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lui en donnent le droit, et à leurs enfants pendant vingt ans. Article 40. Les auteurs, soit nationaux, soit étrangers, de tout ouvrage imprimé ou gravé, peuvent céder leur droit à un imprimeur ou libraire ou toute autre personne, qui est alors substituée en leur lieu et place, pour eux et leurs ayants

cause. »

Il faut ajouter à ces dispositions le décret du 1er germinal an XIII, qui assimile les ouvrages posthumes aux ouvrages des auteurs vivants : « Les propriétaires par succession ou à un autre titre d'un ouvrage posthume ont les mêmes droits que l'auteur, et les dispositions des lois sur la propriété exclusive des auteurs et sur sa durée leur sont applicables, toutefois à la charge d'imprimer séparément les ouvrages posthumes, et sans les joindre à une nouvelle édition des ouvrages déjà publiés et devenus propriété publique » ; l'art. 12 du décret du 8 juin 1806, qui applique la même disposition aux auteurs d'ouvrages dramatiques : « Les propriétaires d'ouvrages dramatiques posthumes ont les mêmes droits que l'auteur, et les dispositions sur la propriété des auteurs et sur sa durée leur sont applicables »; enfin le décret du 7 germinal an XIII, concernant l'impression des livres d'église, des heures et prières: «Les livres d'églises, les heures et prières ne pourront être imprimés ou réimprimés que d'après la permission donnée par les évêques diocésains. Art. 2. Les imprimeurs-libraires qui feraient imprimer, réimprimer des livres d'églises, des heures ou prières, sans avoir obtenu cette permission, seront poursuivis conformément à la loi du 19 juillet 1793. »

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2477. Il faut ajouter encore la loi du 3 août 1844, qui porte: « Les veuves et les enfants des auteurs d'ouvrages dramatiques auront à l'avenir le droit d'en autoriser la représentation et d'en conférer la jouissance, conformément aux dispositions des art. 39 et 40 du décret du 5 février 1810 »;

le décret du 28 mars 1852, qui est ainsi conçu : « Art. 1or. La contrefaçon, sur le territoire français, d'ouvrages publiés à l'étranger et mentionnés en l'art. 425, Cod. pén. constitue un délit. Art. 2. Il en est de même du débit, de l'exportation et de l'expédition des ouvrages contrefaits. L'exportation

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et l'expédition de ces ouvrages sont un délit de la même espèce que l'introduction, sur le territoire français, d'ouvrages qui, après avoir été imprimés en France, ont été contrefaits chez l'étranger. — Article 3. Les délits prévus par les articles précédents seront réprimés conformément aux articles 427 et 429, Cod. pén. L'article 463 du même Code pourra être appliqué. Article 4. Néanmoins, la poursuite ne sera admise que sous l'accomplissement des conditions exigées relativement aux ouvrages publiés en France, notamment par l'article 6 de la loi du 19 juillet 1793 »; la loi du 8 avril 1854, qui porte : « Les veuves des auteurs, des compositeurs et des artistes jouiront, pendant toute leur vie, des droits garantis par les lois des 13 janvier 1791 et 19 juillet 1793, le décret du 5 février 1810, la loi du 3 août 1844 et les autres lois ou décrets sur la matière. La durée de la jouissance accordée aux enfants par ces mêmes lois et décrets est portée à trente ans, à partir soit du décès de l'auteur, compositeur ou artiste, soit de l'extinction des droits de la veuve 1. »

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1. * * Il faut joindre à ces dispositions la loi du 14 juillet 1866, qui constitue le dernier état de la législation sur cette matière. Art. 1er: La durée des droits accordés par les lois antérieures aux héritiers, successeurs irréguliers, donataires ou légataires des auteurs, compositeurs ou artistes, est portée à 50 ans à partir du décès de l'auteur. Pendant cette période de 50 ans, le conjoint survivant, quel que soit le régime matrimonial, et indépendamment des droits qui peuvent résulter en faveur de ce conjoint du régime de la communauté, a la simple jouissance des droits dont l'auteur prédécédé n'a pas disposé par acte entre-vifs ou par testament. Toutefois, si l'auteur laisse des héritiers à réserve,cette jouissance est réduite, au profit de ces héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les art. 913 et 915 du Code Napoléon. Cette jouissance n'a pas lieu lorsqu'il existe, au moment du décès, une séparation de corps prononcée contre ce conjoint; elle cesse au cas où le conjoint contracte un nouveau mariage. Les droits des héritiers à réserve et des autres héritiers ou successeurs, pendant cette période de 50 ans, restent d'ailleurs réglés conformément aux prescriptions du Code Napoléon. - Lorsque la succession est dévolue à l'Etat, le droit exclusif s'éteint, sans préjudice des droits des créanciers et de l'exécution des traités de cession qui ont pu être consentis par l'auteur ou par ses représentants. Art. 2: Toutes les dispositions des lois antérieures contraires à celles de la loi nouvelle sont et demeurent abrogées.

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2478. Tels sont les lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, auxquels se réfère l'article 425 du Code pénal.

Ces lois et ces règlements établissent les droits des auteurs sur leurs ouvrages. Nous n'avons à nous occuper ici ni de la nature ni de l'étendue de ces droits, ni des règles relatives à leur transmission; nous rechercherons seulement à quelles œuvres de l'esprit ils peuvent s'appliquer.

La loi étend en premier lieu sa garantie aux écrits de tous genres: ce sont les termes de l'art. 1er de la loi du 19 juillet 1793. Le premier corollaire de cette règle est que tous les écrits, quels que soient leur valeur relative, leur inégal mérite, leur utilité différente, obtiennent la même protection, sont placés sur la même ligne. Un autre corollaire est que tous les écrits, même les plus humbles et les plus infimes, peuvent invoquer cette garantie.

Ainsi les compilations, lorsqu'elles sont faites avec des ouvrages qui appartiennent au domaine public, peuvent être l'objet d'une propriété privée, si elles dénotent une conception de l'esprit, un labeur véritable, une création. Telle est la décision de la Cour de cassation, fondée sur ce que « la loi du 19 juillet 1793 s'applique, d'après ses expressions littérales, aux auteurs d'écrits en tous genres; que, si elle énonce particulièrement les ouvrages qui sont les fruits du génie; elle énonce aussi expressément les productions de l'esprit, qu'elle s'étend donc aux recueils, aux compilations et autres ouvrages de cette nature, lorsque ces ouvrages ont exigé dans leur exécution le discernement du goût, le choix de la science, le travail de l'esprit ; lorsque, en un mot, loin d'être la simple copie d'un ou de plusieurs autres ouvrages, ils ont été tout à la fois le produit de conceptions étrangères à l'auteur, et de conceptions qui lui ont été propres, et d'après lesquelles l'ouvrage a pris une forme nouvelle et un caractère nouveau 1. »

C'est d'après ce principe qu'il a été décidé que les frères Michaud avaient un droit exclusif sur les articles de la Biogra

1. Cass., 2 déc. 1814, Bull. n. 42; Devill. et Car., 4.636; Dall., n. 88.

phie universelle, « attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que les frères Michaud ont conçu le projet d'un nouveau dictionnaire biographique, qu'ils ont rassemblé des matériaux et traité avec des savants et des gens de lettres, qu'ils ont contrôlé ou fait contrôler les articles ou notices composés pour cet ouvrage ; que l'arrêt a ainsi reconnu et constaté que la part prise par les frères Michaud à la création de la Biographie universelle, ouvrage collectif destiné à présenter un vaste assemblage de faits historiques et littéraires, comprenait tout à la fois la conception première de l'œuvre générale et son organisation, le choix des matériaux, la distribution des sujets aux savants et aux gens de lettres, enfin le contrôle sur tous les travaux partiels, pour les combiner dans l'ensemble et les adapter au but commun; que ces faits doivent faire attribuer aux frères Michaud une part essentielle à la création de la Biographie; que le travail de l'esprit s'y trouve joint à l'entreprise de cette œuvre collective; que cette participation dépasse le rôle d'un simple éditeur, et qu'elle comporte nécessairement avec elle la qualité d'auteurs de l'ensemble et de coauteurs dés différentes parties de la Biographie, dans leur rapport avec l'ensemble 1. >>>

2479. La même distinction s'applique, ainsi que nous l'avons établi plus haut, aux abrégés, parce que l'abréviation d'un ouvrage peut, par la composition et l'ordonnance des matières, le choix et la nature des extraits, faire un acte de création d'intelligence et d'industrie et constituer un droit de propriété 2.

Elle s'applique encore aux traductions. Une traduction est l'œuvre du traducteur, son travail propre, la création de son esprit. Sans doute, il n'a acquis aucun droit sur l'œuvre traduite; toute personne peut la traduire encore, de même que toute personne peut se servir des matériaux employés dans une compilation pour en faire une nouvelle sous un autre

1. Cass., 16 juill. 1853, Bull. n. 360; Dev.53.1.545; P.53.2.101; Dall.53. 1.309.

2. Jugem. du trib. de la Seine, 22 mars 1834, Gazette des tribunaux

titre, et des livres d'une science pour les résumer dans un nouvel abrégé ; mais nul ne peut copier la traduction même, parce qu'elle est la propriété privée du traducteur. Cette solution a été consacrée par la jurisprudence 1.

2480. La garantie s'étend également aux commentaires, notes et additions qui accompagnent le texte d'un livre tombé dans le domaine public, lorsque ces travaux constituent une véritable production de l'esprit et ajoutent par leur utilité au prix de l'ouvrage auquel ils s'appliquent. Ils ne donnent évidemment aucun droit sur l'ouvrage annoté ou commenté ; mais ils forment par eux-mêmes un ouvrage susceptible d'un droit exclusif. La Cour de cassation avait jugé, en s'appuyant sur le règlement du 30 août 1777, que les augmentations faites à un ouvrage n'attribuaient un droit de propriété qu'autant qu'elles étaient du quart de l'ouvrage 2, et cette décision a porté quelques arrêtistes à considérer comme une règle que les additions faites à un ouvrage qui appartient au domaine public, lorsqu'elles n'excèdent pas le quart de cet ouvrage, suivent le sort de la production principale 3. M. Renouard a très bien réfuté cette doctrine. Le règlement du 30 août 1777 ne prévoyait que le cas où un libraire voulait, à l'expiration d'un privilége, en obtenir la continuation : l'augmentation du quart était exigée pour que cette nouvelle concession eût lieu. Il s'agissait, par conséquent, non pas seulement d'un privilége sur les additions et sur les commentaires, mais sur l'ouvrage lui-même; il est donc impossible d'appliquer cette disposition, d'ailleurs aujourd'hui tombée en désuétude, avec la législation ancienne aux annotations mêmes. Et quel serait le motif d'une telle exception aux droits des auteurs sur les écrits de tous genres? Dès que les notes et les additions sont distinctes du texte primitif, pourquoi ne seraient-elles pas, comme toute espèce d'écrits, l'objet d'une

1. Cass., 23 juill. 1824, Devill. et Car., 7. 503; Dall., Jurispr. génér., vo Propriété littéraire, n. 91; Paris, 14 janv. 1830, Dall. 33. 1. 133. 2. Cass., 23 oct. 1806, Rép., vo Contrefaçon, § 11; Dall., ibid., n. 96. 3. Dalloz et Favard de Langlade, vo Propriété littéraire.

4. Traité des droits d'auteur, t. 3, p. 102.

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