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en l'appliquant à tous les ouvrages, même à ceux qui étaient représentés avant cette époque, soit qu'ils fussent ou non gravés ou imprimés. La loi du 30 août 1792 essaya de modifier ces règles; l'impression de la pièce limitait le droit exclusif de représentation au profit de l'auteur à dix années; après ces dix ans, elle pouvait être jouée sans aucune rétribution sur tous les théâtres; mais cette loi fut abrogée par la loi du 1er septembre 1793, et les lois des 13 janvier-19 juillet 1791 et 19-24 juillet 1793 restèrent seules applicables à la propriété des ouvrages dramatiques. Il résulte de ces lois que le droit exclusif de représentation est restreint à 5 ans après la mort de l'auteur. Tel est eu effet le terme fixé par la loi du 13 janvier 1791, spéciale pour les ouvrages dramatiques. La loi du 19 juillet 1793 n'a point dérogé à cette disposition exceptionnelle, puisque cette loi ne s'applique qu'aux écrits ou productions imprimés ou gravés, et ne s'étend nullement aux représentations théâtrales. On avait pensé qne les art. 30 et 40 du décret du 5 février 1810 avaient apporté à cet égard quelques innovations; mais l'avis du Conseil d'Etat du 20 août 1811 a positivement reconnu que ce décret n'avait rien innové quant aux droits des auteurs dramatiques, et que ces droits devaient être réglés conformément aux lois antérieures. Cette législation a été modifiée par la loi du 3 août 1844 et la loi du 8 avril 1854, qui ont été rapportées suprà, no 24762. Il résulte de ces lois nouvelles que le droit de représentation, comme tous les autres droits des auteurs, est garanti pendant <«< cinquante ans, à partir du décès. de l'auteur ou de sa veuve, « à ses successeurs. »

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2507. Nous terminons ici notre examen de cette matière. Les contrefaçons ont en genéral un caractère complexe; elles soulèvent à la fois une question du vol et une question de propriété. Nous avons dû, pour nous renfermer dans notre sujet, nous attacher à déterminer les éléments du délit, et

1. V. dans ce sens MM. Renouard, Traité des droits d'auteur, t. 2, p. 238; Gastambide, Traité des contrefaçons, n. 220; Etienne Blanc, p. 498. 2. * * Et, en dernier lieu, par la loi du 14 juillet 1866 (V. suprà. p. 21,

dégager, autant que cela était possible, ces éléments de toutes les difficultés inhérentes aux droits des auteurs. De là l'omission volontaire que nous avons faite de quelques questions importantes dont la solution ne concerne que le droit civil : ces questions ne pouvaient exercer aucune influence sur les règles constitutives du délit ; elles étaient donc étrangères à notre sujet.

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CHAPITRE LXXXIV.

DÉLITS DES FOURNISSEURS DE L'ÉTAT.

(Commentaire des art. 430, 431, 432 et 433 du Code penal.)

2508. Objet des art. 430, 431, 432 et 433. Délibération relative à leur rédaction.

2509. Ils s'appliquent aux fournisseurs des armées de terre et de mer, en temps de paix comme en temps de guerre.

2510. La dénonciation ne peut être portée que par le gouvernement: ce qu'il faut entendre par cette expression.

2511. Éléments du crime: à quels agents s'applique l'expression de fournisseurs.

2512. Il faut que le fournisseur ait volontairement fait manquer le

service.

2513. Fonctionnaires complices des fournisseurs.

2514. Retards dans le service et inexécution du marché, relativement à la qualité et à la quantité des marchandises.

2515. Quelle est l'autorité qui doit constater l'inexécution?

2508. Les dispositions du Code relatives aux délits des fournisseurs ont donné lieu, lors de sa rédaction, à de longues discussions dans le sein du Conseil d'Etat.

Le projet du Code comprenait dans son incrimination nonseulement les fournisseurs de l'État, mais ceux des administrations départementales, communales ou municipales, et des établissements publics; et les faits incriminés étaient: 1o l'inexécution des livraisons ou des travaux auxquels ils s'étaient obligés; 2o la tromperie sur la nature, la qualité ou quantité des travaux ou main-d'œuvre des choses fournies, si ces vices étaient tels, que ces choses ne fussent pas recevables dans le commerce ordinaire.

Lorsque cette disposition fut soumise au Conseil d'Etat,

M. Begouen émit l'avis que celui qui ne livre pas les qualités ou les quantités déterminées par son marché est sans doute en faute, mais que sa faute est purement civile, et qu'il y aurait des inconvénients à lui donner le caractère du délit. M. de Cessac répondit que l'inexécution d'un marché fait avec le gouvernement peut avoir les suites les plus graves; qu'en faisant manquer l'approvisionnement d'une armée, le fournisseur arrête la suite d'une opération militaire; qu'on doit donc traduire les fournisseurs en défaut devant les tribunaux criminels. M. de Ségur fit remarquer qu'il était juste cependant de mettre une différence entre celui qui fournit moins qu'il n'avait promis et celui qui fournit des choses de mauvaise qualité. M. Treilhard ajouta que l'article ne frapperait pas indistinctement tous les fournisseurs en défaut, mais seulement ceux qui ne pourraient justifier de leur bonne foi; mais qu'il conviendrait de l'étendre aux sous-traitants. M. Cambacérès fit enfin observer que le projet était susceptible de quelques distinctions; qu'on ne pouvait mettre sur la même ligne, ni punir avec la même sévérité le fournisseur qui fait manquer le service de l'armée et celui qui ne livre pas les matériaux nécessaires pour faire quelque construction dans une commune. L'article fut, en conséquence, renvoyé à la section chargée de la rédaction 1.

Une nouvelle rédaction fut préparée, et l'empereur voulut être présent à la discussion. M. Berlier exposa que le nouveau travail de la section différait de l'ancien en plusieurs points graves. En premier lieu, l'incrimination avait été restreinte aux marchés qui regardent les armées de terre ou de mer, et n'avait pas été étendue aux autres parties de l'administration, parce que s'il s'agissait, par exemple, d'un marché relatif à des fournitures de bureau, l'ordre public n'y était jamais assez compromis pour que son inexécution ou la défectuosité des objets fournis pût donner lieu à autre chose qu'à des actions civiles. La section, ajouta M. Berlier, a cru devoir distinguer aussi, pour la gradation des peines, entre le cas du service manquant totalement par le fait du fournisseur et

1. Procès-verbaux du Conseil d'Etat, séance du 20 déc. 1808.

celui des livraisons défectueuses; elle a aperçu plus de gravité dans le premier que dans le second, et elle a pensé que cette distinction, non portée dans le premier projet, était utile à établir. Le premier projet ne parlait que des fournisseurs (non des sous-fournisseurs), et le second embrasse les uns et les autres; car, si l'Etat ne connaît, pour ses réparations civiles, que ceux avec qui il a traité, la loi pénale ne peut atteindre que ceux qui ont commis le délit. Ainsi, si le fournisseur prouve, soit qu'il a envoyé des fonds, soit qu'il a fait d'autres diligences suffisantes envers son agent ou soustraitant, celui-ci sera seul punissable; au cas contraire,ce sera le fournisseur; enfin ils le seront tous deux,s'il y a faute commune, collusion, etc. M. Maret ajouta que cette matière était très difficile et exigeait beaucoup de distinctions. « Par exemple, dit cet orateur, ce n'est pas assez de punir le fournisseur qui ne fournit point, il faut encore atteindre celui qui fournit des choses de mauvaise qualité et dont on ne peut faire usage; celui-là aussi manque à son service, et même d'une manière plus dangereuse que le premier; on doit également punir le fournisseur qui a sous-traité à des conditions tellement onéreuses pour le sous-traitant, que ce dernier se trouve dans l'impossibilité de remplir ses obligations. » M. Daru voulait également étendre l'incrimination au fournisseur qui monte mal son service, qui, par exemple, sous-traite lorsque son marché le lui défend; à celui qui ne fournit pas ; à celui qui fournit des choses de mauvaise qualité; enfin à celui qui porte en compte de fausses fournitures. L'empereur se borna à faire remarquer que le projet était mal rédigé et manquait de clarté et d'énergie 1. Ce projet fut donc de nouveau renvoyé à la section, dont la troisième rédaction fut enfin adoptée sans opposition.

Toutes les observations émises dans le conseil n'ont pas été sanctionnées par la loi. Trois faits principaux sont prévus par le Code: 1o la faute, quelle qu'en soit la cause, du fournisseur qui fait manquer le service dont il est chargé; 2o les retards apportés par négligence aux livraisons et aux travaux;

1. Procès-verbaux du Conseil d'Etat, séance du 25 fév. 1809.

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