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CLÉON.

Que vous mande-t-on ?... Qui?

GERONTE.

Je ne sais pas qui c'est.

Quelqu'un, sans se nommer, sans aucun intérêt....
Mais je ne sais s'il faut vous montrer cette lettre,
On parle mal de vous.

CLÉON.

De moi?... Daignez permettre....

GÉRONTE.

C'est peu de chose; mais....

CLEON.

Voyons. Je ne veux pas

Que sur mes procédés vous ayiez d'embarras;
Qu'il soit aucun soupçon, ni le moindre nuage.
GÉRONTE.

Ne craignez rien: sur vous je ne prends nul ombrage.
Vous pensez comme moi sur ce plat freluquet.
Venez, vous allez voir l'éloge qu'on en fait.
(Il lui donne la lettre qu'il a lue. )
CLEON, lisant.

«J'apprends, Monsieur, que vous donnez votre » niece à Valere. Vous ignorez, apparemment, que c'est un libertin, dont les affaires sont très-dérangées, et le courage fort suspect. Un ami de sa » mere, dont on ne m'a pas dit le nom, s'est fait » le médiateur de ce mariage, et vous sacrifie. Il » m'est revenu aussi que Cléon est fort lié avec

Valere. Prenez garde que ses conseils ne vous

> embarquent dans une affaire qui ne peut que >> vous faire tort, de toute façon. »>

GERONTE.

Eh bien, qu'en dites-vous ?

CLÉON.

Je dis, et je le pense,

Que c'est quelque noirceur, sous l'air de confidence. Pourquoi cacher son nom?

(Il déchire la lettre. )

GERONTE.

Comment! vous déchirez....

CLEON.

Oui. Qu'en voulez-vous faire?

GERONTE.

Et vous conjecturez

Que c'est quelque ennemi, qu'on en veut à Valere?

CLÉON.

Mais, je n'assure rien. Dans toute cette affaire
Me voilà suspect, moi; puisqu'on me dit lié.

GERONT E.

Je ne crois pas un mot d'une telle amitié.
CLÉON.

Le mieux sera d'agir selon votre systême.
N'en croyez point autrui; jugez tout par vous-même.
Je veux croire qu'Ariste est honnête homme; mais....
Votre écrivain, peut-être.... Enfin, sachez les faits,
Sans humeur, sans parler de l'avis qu'on vous donne.
Soit calomnie, ou non, la lettre est toujours bonne,
Quant à vos sûretés. Rien encor n'est signé:
Voyez, examinez....

H

GERONTE, l'interrompant.

Tout est examiné:

Je renverrai mon fat, et son affaire est faite.... (Appercevant Valere.)

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Il vient.... Proposez-lui de hâter sa retraite.
Deux mots.... Je vous attends.

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(Il sort. )

SCENE XIII.

VALERE, entrant d'un air rêveur, CLÉON.

CLLON, fort víte, et à demi-voix.

Vous êtes trop heureux!

Géronte vous déteste; il s'en va furieux!
Il m'attend: je ne puis vous parler davantage;
Mais ne craignez plus rien sur votre mariage.

(Il sort.)

SCENE XIV.

VALERE,

seul.

Je ne sais où j'en suis, ni ce que je résous.

Ah! qu'un premier amour a d'empire sur nous! J'allois braver Chloé par mon étourderie....

La braver!... J'aurois fait le malheur de ma vie!

Ses regards ont changé mon ame en un moment.
Je n'ai pu lui parler qu'avec saisissement....
Que j'étois pénétré ! que je la trouve belle!
Que cet air de douceur, et noble et naturelle,
A bien renouvellé cet instinct enchanteur,
Ce sentiment si pur, le premier de mon cœur!
Ma conduite, à mes yeux, me penetre de honte...
Pourrai-je réparer mes torts près de Géronte?
Il m'aimoit autrefois.... J'espere mon pardon.
Mais comment avouer mon amour à Cléon?
Moi! sérieusement amoureux !... Il n'importe,
Qu'il m'en plaisante ou non, ma tendresse l'emporte!
Je ne vois que Chloé.... Si j'avois pu prévoir...
Allons tout réparer.... Je suis au désespoir !

Fin du troisieme Acte.

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EH! quoi, Mademoiselle, encor cette tristesse?

Comptez sur moi, vous dis-je. Allons, point de foi

blesse.

CHLOE.

Que les hommes sont faux! et qu'ils savent, hélas!
Trop bien persuader ce qu'ils ne sentent pas !
Je n'aurois jamais cru l'apprendre par Valere.
Il revient; il me voit: il sembloit vouloir plaire.
Son trouble lui prêtoit de nouveaux agrémens,
Ses yeux sembloient répondre à tous mes sentimens....
Le croiras-tu, Lisette? Et, qu'y puis-je comprendre?
Cet amant adoré, que je croyois si tendre;
Oui, Valere, oubliant ma tendresse et sa foi,
Valere me méprise !... il parle mal de moi !

LISETTE.

Il en parle très-bien; je le sais, je vous jure.

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