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ment, & fut mis en poffeffion. Le fieur Delporte fe rendit oppofant à l'arrêt d'enregiftrement: par arrêt du 29 juillet 1773, il fut débouté avec dépens, au rapport de M. de Warenghien de Flory. Il fe pourvut en révision, & il effuya le même fort. Une différence remarquable entre le premier arrêt & celui de révifion, eft que l'un fut rendu tout d'une voix, & que dans le fecond, il y auroit eu partage, fi dans le nombre des voix qui opinoient pour le dévolutaire, il ne s'en fût trouvé d'incompatibles. La décision prononcée par ces deux arrêts mérite quelques refléxions.

On a dit à l'article Bénéfices que les provisions accordées à un étranger ne font pas nulles, & qu'il fuffit d'obtenir des lettres de naturalité après avoir été pourvu. Cette affertion ne fouffre aucune difficulté, dans l'intérieur du royaume dont les lois défendent feulement de mettre les étrangers en poffeffion des bénéfices qui leur font conférés. Mais dans le reffort du parlement de Flandres, cette queftion n'eft pas fi facile à réfoudre. Il s'y trouve une déclaration (*) du 15

(*) En voici la teneur.

Louis, par la grace de Dieu, roi de France & de Navarre, à tous ceux qui ces préfentes lettres verront, falur. Nous ayant été repréfenté de la part de nos fujets des pays que nous avons nouvellement conquis, & qui nous ont été cédés par les traités de Munfter, des Pirennées, d'Aix-laChapelle & de Nimegue, que la plupart des bénéfices fitués dans lefdits pays, font à la collation de plufieurs particuliers, qui étant établis dans les pays voifins & hors des terres de notre obéiffance, conferent lefdits bénéfices à des étrangers, de forte que par ce moyen nosdits sujets se trou

janvier 1681, enregistrée le 24 du même mois, qui déclare nulles les provifions de bénéfices données à des etrangers non naturalifés. Elle fut portée, ce femble, pour donner à ces provinces une loi fpéciale qui les diftinguât fur cette ma tière de l'intérieur du royaume. Mais quelques jours après le roi réfolut de porter une loi générale qui feroit envoyée au parlement de Flandres fous le titre d'édit, parce qu'il n'y avoit point encore en cette cour d'ordonnance fur ce fujet, & qui feroit auffi adreffée aux autres

vent privés du fecours qu'ils devroient naturellement recevoir de la jouiffance defdits bénéfices, & ne voulant pas fouffrir la continuation de cet ufage, qui eft préjudiciable à notre service, nous avons eftimé à propos de déclarer fur cela notre volonté : favoir, faifons, que pour ces caufes & autres à ce nous mouvant, & de notre grace fpéciale, pleine puiffance & autorité royale, nous avons par ces préfentes fignées de notre main, dit, déclaré & ordonné, difons > déclarons & ordonnons, voulons & nous plaît, que nul collateur des prieurés, chanoinies, cures, chapelles, & autres bénéfices, de quelque nature qu'ils foient, qui font fi tués dans les terres & pays à nous cédés par lefdits traités, ne puiffent dorénavant conférer ou nommer aux bénéfices dont les titres feront fitués dans les fufdits pays de notre obéiffance, que de nos fujets, à peine de nullité de leur callation; & à l'égard des abbés, prieurs conventuels, ou fupérieurs des maifons religieufes, tant d'hommes que de filles, fitués dans lefdits pays, nous leur défendons très expeffément de recevoir à l'avenir de novice qui ne foit notre fujet, fur telle peine que de raison. Voulons en outre que les fupérieurs qui gouvernent les maisons & monaftères des filles, ne puiffent être déformais que de nos fujets, & que y en a préfentement qui ne le foient pas, ils foient tenus & obligés de fe retirer inceffamment. Si donnons en mandement, &c.

s'il

tribunaux, mais fous le titre de déclaration l'édit fut enregiftré le 13 février, & comme la déclaration devenoit inutile, difparate & dépla cée, M. de la Hamaide procureur-général la retira le lendemain du greffe & la renvoya à M. de Louvois, fuivant les ordres qu'il en avoit reçus. Ces circonftances font attestées par une note mise en marge du registre où elle étoit enregistrée, écrite & fignée par M. de la Hamaide. D'après cela, on ne peut douter, que l'édit enregistré le 13 février 1681 n'ait été porté pour remplacer la déclaration qui le précédoit, fi l'on obferve que le préambule contient les mêmes motifs que ceux de la déclaration qu'il a fuivi immédiatement, & à laquelle il a fubftitué une loi unique dans le royaume. Ces confidérations paroiffent fuffifantes pour regarder la déclaration enregistrée le 24 janvier 1681 comme non avenue: ainfi il faut pour prononcer fur l'effet d'une collation faite en Flandres à un étranger confulter les lois générales de la France, qui toutes en fuppofent la validité. En effet, fi l'intention des légiflateurs eut été de la déclarer nulle, il eut été inutile d'ordonner toutes les précautions & de porter toutes les défenses contenues dans toutes ces ordonnances, il eut été bien plus naturel d'annuller purement & fimplement toutes provifions données à des étrangers.

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Il faut donc tenir pour un principe certain que les provifions font valables en elles-mêmes, mais qu'elles ne peuvent avoir d'effet qu'autant qu'il plaît au roi de fever l'empêchement politique qu'il y avoit mis. S'il accorde des lettres

de naturalité, alors l'étranger peut valablement prendre poffeffion de fon bénéfice en vertu de fa nomination antérieure à l'obtention de fes lettres, fans avoir recours à de nouvelles provifions; ce n'eft pas, à proprement parler, que fes lettres de naturalité aient un effet rétroactif; non, elles précédent l'effet qu'elles produisent. Le pourvu avoit un titre qui n'étoit pas nul & auquel la naturalisation n'ajoute rien l'effet de ce titre n'étoit fufpendu que par une irrégularité purement civile, & dès qu'elle difparoît, rien n'empêche que le pourvû ne prenne poffeffion d'un bénéfice pour lequel il a toutes les qualités requifes par les lois de l'église & de l'état.

On a même voulu foutenir que dans la thèse qu'on vient d'établir, il n'y a point lieu au Dévolut, parce que, difoit-on, le pape ne peut s'arroger en vertu d'une incapacité prononcée par une loi purement civile, le droit de conférer un bénéfice à titre de Dévolut, tandis que la loi civile ne lui a point donné ce droit. Mais ce fyftême a été profcrit par deux arrêts du parlement de Flandres: le premier a été rendu le 2 juin 1767 au rapport de M. de Pollinchove, en faveur du fieur Nicolas, dévolutaire, contre le fieur Ocreman poffeffeur depuis fix ans d'un bénéfice de patronage laïc. Double ciconftance qu'il vouloit faire valoir. Le fecond a été rendu le premier août 1769, au rapport de M. de Francqueville, en faveur du fieur Lonpret, dévolutaire contre le fieur Bargiband qui étoit depuis vingt ans en poffeffion paisible de fon bénéfice. Dans ces deux cas il a été jugé que l'inhabilité d'un étranger à pofféder un bénéfice en France donnoit ouverture au Dévolut.

Le fieur Courtin ne pouvoit donc compter fur ce moyen; auffi ne faifoit-il que l'indiquer foiblement. Mais il fuffifoit pour lui de dire que le dévolutaire qui ne tient que du roi le droit de dévoluter un bénéfice conféré à un étranger ne peut fe plaindre que le roi ait reftreint & limité ce droit, comme il l'a jugé à propos : car le droit que le dévolutaire a pû acquérir ne peur avoir d'effet qu'autant qu'il ne plaît pas au roi de difpenfer de l'empêchement qui a donné lieu au Dévolut. Soutenir le contraire, disoit M. Joli de Fleury, ce feroit admettre dans le royaume l'autorité d'une puiffance étrangère, ôter au roi la plénitude du pouvoir qui lui appartient fi légitimément, enlever au fouverain la liberté de faire grace quand & de la manière qu'il lui plait.

Ce raifonnement qui s'applique ici avec tant de jufteffe, n'auroit plus la même force dans un cas où l'étranger pourvu fe feroit mis en poffeffion de fon bénéfice, & fans fonger à fatisfaire aux lois de l'état, auroit attendu tranquillement qu'on vint l'inquiéter, pour fe faire relever de fon incapacité. Ce feroit le moment de traiter de l'effet rétroactif des lettres de naturalité, & de difcuter le fentiment des auteurs fort partagés fur cette matière. Mais dans les circonftances où fe trouvoit le fieur Courtin rien n'a dû empêcher qu'il ne fût maintenu dans une poffeffion qu'il n'avoit prife qu'après avoir acquis le titre canonique & civil, puifqu'il n'avoit pas obtenu fes lettres de naturalité au préjudice du droit d'un tiers.

Ainfi l'arrêt du 14 décembre 1775 & celui

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