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CHAPITRE LXXXVIII.

DE LA DESTRUCTION DES ANIMAUX.

(Commentaire des art. 452, 453, 454 et 455 du Code pénal.)

2628. Objet de ce chapitre: texte de l'art. 452.

2629. Éléments du délit prévu par cet article.

2630. L'énumération des animaux qu'il fait est limitative.

2631. De la destruction par d'autres moyens que l'empoisonnement (article 453).

2632. Ceux qui ont blessé sans les tuer les animaux désignés par la loi

sont-ils passibles d'une peine?

2633. Application faite par la jurisprudence de l'art. 30, titre 2, de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791.

2634. Il n'y a plus de délit quand il y a eu nécessité.

2635. Il est nécessaire de constater que la destruction à été volontaire. 2636. Le lieu où l'animal a été tué peut devenir une circonstance aggravante ou atténuante du délit.

2637. De la destruction des animaux domestiques. Ce qu'il faut entendre par cette expression (art. 454).

2638. Caractère de cette destruction.

2639. Caractères particuliers de la destruction des animaux domestiques.

2628. Le Code pénal, après avoir puni la destruction des diverses propriétés, punit celle des animaux ; il les divise en deux catégories :

La première comprend les chevaux ou autres bêtes de voiture ou de charge, les bestiaux à cornes, les moutons, les chèvres, les porcs, enfin les poissons;

La deuxième comprend les animaux domestiques.

A l'égard des animaux de la première catégorie, la loi prévoit deux modes de destruction, l'empoisonnement et la destruction par tout autre moyen; ces deux modes de destruction font l'objet de deux dispositions distinctes.

La législation de 1791 avait également fait cette distinction. L'article 36 de la section 2 du titre 2 du Code du 25 septembre-6 octobre 1791 prévoyait, par une disposition. spéciale, l'empoisonnement de certains animaux: « Quiconque sera convaincu d'avoir, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, empoisonné des chevaux et autres bêtes de charge, moutons, porcs, bestiaux, et poissons dans les étangs, rivières ou réservoirs, sera puni de six années de fers. »

L'art. 452 du Code pénal à fidèlement reproduit cette disposition, en modifiant seulement la gravité du fait et en ne lui laissant que le caractère d'un simple délit : « Quiconque aura empoisonné des chevaux ou autres bêtes de voiture, de monture ou de charge, des bestiaux à cornes, des moutons, des chèvres ou porcs, ou des poissons dans les étangs, rivières ou réservoirs, sera puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans, et d'une amende de 16 francs à 300 francs. Les coupables pourront être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police, pendant deux ans au moins et cinq ans au plus 1. >>

2629. Il résulte de cette disposition que le délit se compose de deux éléments: le fait de l'empoisonnement, et la qualité de l'animal empoisonné.

Deux conditions sont nécessaires pour qu'il y ait empoisonnement l'intention de porter atteinte à la vie, l'attentat consommé par l'administration d'une substance capable de donner la mort.

La volonté de donner la mort est une eirconstance essentielle du délit ; car celui qui administre un poison en ignore souvent la puissance, et on ne peut lui imputer un accident qu'il n'aurait pas prévu; il faut donc qu'il soit constaté que l'agent a connu les effets de la substance vénéneuse, et qu'il l'a administrée pour les lui faire produire. Il ne s'agit pas

1. ** On sait que la surveillance de la haute police a été abolie par la loi du 27 mai 1885 (art. 19) et remplacée par la défense faite au condamné de paraître dans les lieux dont l'interdiction lui aura été signifiée par le Gouvernement avant sa libération.

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d'une contravention matérielle, mais d'un délit moral qui ne peut exister que par la volonté de nuire 1.

Il faut, en second lieu, que la substance ait eu la puissance de donner la mort; car, si elle est inoffensive, le fait matériel disparaît, et il ne demeure plus qu'une intention criminelle qui, isolée de tout acte d'exécution, ne peut être l'objet d'aucune peine. Mais, si la substance, bien que capable de donner la mort, ne l'a pas causée, l'article est-il applicable? L'affirmative n'est pas douteuse : si la substance a été administrée, si elle était de nature à causer la mort, et donnée en quantité suffisante pour l'occasionner en effet, l'action se trouve complétement exécutée; le délit est légalement consommé 2: mais, si l'agent n'a fait que disposer la substance à portée des animaux qu'il veut empoisonner, et si ces animaux s'abstiennent d'y toucher, cette action ne sera passible d'aucune peine; car elle ne constitue qu'une simple tentative d'empoisonnement, et les tentatives de délit ne sont punissables que quand la loi l'a formellement exprimé.

La loi n'a point énuméré les substances qui peuvent causer la mort des animaux. L'art. 14 du titre 31 de l'ordonnance de 1669 avait prévu celles qui peuvent occasionner la mort des poissons cet article défendait de jeter dans les rivières aucune chaux, noix vomique, coque du Levant, momie ou autres drogues, à peine de punition corporelle. Il appartient au juge d'apprécier le caractère des substances d'après les principes de la science et l'analyse des experts.

2630. L'art. 452 ne punit l'empoisonnement qu'à l'égard des animaux qui s'y trouvent énumérés. Cette énumération est limitative; elle mentionne d'une manière spéciale les différentes espèces d'animaux qui constituent une propriété utile, il n'est pas permis d'en étendre les termes. C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé « que cet article, ne parlant

1. Cass., 7 oct. 1847, Bull. n. 253; Devill. et Car., 47.1.857; D.P.47. 1.352.

2.** L'art. 301 C. pén. définit. en effet, l'empoisonnement « Tout allentat à la vie par l'effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement... »

que de quadrupèdes, qu'il désigne d'une manière spéciale, et de poissons, est nécessairement limitatif et non pas simplement démonstratif . » Ces animaux sont les chevaux ou autres bêtes de voiture, de monture ou de charge, les bestiaux à cornes, les moutons, chèvres ou porcs, enfin les poissons dans les étangs, rivières ou réservoirs.

Ainsi l'empoisonnement de tous les animaux qui ne sont pas compris dans cette énumération ne peut motiver l'application de l'article; tel serait l'empoisonnement des pigeons et des volailles. Toutefois chaque espèce comprend nécessairement tous les individus de l'espèce désignée ainsi le mot chèvres s'étend à tous les individus, soit mâles, soit femelles, de cette classe d'animaux, et par conséquent aux boucs et aux chevreaux 2. Quant aux poissons, ils ne rentrent dans les termes de la loi qu'autant qu'ils sont placés dans des étangs, rivières ou réservoirs, car alors ils constituent une véritable propriété. L'empoisonnement des poissons dans les rivières navigables ou flottables, canaux ou ruisseaux, est prévu par l'art. 26 de la loi du 15 avril 1829, qui porte: «Quiconque aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le poisson ou à le détruire, sera puni d'une amende de trente francs à trois cents francs, et d'un emprisonnement d'un mois à trois mois. »>

2631. Le Code, après avoir puni l'empoisonnement des animaux qu'il désigne, punit, mais d'une peine moindre, la des truction des mêmes animaux par tout autre moyen. Le législateur a pensé que l'empoisonnement supposait à la fois une préméditation et une méchanceté qui motivaient une peine grave, tandis que tout autre mode de causer la mort, pouvant être employé instantanément et sans préméditation, devait entraîner une pénalité plus faible.

Les lois de 1791 avaient également fait cette distinction: nous avons vu que l'empoisonnement des bestiaux et des poissons était puni de six ans de fers. L'art. 30 du titre 2 de

1. Cass., 17 août 1822, J. P., t. 17, p. 572; Devill. et Car., 7.126; Dall., vo Dom. destr., n. 276; 29 mai 1868, Bull. n. 140.

2. Cass., 1er août 1811, Devill. et Car., 3.387.

la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 s'appliquait aux autres moyens de destruction, et portait : « que toute personne convaincue d'avoir de dessein prémédité, méchamment, sur le territoire d'autrui, blessé ou tué des bestiaux, ou chiens de garde, sera condamnée à une amende double de la somme du dédommagement. Le délinquant pourra être détenu un mois, si l'animal n'a été que blessé, et six mois, s'il est mort de sa blessure ou en est resté estropié. Le détenteur payera le double si le délit a été commis la nuit, ou dans une étable, ou dans un enclos rural. »

Telle est la disposition dans laquelle l'art. 453 a été puisé; il s'en est toutefois écarté dans plusieurs points: c'est ainsi qu'il ne prévoit que la destruction de l'animal, et non les simples blessures qui lui ont été portées; c'est ainsi qu'il fait complète abstraction des circonstances de nuit et de la préméditation.

Cet article est ainsi conçu : « Ceux qui sans nécessité auront tué l'un des animaux mentionnés au précédent article seront punis ainsi qu'il suit : si le délit a été commis dans les bâtiments, enclos et dépendances, ou sur les terres dont le maître de l'animal tué était propriétaire, locataire, colon ou fermier, la peine sera un emprisonnement de deux à six mois;

s'il a été commis dans les lieux dont le coupable était propriétaire, locataire, colon ou fermier, l'emprisonnement sera de six jours à un mois; s'il a été commis dans tout autre lieu, l'emprisonnement sera de quinze jours à six semaines. - Le maximum de la peine sera toujours prononcé en cas de violation de clôture. >>

Cette disposition s'applique à ceux qui ont tué les animaux (les mêmes que dans l'article précédent), sans désigner aucun mode de destruction; il s'ensuit que tous les modes, hors l'empoisonnement, sont compris dans les termes de cet article.

2632. Mais la loi ne parle que de ceux qui ont tué. Ceux qui ont blessé échappent-ils donc à toute répression? La Cour de cassation ne l'a pas pensé ; elle a jugé que l'art. 30 du titre 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, dont nous avons rapporté le texte, et qui punit les simples blessures

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