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nières questions, et l'unique motif de ses décisions est puisé dans le texte de l'art. 390 du Code pénal. Le premier de ces arrêts, qui confond les dépendances de la maison habitée dans cette maison même, porte : « que, lorsque la loi fixe elle-même la signification des termes qu'elle emploie, il n'est pas permis au juge de restreindre ni d'étendre cette signification; que l'art. 390 du Code pénal détermine d'une manière générale, sans limitation aux seuls cas de vol, le sens et l'étendue de l'expression maison habitée employée dans ce Code; que, d'après cet article, on doit réputer maison habitée, non-seulement tout bâtiment, logement, etc., qui est destiné à l'habitation, mais aussi tout ce qui en dépend, comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices qui y sont internés, quel qu'en soit l'usage; que le législateur, en employant dans le § 1er de l'art. 434, lors de la révision du Code de 1832, les expressions lieux habités ou servant à l'habitation, ne leur a pas attribué un sens moins étendu qu'à celle de maison habitée, dont la définition se trouvait, dès 1810, dans l'art. 390 du Code pénal, qui fait partie du même chapitre que l'art. 434 ; que les expressions lieux habités ou servant à l'habitation sont même plus générales en ce qu'elles désignent à la fois les bâtiments habités et ceux qui, même sans être habités, sont consacrés aux besoins de l'habitation, ce qui embrasse nécessairement les bâtiments accessoires qui dépendent de l'habitation 4. » Le deuxième arrêt assimile à la maison habitée les lieux qui sont seulement destinés à l'habitation. II déclare également : « que l'article 390 a défini d'une manière générale ce qu'il faut entendre par maison habitée; qu'il n'a pas limité aux seuls cas de vol le sens et l'étendue de sa définition; que le § 1er de l'article 434, en se servant des expressions lieux habités ou servant à l'habitation, ne leur a pas attribué un sens moins étendu qu'à celle de maison habitée définie dans l'art. 390; que, d'après ces principes, l'arrêt attaqué, en imputant à l'accusé d'avoir volontairement mis le feu à des bâtiments dépendant d'une maison habitée

1. Cass., ch. réun., 14 août 1839, Bull. n. 259; Devill. et Car., 39.1.714; Dall., vo Incendie, n. 13-3o.

TOME VI.

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et d'avoir par ce moyen communiqué le feu à ladite maison, laquelle, quoique non habitée au moment du crime, était destinée à l'habitation, crime prévu par les art. 434, § 1o, et 390 du Code pénal, n'a point fait une fausse application de ces articles 1. »

2526. Cette double interprétation nous a paru susceptible de quelques objections.

Elle est uniquement fondée sur l'application au crime d'incendie de l'art. 390 du Code pénal. Cet article ne définit ni la maison habitée, ni la maison servant à l'habitation; il a laissé à ces deux expressions leur sens propre et naturel; mais, par une fiction légale, il assimile à la maison habitée les bâtiments qui, sans être habités, sont destinés à l'habitation, et les dépendances des maisons habitées. Or, cette fiction, introduite dans la loi pénale pour l'incrimination spéciale du vol, doit-elle être étendue par voie d'interprétation à la répression de l'incendie ?

Il faut remarquer, en premier lieu, que le législateur, au moment où il rédigeait l'art. 390, n'avait en vue, et ne pouvait avoir en vue, que le vol seul, puisque l'art. 434, dans l'édition de 1810, ne faisait aucune distinction entre l'incendie des lieux habités et l'incendie des lieux inhabités, et portait dans tous les cas contre ce crime uue peine uniforme; la fiction établie par l'article 390 ne devait donc nécessairement s'appliquer qu'au vol. Ainsi la question est uniquement de savoir si le législateur de 1832, en introduisant dans l'incrimination de l'incendie la distinction des lieux habités ou inhabités, a entendu se référer aux dispositions répressives du vol, et étendre à l'incendie une fiction légale qui n'avait été faite que pour le vol.

Aucun terme de la loi, aucune parole de la discussion n'in

1. Cass., 13 fév. 1840, Devill. et Car., 40.1.910; D.P.40.1.400; 20 janv. 1843, Bull. n. 6: Devill.43.1.464; Pal.43.2.264; D.P.43.4.54; 18 fév. 1843, Bull. n. 37; Devill.43.1.665; Pal. 43.1.687; D.P.43.4.268; 8 août 1844, Bull. n. 284; Devill. 45.1.59; Pal.44.2.420; D.P.44.1.357; 18 janv. 1847, Bull. n. 10; Devill.47.1.5; Pal.47.1.576; D. P. 47.1.12; 15 juin 1849, Bull. n. 138; D.P.49.5.248.

dique cette pensée. L'examen des textes conduit même à une conclusion contraire. Si le rédacteur de l'art. 434 avait eu l'art. 390 sous les yeux, il se fût servi des expressions et des formules de cet article; or, l'expression de lieux habités ou servant à l'habitation n'est point celle adoptée par l'art. 390; l'art. 434 ne s'y référait donc pas. Ensuite, pourquoi le législateur, aux lieux habités ou servant à l'habitation, n'eût-il pas ajouté leurs dépendances? Cette addition se trouve dans l'article 276 du Code; elle se trouve dans les art. 381 et 384; est-elle donc un pléonasme dans ces articles? Aucun terme de la loi n'est inutile. Il faut donc conclure, puisque la loi a énoncé, dans ces articles, les dépendances à côté de la maison habitée, que ces dépendances ne sont pas nécessairement comprises dans la maison habitée, et que l'omission de leur énonciation doit les en exclure.

Et puis il est évident que l'art. 390 ne peut avoir qu'un seul objet, la répression du vol; il trace un cercle immense autour du domicile; il enferme dans cette enceinte, pour ainsi dire, non-seulement les bâtiments destinés à l'habitation, mais encore tout ce qui en dépend, les cours, les basses-cours, les granges, les écuries, les jardins, les enclos; sa surveillance est égale à l'égard de tous ces objets, parce que les voleurs, une fois introduits dans l'enclos, peuvent s'avancer de l'un à l'autre, parce que la sûreté des propriétaires est menacée par le seul effet de cette introduction. Mais comment le législateur eût-il prévu l'incendie d'une cour, d'une basse-cour, d'un jardin, d'un enclos? Comment le feu mis à une grange, à une écurie, à un édifice quelconque, quelque isolé qu'il fût, serait-il puni comme l'incendie d'une maison habitée, par cela seul que cet édifice serait compris dans le même enclos que cette maison ?

Le principe qui domine l'incrimination de l'incendie est entièrement distinct. Lorsque le feu n'est pas mis à la maison habitée elle-même, le crime ne peut puiser une intensité identique que dans la facilité de sa communication à cette maison. L'objet incendié est-il placé de manière à favoriser cette communication? il est évident que l'incendie doit être puni comme s'il avait été mis à la maison même. Est-il au

§ Ier.

De l'incendie des lieux habités ou servant à
l'habitation.

2521. Le § 1er de l'art. 434 est ainsi conçu : « Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servant à l'habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l'habitation,' qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, sera puni de mort. »>

C'est l'incendie qui fait courir des risques à la vie des hommes, que ce paragraphe a eu pour but de punir; le feu est considéré comme un instrument, comme un moyen d'homicide: « C'est ici, disait le rapporteur à la Chambre des pairs, la vie de l'homme que la loi protége, et non l'attentat à la propriété qu'elle punit. » C'est cette pensée qui a motivé l'application de la peine de mort; elle va d'ailleurs ressortir de tous les termes de cette disposition.

Deux éléments concourent pour l'existence du crime, la volonté et le fait matériel de l'incendie.

Il n'y a point de crime sans volonté; mais quelle est ici la signification de ce mot? L'incendie peut avoir plusieurs résultats différents. Est-il nécessaire que la volonté soit en rapport avec le résultat obtenu ? Le Code de 1791 voulait, en général, que l'incendie eût été commis par malice ou vengeance et à dessein de nuire à autrui; tel est aussi le sens du mot volontairement dans le premier paragraphe de l'article 434. La loi n'exige pas que celui qui a mis le feu à une maison habitée ait eu l'intention de donner la mort aux habitants de cette maison; elle exige seulement qu'il l'ait mis volontairement, c'est-à-dire avec l'intention d'incendier, et par conséquent avec le dessein de nuire: elle suppose dans cette intention la prévision des résultats possibles de l'incendie; elle en fait peser la responsabilité sur l'agent. Ainsi l'action de mettre le feu, même avec l'intention de tuer, à un lieu qui n'est pas réputé lieu habité par la loi, n'est punie que comme un attentat à la propriété, si l'incendie n'a occasionné la mort de personne. Ainsi l'incendie mis à une maison habitée,

même sans intention de tuer, et avec la seule volonté de causer un préjudice matériel, est puni comme un assassinat, quels que soient ses résultats. Il n'est donc pas nécessaire qu'il y ait une relation directe de cause à effet entre la volonté et le résultat de l'incendie; il suffit que l'agent ait mis le feu avec connaissance de son action, et pour satisfaire en général sa vengeance ou sa cupidité, sans même qu'il en ait prévu les résultats.

2522. Cette doctrine a été consacrée dans l'espèce suivante: Une chambre d'accusation, en admettant une accusation d'incendie, avait écarté un seul chef de tentative d'homicide volontaire avec préméditation, en se fondant sur ce que, « si le fait d'avoir mis le feu volontairement à une maison habitée est passible de la peine capitale, c'est que ce crime est dirigé contre la vie et la sûreté des individus ; que, dès lors, il implique nécessairement l'intention coupable de donner la mort, et ne saurait par conséquent être envisagé tout à la fois comme crime d'incendie et comme tentative d'homicide.»> Cet arrêt a été cassé: « attendu que ce motif de l'arrêt repose sur une fausse interprétation de l'article 434; qu'en effet il résulte de l'économie des dispositions du Code pénal que le crime d'incendie volontaire a été considéré par le législateur comme ayant presque toujours pour but la destruction des propriétés plutôt qu'un attentat contre les personnes, et que, s'il a prononcé la peine capitale contre ce crime, lorsqu'il s'agit d'une maison habitée ou destinée à l'habitation, c'est parce qu'il a vu dans cette circonstance aggravante un motif d'élever la peine au plus haut degré possible contre un attentat qui, quoique dirigé contre la propriété, met souvent aussi en péril la vie des hommes; que cette peine est applicable à l'individu déclaré coupable d'incendie volontaire d'une maison habitée ou destinée à l'habitation, alors même qu'il aurait agi sans volonté homicide envers les personnes ; que tout attentat contre la vie des personnes, quoiqu'il ait eu lieu en même temps que le crime d'incendie, n'en doit pas moins être distingué de ce crime et former un chef d'accusation séparé 1. »

1. Cass., 17 déc. 1842, Bull. n. 333; Devill.44.1.92; Pal.44.1.517.

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