d'un fait prescrit, d'une négligence. Mais, dans l'un ou l'autre cas, il faut ou la volonté d'agir, ou la négligence qui, en n'agissant pas, suppose la volonté de ne pas agir. Il suit de là que, dans toutes les contraventions, la volonté est toujours présumée; elle constitue la criminalité, si l'on peut employer ici ce mot, de la contravention. Mais il suit en même temps que si cette présomption est exclue, la contravention disparaît. C'est ce que fait précisément la force majeure ; qu'est-ce que cette force? une contrainte, c'est-à-dire une exclusion de la volonté ; or, si la volonté n'existe pas, il ne peut exister de contravention. Cette cause de justification a été admise par la jurisprudence dans les termes les plus formels : les arrêts déclarent « que l'empêchement provenant de force majeure

1 Cass., 27 déc. 1828. Dall., vo Contrav.. n. 142; et 28 août 1829. J. du dr. crim., t. 1er, p. 119 et 316; Dall., ibid., n. 299; 1er juill. 1830, ibid, t. 3, p. 60; 25 juin 1836, Dev. et Car., 36.1.846; D. P. 36 1,400; 22 déc. 1862, Bull. n, 277;12 févr. 1863, Bull. n. 46; D. P. 63.5.163; 27 avril 1869, Bull, n. 123: D. P. 66.1.398; 24 fév. 1865, Bull. n. 48; 26 nov. 1869, Bull, n. 242; D. P. 70.1.439, etc. ** V. encore Cass., 24 mai 1873; Bull. n. 147. - fer juin 1876; Bull. n. 130; - 2 janv. 1879; Bull. n. 4;-18 juillet 1884, Bull. n. 239.

fait exception, en toute matière, à la culpabilité. et que ce principe est applicable aux contraventions de police » C'est aux prévenus qu'il appartient d'établir cette exception; mais lorsqu'elle est reconnue, la déclaration des juges du fait échappe au contrôle de la Cour de cassation 3, à moins qu'ils ne l'aient fait résulter de documents qui n'aient pas un caractère juridique ou de faits qui n'ont pas le caractère d'une force majeure 5.

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2723. Une autre règle est que les contraventions, sauf quelques cas exceptionnels, par exemple en matière de tapages injurieux, n'admettent pas de complices. Les art. 59 et 60 ne s'appliquent qu'aux crimes et délits, (Voy. no 316.) La raison en est que la complicité suppose un concert préalable, une intention commune aux auteurs et complices. Mais un fait commis sans intention, une négligence, une imprudence, une inobservation des règlements, ne peut admettre de complices, parce qu'un tel fait ne suppose ni aide, ni préparatifs, ni concert préalable. La contravention est nécessairement individuelle: si elle est commise par plusieurs, chacun des contrevenants est auteur principal; il y a des coauteurs et pas de complices; il y a autant de contraventions que d'individus. Nous avons déjà eu occasion de développer cette règle.

2724. Ces premières règles posées, nous allons aborder les dispositions du Code. Nous diviserons cette matière dans les

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1. Cass., 8 août 1840, Bull. n. 226; Dall, vo Peine, n. 420; 7 juill. 1827, Bull. n. 180; 20 juill. 1838, Bull. n. 237; Dall., tbid., n. 376-1o. ** Adde Cass., 8 août 1874; Bull. n. 225; 10 janv. 1879; Bull. n. 16. 2. Cass., 15 nov. 1840, Bull. n. 358; 9 déc. 1859, Bull. n. 269; Devill. et Car., 60.1.189; D. P. 60.1.144.

3. Cass., 1 mars 1855, Bull. n. 77; Devil. et Car., 55.1.318; J. P. 55. 2.10; D.P. 55.1.184.

4. Cass., 7 déc. 1855, Bull. n. 393; Devill. et Car., 56.1.276; J. P. 56. 2.441; D.P. 56.1.32.

5. Cass., 12 juin 1856, Bull. n. 215; D.P. 56.1.381; 27 juill. 1854. Bull. n. 241 ; 11 janv. 1862, Bull. n. 15; 23 juill. 1864, Bull. n. 196; 11 juin et 3 août 1868, Bull. n. 159 et 301; 7 nov. 1867, Bull. n. 223; Devill. et Car., 68.1.280; J. P. 68. 675; D. P. 72.5.222.

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