VALERE. A mes dépens peut-être ils sont d'intelligence? CLÉON. Cela m'en a tout l'air. VALERE. J'aime mieux un procès: J'ai des amis là-bas ; je suis sûr du succès. CLÉON. Quoique je sois ici l'ami de la famille, Je dois vous parler franc. A moins d'aimer leur fille, Je ne vois pas pourquoi vous vous empressericz Pour pareille alliance. On dit que vous l'aimiez Quand vous étiez ici? VALERE. Mais assez, ce me semble. Nous étions élevés, accoutumés ensemble; Je la trouvois gentille: elle me plaisoit fort.... Mais Paris guérit tout, et les absens ont tort. On m'a mandé souvent qu'elle étoit embellic; Comment la trouvez-vous? CLÉON. Ni laide, ni jolie.' C'est un de ces minois que l'on a vu partout, Et dont on ne dit rien. VALRRE. J'en crois fort votre goût. CLÉON. Quant à l'esprit, néant: il n'a pas pris la peine Jusqu'ici de paroître, et je doute qu'il vienne. Ce qu'on voit, à travers son petit air boudeur C'est qu'elle sera fausse, et qu'elle a de l'humeur. Assurément, Chloé seroit une Béauté Que sur ce portrait-là j'en serois peu tenté.... CLEON, l'interrompant. Non il vous faut rester. VALERE. Mais comment? Voulez vous ici me présenter? CLÉON. Non pas dans le moment; dans une heure. Il faut que vous alliez retrouver votre chaise. Dans l'instant que Géronte ici sera rentré, Car c'est lui qu'il nous faut, je vous le manderai; Et vous arriverez par la route ordinaire, Comme ayant prétendu nous surprendre et nous plaire. VALERE. Comment concilier cet air impatient, Cette galanterie avec mon compliment? C'est se moquer de l'oncle, et c'est me contredire. Et voilà justement ce qu'il ne faut pas faire: De toutes nouveautés frondeur opiniâtre: Homme d'un autre siccle, et ne suivant, en tout, Pour ton, qu'un vieux honneur, pour loi, que le vieux goût; Cerveau des plus bornés, qui, tenant pour maxime On n'imagine pas combien il se respecte! Il réglera pour vous son penchant ou sa haine Vous, au licu d'approuver, trouvant tout fort com mun, Vous ne lui paroîtrez qu'un fat très-importun, VALERE. Oh! vous êtes charmant!... Mais n'aurois-je point tort?... J'ai de la répugnance à le choquer si fort. CLLON. Eh bien.... mariez-vous.... Ce que je viens de dire VALERE. Je cherche à m'éclairer. Ecoutez-moi, de grace! CLEON. Mais tout vous embarrasse, Et vous ne savez point prendre votre parti! Mais avec un vieux fou, dont on peut se moquer, VALER E. Soit.... Il a la fureur de me croire à son gré; SCENE VIII. FRONTIN, CLÉON, VALERE. MONSIE FRONTIN, à Cléon. MONSIEUR, j'entends du bruit, et je crains qu'on ne vienne. CLEON, à Valere. Ne perdez point de tems. Que Frontin vous remene. (Valere et Frontin sortent. ) |