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eu violation de clôture, le maximum de la peine sera prononcé. »

Les animaux domestiques sont ceux qui se familiarisent avec l'homme, et vivent autour de lui dans son habitation : tels sont les chiens, les chats, les pigeons de volière, les oiseaux de basse-cour, les animaux apprivoisés 1. La jurisprudence a étendu cette disposition aux vers à soie : «< attendu que, sous la dénomination générale d'animaux domestiques, l'article 454 comprend les êtres animés qui vivent, s'élèvent, sont nourris, se reproduisent sous le toit de l'homme et par ses soins; que les vers à soie, qui remplissent ces conditions, doivent être considérés comme des animaux domestiques 2. »>

2638. L'art. 454 prévoit tous les modes de destruction. Ainsi l'empoisonnement par l'administration d'une substance placée, de dessein prémédité, à leur portée, pour les détruire, et qui leur a donné la mort, est un des modes de tuer les animaux prévus par cet article 3. Mais, de même que, dans le cas de l'article 453, la nécessité justifie la destruction de ces animaux, et cette nécessité se fonde sur les mêmes motifs, c'est-à-dire sur la protection qui est due à la sûreté des personnes; de même aussi, dans l'article 453, la loi n'incrimine que ceux qui ont tué ces animaux. Les simples blessures ne sont passibles d'aucune peine correctionnelle.

2639. Mais l'application de l'art. 454 est subordonnée à une condition générale et absolue: il ne suffit pas que l'animal ait été tué sans nécessité, il faut encore qu'il l'ait été dans un lieu dont le maître de cet animal serait propriétaire, colon ou fermier, En effet, les animaux domestiques ne sont considérés comme une propriété et la loi ne les protège qu'autant qu'ils sont sur le terrain de leur maître; si celui-ci les laisse va

1. Cass., 17 août 1822, Devill. et Car., 7.126; J. P. 17.572; Dall., vo Dom. destr., n. 276.

2. Cass., 14 mars 1861, Bull. n. 54; Devill. et Car. 61.1.1012; J. P. t. 61, p. 908; D. P. 61.1.184.

3. Même arrêt.

4. Cass., 17 août 1822, Dev. et Car. 7.126; J. P. 17.572; Dall., ve Dom. destr. n. 276.

guer sur le terrain d'autrui ou sur la voie publique, cet abandon est une sorte de présomption qu'il renonce à sa propriété; il doit du moins s'imputer sa négligence, et leur destruction cesse d'être un délit. C'est aussi le motif qu'exprimait Cambacérès dans la discussion du Code au Conseil d'Etat. « Celui qui trouve chez lui un chien étranger peut avoir de justes motifs pour s'en défaire, et d'ailleurs le maître doit s'imputer de l'avoir laissé vaguer 1. »

Ainsi, lorsque la destruction d'un animal domestique n'est justifiée par aucune nécessité, la condition essentielle de l'incrimination de ce fait, l'unique condition qui lui imprime le caractère d'un délit, c'est qu'il ait été tué sur le propre terrain de son maître. C'est cette violation de la propriété que la loi a voulu punir dans tout autre lieu, à la différence des bestiaux et des autres animaux utiles, la destruction d'un animal domestique, faite sans nécessité, ne peut donner lieu qu'à des dommages-intérêts, sauf l'application de l'art. 479, n 2.

L'art. 454 ajoute, comme l'art. 453: «S'il y a eu violation. de clôture, le maximum de la peine sera prononcé. » Le délit commis contre la propriété devient plus grave lorsqu'il est accompagné de cette sorte d'effraction; elle suppose même une préméditation de l'acte de destruction.

Enfin l'art. 455, par une disposition qui est commune aux articles précédents, depuis l'art. 444, prononce une amende qui ne peut excéder le quart des restitutions et dommagesintérêts, ni être au-dessous de seize francs. Cette peine se cumule avec l'emprisonnement, sauf l'application du dernier paragraphe de l'art. 463.

3. Procès-verbaux du Conseil d'Etat, séance du 12 septembre 1809.

CHAPITRE LXXXIX.

DES DESTRUCTIONS DE CLÔTURES.

(Commentaire de l'art. 456 du Code pénal.)

2640. Dispositions des lois anciennes sur ce délit.

2641. Dispositions de la loi de 1791 et du Code pénal (art. 456). 2642. Esprit du législateur manifesté dans la discussion de cet article. 2643. Il comprend toutes les destructions de clôtures, tous les déplacements, toutes les suppressions de bornes.

2644. Exposé de la jurisprudence sur ce point.

2645. Il y a lieu toutefois de restreindre son application à la destruction des clôtures rurales destinées à séparer les héritages.

2646. Si la dégradation des clôtures doit être considérée comme une destruction partielle de ces clôtures.

2647. Du déplacement des bornes ou pieds corniers servant de limites entre les héritages.

2648. Quid si la borne déplacée a été replacée dans les mêmes limites? 2649. Dans quels cas la poursuite de ce délit peut donner lieu à une ques

tion préjudicielle de propriété.

2650. Application de l'art.456 à la destruction des conduites d'eau. Loi du 14 juin 1854, sur le drainage.

2640. Le délit de déplacement de bornes on de destruction de clôtures a été puni par les législations les plus anciennes : Non assumes et transferes terminos proximi tui quos fixerant priores in possessione tuâ 1. Ce fut la première sanction du partage des terres, le premier délit peut-être et longtemps le plus commun des peuples primitifs.

La loi romaine distingua, dans le déplacement des bornes, plusieurs délits différents, suivant l'intention de l'agent et le

1. Deutéron., cap. 19, v. 14.

but qu'il se proposait. Celui qui déplace une borne ou détruit une clôture peut avoir pour but, en effet, ou d'envahir une propriété voisine de la sienne, ou de faire disparaître un élément de décision dans un procès pendant en justice, ou seulement de causer un préjudice et de nuire à autrui, ou enfin de voler les matériaux mêmes qui forment la borne ou la clôture.

Lorsque l'agent avait pour but d'agrandir son héritage par le déplacement de la limite, le délit prenait un caractère grave, et la peine était la relégation 1.

S'il avait voulu ôter à son adversaire une preuve dans une contestation judiciaire, la peine était arbitraire, et devait être graduée d'après la condition personnelle et les circonstances du fait: Qui, finalium quaestionum obscurandarum causâ, fines locorum convertunt pœnâ plectendi sunt pro personá et conditione et factorum violentiâ 2; s'il s'était proposé seulement de nuire à autrui sans aucun profit personnel, la peine était purement pécuniaire: Lege agrariâ quam Caius Cæsar tulit adversùs eos qui terminos statutos intra suum gradum finesve moverint dolo malo, pecuniaria pœna constituta est3; enfin, s'il avait eu d'autre but que de s'emparer des matériaux mêmes qui servaient de limites aux héritages, on distinguait s'il avait su ou non que ces matériaux constituaient une limite dans le premier cas, il était passible des peines du vol; dans le deuxième, il était seulement frappé de verges: Si per ignorantiam aut fortuito lapides furati sunt, sufficit eos verberibus decidere 5.

1. L. 2, Dig. de termino moto. Cependant les interprètes du Digeste ont longuement discuté si cette peine devait être pécuniaire ou corporelle. Voy Menochius, de abitr., quæst., casu 393, num. 15 et 519; Farinacius, de furtis, quæst. 168, num. 91, 92, 93 et 94.

2. L. 3, § 2, Dig. de termino moto; Farinacius, quæst. 168, n. 96; Menochius, casu 393, num. 18 et 19.

3. L. 3, Dig. de termino moto; Farinacius, loc. cit., num. 104; Menochius, loc. cit., num. 22.

4. Voy. Gloss. in leg. 3, Dig. de termino moto; Farinacius, loc. cit., num. 100.

5. L. 2, Dig. de termino moto, et la glose sur cette loi.

Dans notre ancien droit, la peine applicable à la destruction des limites des héritages était en général arbitraire; la jurisprudence avait fixé la peine du fouet et du bannissement; mais, dans le cas où le déplacement avait été fait en vue d'en tirer profit, la peine était celle des galères à temps, à cause, dit Muyart de Vouglans, de la violation de la foi publique qui accompagne ce vol 2. L'art. 635 de la coutume de Bretagne portait aussi : « Ceux qui ôtent ou arrachent des bornes sciemment, et ceux qui mettent de fausses bornes, doivent être punis comme larrons. »

2641. La loi des 28 septembre-6 octobre 1791 n'avait point reproduit ces différentes distinctions, mais elle prévoyait, par deux dispositions séparées, la dégradation des clôtures et leur destruction; l'art. 17 du titre 2 de cette loi portait : « Il est défendu à toute personne de recombler les fossés, de dégrader les clôtures, de couper des branches de haies vives, d'enlever des bois sur des haies, sous peine d'une amende de la valeur de trois journées de travail. Le dédommagement sera payé au propriétaire, et, suivant la gravité des circonstances, la détention pourra avoir lieu, mais au plus pour un mois. » L'article 32 de la même loi ajoutait: « Quiconque aura déplacé ou supprimé des bornes ou pieds corniers, ou autres arbres plantés ou reconnus pour établir les limites entre différents héritages, pourra, en outre du paiement du dommage et des frais de replacement des bornes, être condamné à une amende de la valeur de douze journées de travail, et sera puni par une détention dont la durée, proportionnée à la gravité des circonstances, n'excédera pas une année; la détention pourra cependant être de deux années, s'il y a transposition de bornes à fin d'usurpation. »>

Le Code pénal n'a reproduit que la dernière de ces deux dispositions; l'art. 456 est ainsi conçu: « Quiconque aura, en tout ou en partie, comblé des fossés, détruit des clôtures, de quelques matériaux qu'elles soient faites, coupé ou arraché

1. Conférence du droit français, in tit. finium rep. au Dig.; Jousse, Traité de just. crim., t. 3, p. 337.

2. Lois criminelles, p. 313.

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