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nuire aux personnes ou seulement aux propriétés; il suffit que la volonté ait été criminelle, que l'agent se soit proposé de porter un préjudice quelconque à autrui: le caractère du crime résulte ensuite de la nature de l'édifice détruit.

2566. Le fait matériel de la destruction est le deuxième élément du crime. Deux conditions se réunissent ici : il faut que l'édifice ait été détruit. et que cette destruction ait eu lieu par l'effet d'une mine.

C'est la destruction, c'est-à-dire la consommation même du crime, que la loi punit; ce ne serait donc pas assez que l'agent eût disposé une mine pour opérer la destruction: cette disposition du Code de 1791 n'a pas été reproduite par le Code pénal; ce ne serait même pas assez que l'édifice n'eût éprouvé qu'une dégradation et même une destruction partielle; c'est la destruction complète, entière, qui fait l'objet de l'article. Toutefois la tentative de la destruction est punie comme le crime même, pourvu qu'elle réunisse les caractères constitutifs de la tentative légale, et la destruction partielle et la simple dégradation pourraient être considérées, suivant les circonstances, comme un élément de cette tentative.

Mais le caractère distinctif de cette destruction, qu'elle soit entière ou partielle, est qu'elle ait lieu par l'effet d'une mine; toute destruction, même complète, provenant d'une autre cause, ne pourrait rentrer dans les termes de l'art. 435. L'emploi d'une mine a les mêmes caractères que l'emploi du feu; les dangers que présente ce moyen de destruction sont tels, que la loi a pu supposer dans l'agent qui s'en sert une criminalité plus grande; cette criminalité est donc spécialement attachée au moyen mis en œuvre.

Est-il nécessaire que la puissance de la mine soit en rapport avec la destruction qu'elle veut accomplir? Cette question peut être examinée dans deux hypothèses. L'agent a fait jouer la mine; elle n'a produit qu'une faible dégradation, attendu qu'elle n'avait pas la force suffisante pour détruire. Le fait est consommé; a-t-il les caractères du crime? Evidemment non; car non-seulement la chose n'a pas été détruite, mais elle n'a pas été sérieusement menacée; et l'impuis

sance du moyen de destruction fait présumer le défaut de volonté. Supposons, dans une seconde hypothèse, que l'agent a été arrêté au moment où il allait mettre le feu à cette même mine; son action pourra-t-elle être considérée comme une tentative légale du crime? S'il est constaté que la mine ne pouvait produire aucune destruction, qu'elle n'avait aucune puissance, il manquerait au crime le fait matériel qui le constitue. La loi ne punit que la destruction ou la tentative de destruction; d'où il suit qu'il est nécessaire que la mine ait eu ou possédé la puissance d'opérer cette destruction. Il en est dans ces deux cas comme de l'empoisonnement, qui, bien que consommé dans la pensée de l'agent, ne constitue aucun crime si la substance offerte ou administrée se trouve, à son insu même, n'être pas malfaisante.

2567. Le troisième élément du crime se puise dans la nature de la chose détruite.

Nous avons vu que l'ancien art. 435 n'avait prévu que la destruction, par l'effet d'une mine, des édifices, navires et bateaux. La loi modificative du Code pénal ajoute à ces objets les magasins et chantiers. Cette addition a pour but de mettre en harmonie les art. 434 et 435.

Une difficulté doit être examinée. L'art. 95 du Code pénal a prévu la destruction, par l'explosion d'une mine, des édifices, magasins, arsenaux, vaisseaux ou autres propriétés appartenant à l'Etat. Faut-il conclure du rapprochement de ces deux articles que l'art. 95 s'applique spécialement à la destruction des propriétés publiques par l'effet d'une mine, et que l'art. 435 ne doit être appliqué qu'à la destruction des propriétés particulières par le même moyen? Nous avons examiné cette question en expliquant l'art. 95, et nous avons pensé que cet article ne doit être appliqué que dans les cas où le crime a pour but de troubler l'Etat par la guerre civile et de compromettre sa sûreté 1. Nous nous bornerons donc à renvoyer nos lecteurs à l'examen de cet article. Notre opinion, au reste, reçoit une nouvelle force des distinctions introduites dans la pénalité de l'art. 435; il serait contradic

1. V. notre tome 2, n. 490.

toire en effet que ces distinctions ne fussent applicables qu'aux propriétés privées et non aux propriétés publiqnes. Elles ne peuvent être exclues que dans un seul cas, c'est lorsque le crime puise sa criminalité principale moins dans le moyen qu'il emploie que dans le but qu'il se propose ; et c'est ce qui arrive quand l'explosion de la mine se rattache à une tentative de guerre civile: on conçoit mieux que, dans ce cas, la peine soit identique, quelle que soit la gravité du résultat.

2568. Il nous reste à nous occuper de l'échelle pénale que la loi rectificative du Code a voulu étendre à ce crime. L'article 435 porte que la peine sera la même que dans l'article précédent, d'après les distinctions faites dans cet article. C'est donc à l'article 434 qu'il faut recourir pour connaître les peines applicables. Il résulte de la combinaison des dispositions de cet article avec celles de l'art. 435 que celui qui a détruit, par l'effet d'une mine, des édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers, quand ils sont habités ou servent à l'habitation, est puni de mort; que celui qui a détruit par le même moyen les mêmes objets, quand ils ne sont pas habités ou ne servent pas à l'habitation, est puni des travaux forcés à perpétuité, si ces objets ne lui appartiennent pas, et des travaux forcés à temps, s'ils lui appartiennent, et si, dans ce dernier cas, la destruction a causé un préjudice quelconque à autrui; enfin que, dans tous les cas, si la destruction a occasionné la mort d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux minés au moment de l'explosion de la mine, la peine est la mort. Les autres dispositions de l'article 434 sont évidemment étrangères aux crimes prévus par l'art. 435.

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2569. Ces menaces sont un crime grave, puisqu'il porte le trouble dans la famille menacée, et la tient dans un état d'anxiété alarmant qui exige une surveillance aussi dangereuse que pénible. Elles sont fréquentes surtout dans les pays où l'usage de couvrir en chaume les bâtiments de la 9

TOME VI.

campagne est le plus répandu; elles y sont connues sous le nom de sommations. Avant 1791 elles étaient punies de mort, et même du supplice de la roue dans quelques-unes de nos provinces.

L'article 34 de la section 2 du titre 2 du Code de 1791 modifia avec raison ces peines; « Quiconque sera convaincu d'avoir verbalement, ou par écrits anonymes ou signés, menacé d'incendier la propriété d'autrui, quoique lesdites menaces n'aient pas été réalisées, sera puni de quatre années de fers. >>

L'article 13 de la loi du 25 frimaire an VIII réduisit cette peine à celle d'un emprisonnement de six mois à deux années.

La loi du 12 mai 1806 ajouta à cette disposition une incrimination nouvelle : Tout individu qui sera convaincu d'avoir menacé, par écrit anonyme ou signé, d'incendier une habitation ou toute autre propriété, si la personne ne dépose pas une somme d'argent dans un lieu indiqué ou ne remplit pas toute autre condition, et bien que les menaces n'aient point été réalisées, sera puni de vingt-quatre ans de fers, et flétri sur l'épaule gauche de la lettre F. »

Ainsi la législation punissait deux espèces de menaces d'incendie : la menace verbale ou par écrit sans conditions, et la menace par écrit conditionnelle. La première constituait un délit,lors même qu'elle s'était manifestée dans la chaleur d'une querelle, et sans qu'aucune circonstance eût amené l'intention réelle d'incendie 1; le législateur avait cru devoir punir le fait seul d'une simple menace, indépendamment de toute autre circonstance, à raison de la terreur qu'elle pouvait inspirer. Dans le second cas, la menace était écrite et réflé chie; elle contenait sommation de déposer une somme d'argent ou de remplir toute autre condition; elle constituait un crime.

Le Code ne s'est point arrêté à cette distinction. Il a considéré en général les menaces d'incendie comme des menaces

1. Cass., 20 mars 1807, Dev. et Car., 2.363; Dall., vo Dom. dest.j n. 124.

d'assassinat, et les a punies de la même manière. L'art. 436 est ainsi conçu: « La menace d'incendier une habitation ou toute autre propriété sera punie de la peine portée contre la menace d'assassinat, et d'après les distinctions établies par les art. 305, 306 et 307. »

Le rapporteur du Corps législatif expliquait cette assimilation en ces termes : « Vous n'avez pas cru devoir placer la menace d'assassinat sur la même ligne que l'assassinat luimême ; votre commission a pensé que vous trouveriez convenable de suivre la même règle à l'égard des menaces d'incendie, et de les traiter comme celles de mort. Les menaces de mort sont, si l'on veut, plus graves; mais celles d'incendie sont d'une exécution plus facile; il y a moins de moyens de se prémunir contre leur effet, et les considérations qui réclament contre l'incendie les mêmes peines que contre l'assassinat semblent demander que les menaces de ces deux crimes reçoivent aussi une punition semblable. »

3570. Nous avons examiné, sous les art. 305, 306 et 307, les principes qui régissent l'incrimination des menaces d'assassinat. (Voy. nos 1170 et suiv.) Il suffit donc de nous y référer, puisque les menaces d'incendie sont soumises aux mêmes règles. Cependant nous ajouterons quelques brèves observations.

En premier lieu, la menace d'incendie étant punie de la peine portée contre la menace d'assassinal, et d'après les distinctions établies par les art. 305, 306 et 307, il s'ensuit que la menace d'incendie par écrit anonyme ou signé, dans le cas où la menace est faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué ou de remplir toute autre condition, est punie de la peine des travaux forcés à temps; que, si cette menace n'est accompagnée d'aucun ordre ou condition, la peine est un emprisonnement de deux à cinq ans et une amende de 100 à 600 fr.; enfin, que, si la menace avec ordre ou sous condition a été verbale, la peine est réduite à un emprisonnement de six mois à deux ans et à une amende de 25 à 300 francs.

Mais si la menace verbale d'incendie n'a été accompagnée ni d'ordre ni de condition, elle ne constitue aucun délit. Le

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